Chapitre XII : Palais de sang

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Les lourdes portes du château de pierre tiré du mouvement néo-jacobin s'ouvrirent dès lors que le prince vampire fût aperçu à leurs pieds. Multiples majordomes et servantes se précipitèrent vers l'homme aux dreadlocks et son chevalier, des expressions de panique tirant leurs traits. Au centre de ce regroupement, un homme aux cheveux bruns et vêtu d'un uniforme de soldat où de nombreux blasons étaient portés courru vers le prince essoufflé.

- Majesté ! Nos troupes vous ont cherché dans tout le royaume ! S'affola le chef de la brigade royale.

- Du calme chevalier King, tout va bien. Le rassura Jude d'un regard entendu.

- Excusez moi monsieur. Se reprit Joseph.

Il fit le salut militaire étant de poser son poing droit sur le cœur et son bras gauche dans le dos.

Le châtain regarda la femme blonde se tenant entre ses bras et sourit à la vue de son visage si paisible. Il savait que son acte de bravoure serait réprimandé par son paternel mais peu lui importait.

- Monsieur, nous devrions emmener cette jeune femme se reposer dans une chambre. Il serait fâcheux que le roi la découvre sans n'avoir été prévenu au préalable. Dit David, cherchant au mieux à éviter un drame familial.

Jude opina et marcha dans les longs couloirs du palais royal où tapis de velours, miroirs faits d'or et lustres précieux trônaient. Malgré la beauté des lieux, le vampire de sang royal n'y prêtait aucune importance. Ayant vécu dans ce palais depuis son premier jour de vie, ces décors luxurieux étaient pour lui une normalité. Jude arriva au troisième étage, dans le quartier résidentiel réservé aux invités de haut grade. Il ne comptait pas coucher cette femme près des servantes, non.

Elle avait bien trop d'importance pour cela.

La porte dorée s'ouvrit, laissant place à une chambre chatoyante et élégamment meublée. Certes, ce style de meubles et de tapisseries étaient bien loin du style contemporain et actuel où les humains étaient plongés néanmoins il savait au fond de lui que la blonde apprécierait cette décoration. Le chevalier Samford s'hâta près du lit à baldaquins et poussa les draps de soies aux douces nuances de rose pour faciliter la tâche au prince. Celui-ci le remercia d'un signe de tête et déposa la jeune femme avec la plus grande délicatesse dont il était capable sur le matelas. Ses longs cheveux s'étalèrent sur les divers oreilllers de plumes tandis que Jude tira sur les draps pour la couvrir. Il se demanda un instant si ses vêtements étaient adéquats à ce qu'elle puisse dormir mais comprit vite que demander à une servante de la changer risquerait de la réveiler.

- Je vais vous laisser monsieur, bonne nuit à vous. Dit David, accompagné d'un salut militaire semblable à celui de Joseph plus tôt.

- Merci David. Répondit avec bonté le prince.

Un sourire chaste étira les lèvres du chevalier avant qu'il ne tourne le dos à son supérieur.

Jude tira un fauteuil rose jusque là à l'opposé de la pièce et le déposa au chevet de l'humaine. Il s'y assit avec élégance et contempla la belle blonde. Il sourit à la vue de ses traits sereins, si différents de ceux appeurés dont elle avait fait preuve face au vampire de la ruelle. Il avait vu dans ses iris bleues une terreur qu'il n'avait jamais vu. Elle aurait pû mourir entre les crocs de cette bête inhumaine. Il serra les poings en prenant compte que celui ayant voulu la tuer était de la même espèce que lui. Mais ils n'avaient rien en commun. Jude savait se contrôler, son rang de vampire royal lui administrant une retenue à la soif incomparable à celle d'un pauvre vampire impur. Ces vampires ne savaient et ne cherchaient à se contrôler, laissant leurs pulsions guider leurs gestes. Ils étaient la honte de leur espèce. À cause d'eux, le monde vampirique traînait cette dure réputation de suceurs de sang sans foi ni loi, tuant comme bon leur semble. La réalité était tout autre. Les vampires sont des êtres avec des lois, des codes d'honneur et un sens de la bienséance au-delà de toutes les autres espèces. Les vampires ne tuaient pas par jeu, mais par besoin. De plus ils tuaient rarement des humains, en partie pour ne pas salir leur réputation déjà peu positive. Le sang animal pouvait nourrir un vampire, même si son goût et son apport nutritif faisait pâle figure face à du sang d'Homme. Ayant vécu dans une famille royale, Jude avait toujours appris à se contrôler. Les codes de la royauté étaient clair : un vampire royal ne tue pas selon ses désirs, il se doit de se maitriser. Un crime venant d'un prince l'emmenerait directement au banissement du clan vampirique ou tout autre sentence encore plus grave. Quoi qu'il en soit, Jude ne souhaitait tuer. Même si cela était la normalité, il ne le pourrait. Pour lui, le meurtre était un acte animal, indigne de la race des vampires qu'il tenait en haute estime.

Alors que le prince se faisait un discours intérieur, il sentit les draps bouger le détournant de ses pensées. Il vit Lucy simplement bouger sous les draps en quête d'une position plus confortable. Il la regarda tâtonner mollement le matelas et enfoncer encore plus son visage dans les coussins blancs. Elle sembla finir par trouver une position convenable et expira de fatigue. Jude ressentit néanmoins une pression vers sa main droite et vit la main de Lucy posée non loin de la sienne. Cèdant à ses pulsions, il la lui prit et la serra avec douceur entre les siennes avant d'y déposer ses lèvres. Il aprécia le contact chaleureux de sa peau sur ses lèvres, un contact dont il avait tant rêvé.

Cette femme était différente, différente de tout ce qu'il avait toujours connu. Les femmes que son père le faisait cotoyer étaient hautaines, vaniteuses et hors d'intérêt. Leurs longues robes, leurs éventails, leur maquillage superficiel et leurs manières précieuses ne l'intéressaient nullement. Il ne pouvait nier que leur beauté était époustoufflante. Après tout, tel est le principal trait des femmes vampires. Cela les aidait d'ailleurs pour séduire des hommes pour assouvir leurs désirs charnels ou simplement leur soif de sang. Néanmoins, jamais Jude n'avait ressenti quoi que ce soit pour elles, comme si son cœur était scellé. Cela déplaisait au plus haut point à son père, souhaitant avoir une noble descendance et cela le plus rapidement possible. Malgré la longue longévité des vampires, il était rare qu'un roi ne règne plus de cinq cents ans sur un royaume. Le peuple réclamait un changement de roi, un renouveau. Hors, le roi Sharp devait attendre que son fils se fiance pour lui céder la couronne mais Jude se montrait résigné à cette idée. Le roi organisait tant bien que mal chaque semaine de multiples banquets prestigieux ou réunions pour lui faire rencontrer les plus belles femmes du monde vampirique, en vain. Qui plus est, son fils allait souhaiter ses deux-cents ans dans peu de temps, une étape importante dans la vie d'un vampire. Le temps pressait pourtant le prince semblait indifférent à toute femme.

Jude se posait de nombreuses questions à ce sujet. Durant toute sa vie il ressentait un poids innomable au fond de lui, une tristesse qu'il n'aurait sû décrire. Il n'arrivait à mettre des mots sur qui il était, ce qu'il souhaitait, son existence même lui paraissait incomplète. En effet, il voyait ces autres vampires tomber amoureux, fonder des familles et tout ce qui s'en suit mais jamais il n'avait ressenti ce désir. Jamais son âme n'avait ressenti ce sentiment, celui qui faisait tressaillir tout un être. Cette émotion dépassant toute raison.

Pourtant il y a de cela vingt-cinq ans, un évènement avait sû chambouler sa vie. Il ne saurait dire comment il l'avait sû, comment ça avait commencé. Il se rappelait parfaitement de ce jour. Cela s'était déroulé un matin de décembre lorsqu'une rude tempête de neige frappait les murs du palais. Jude ne trouvait pas le sommeil, comme souvent avant cela. Il lisait un autre livre de chevalerie dont il était friand lorsque sa fenêtre s'ouvrit avec violence. La neige envahit sa chambre et le vampire se hâta de retenir les fenêtres et d'essayer de les fermer. Malgré sa force vampirique le vent était d'une puissance inouïe, rendant la tâche compliquée. Lorsqu'il rapprocha les fenêtres pour ne laisser qu'un fin espace entre elles une brise particulière envahit la pièce. Cette brise ne portait pas ce bruit de sifflement commun aux autres, elle portait le cri d'un enfant. Un simple rire aigüe d'un bébé naissant.

Ce jour là, il sût que son âme-sœur venait de naître et il se jura de la retrouver quoi qu'il lui en coûta.

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