Acte I - scène 6

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Reign of love - Coldplay





Jungkook a écrit une lettre à Yoongi. Elle est triste et inutile.

Il l'a rangée dans sa boîte à chaussure, celle où il met toutes les choses tristes et inutiles qu'il fabrique de ses dix doigts. La boîte est à moitié remplie de lettres à Yoongi.

Jungkook a mal partout et il travaille dès neuf heures. Il sert des boissons et de la nourriture à des clients impatients. Il tombe d'épuisement dès qu'il a l'occasion de prendre cinq minutes de pause dans l'arrière-boutique.

Le patron de Jungkook s'appelle Jin. Il ne lui adresse jamais un regard. Il est sévère et pointilleux. Il gronde souvent Jungkook et il lui dit de se bouger les fesses toutes les dix minutes. Jin est très peu débordé. Sa boutique ne marche pas très bien. Il galère un peu dans la vie, mais ça ne se voit pas.

En attendant, Jin a engagé Jungkook depuis longtemps, et il n'est jamais revenu sur son choix. Il fait du bon boulot, alors il reste.

Le petit restaurant, à la fois bar et café, connaît peu de succès, mais Jungkook se débrouille toujours pour être épuisé en fin de journée.

Jin le sait. Il n'est pas aveugle. Il voit bien que Jungkook vient tous les matins avec des poches sous les yeux et un teint pâlot. Mais Jin est comme ça, il n'est pas très fort en communication, encore moins avec ses employés.

Jin parle peu, mais on le respecte.

Jin a beau l'engueuler la plupart du temps, Jungkook l'admire beaucoup. Et puis, malgré la fatigue, les indisponibilités, Jungkook ne s'est jamais fait virer.

Jin a confiance en lui, et c'est tout ce don il a besoin.

Ça fait du bien à Jungkook, parce qu'il n'a pas confiance en lui-même.


Jungkook sent son téléphone vibrer dans sa poche. L'appareil est tellement vieux et abîmé qu'il fonctionne grâce à un carburant très efficace : l'espoir. Jungkook espère de toute son âme qu'il va s'allumer, et le téléphone finit toujours par s'allumer.

C'est sa maman qui l'appelle. Jungkook ne veut pas répondre. Sa maman l'appelle rarement et il se sent toujours horriblement mal après lui avoir téléphoné.

Jungkook hésite. Puis il décroche.

"Allô maman ?"

"Il y a un tigre dans l'hôpital." fait la voix tremblotante de sa mère.

"Maman, ne t'inquiète pas. Il n'y a pas de tigre, je t'assure."

"Si, si, si, si ! Je l'entends rugir ! Il est dans les toilettes du deuxième. J'ai prévenu les infirmiers, mais ils m'ont enfermé dans ma chambre."

"Maman... Vas t'allonger, d'accord ? Tu es en sécurité, ne t'inquiète pas. Il n'y a aucun tigre nulle part." soupire Jungkook, fatigué, alors qu'il s'apprête à retourner travailler.

"Tu ne m'es d'aucune aide."

"Maman..."

Elle a raccroché. Jungkook soupire. Il réajuste son col roulé, celui qui cache soigneusement toutes les tâches dans son cou, refait le nœud de son tablier, et ressort de l'arrière-boutique. Il y a un homme assis dans un coin.

C'est tout.

Jungkook se sent horriblement mal. C'était prévisible. Il pense à sa maman, enfermée dans un pauvre hôpital psychiatrique à des centaines de kilomètres. Puis il pense à son papa qui a quitté le logis parce qu'il ne la supportait plus.


Des fois, Jungkook se dit qu'il a vraiment une existence de merde.

𝐥𝐚 𝐩𝐨𝐫𝐭𝐞 𝐝𝐞 𝐠𝐚𝐮𝐜𝐡𝐞⁺ʸᵒᵒⁿᵏᵒᵒᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant