Chapitre 13 - Derrière les portes closes

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Ils arrivèrent devant le 18356 de l’avenue Larose, une petite maison construite à la fin de la deuxième mondiale, probablement rénovée plus d’une dizaine de fois, à en juger l’assemblage hétéroclite des améliorations qui s’accrochait à l’architecture au départ plus que banale. Alphonse stationna devant la porte et attendit un moment avant de parler :

 « Bon, on s’est bien compris. Je vais parler. Tu écoutes. Tu vas apprendre. On n’en sait pas encore assez mais ça va venir assez vite. Cette histoire de clé pour moi, est au cœur de ce qui nous attend. Ça et le meurtre du mafioso, je suppose. Tu es prêt? »

Quentin acquiesça, sentant le rythme de son cœur augmenter. Il sortit et claqua la porte en même temps que son collègue. L’autre lui fit un clin d’œil et l’invita à le suivre d’un léger coup de tête vers la droite. Le vent était glacial et augurait pour de la neige, c’était presque assuré.

« Et si le gars attend quelqu’un, et qu’il est armé, qu’est-ce qu’on va faire? »

« D’après moi, il cherche encore sa clé, sinon, tu l’aurais vu. Arrive! Il ne nous reste pas beaucoup de temps avant le prochain flash et je déteste être en fonction quand ça arrive. »

« Qu’est-ce que tu veux dire? demanda Quentin sans que puisse lui répondre son ami puisqu’ils arrivaient devant la porte close de la maison de Lionel Desjardins. »

Alphonse retira le gant de sa main droite et toqua doucement. Aucune réponse. Il cogna un peu plus fort. Toujours le silence.

« Il doit être au sous-sol. » grogna-t-il.

« Pourquoi tu ne sonnes pas? »

Alphonse pointa le bouton brisé et les fils qui pendaient. « Observation, déduction, autre action. »

Il passa devant lui et se pencha versa la fenêtre au verre dépoli, les mains couvrant ses tempes. Puis, il descendit les quatre marches et se dirigea vers l’arrière. Ils passèrent près d’une vingtaine de sacs à vidanges qui traînaient là depuis un bon moment, si on se fiait à la poussière et à l’état des sacs percés par les chats ou les ratons-laveurs.

Ils montèrent sur le balcon, à l’arrière de la maison et trouvèrent la porte-patio entrouverte. Quentin retrouva les odeurs qu’il avait perçues lors de ses deux premières visions, la pourriture des aliments abandonnés sur le comptoir, le parfum douteux de vêtements qui n’avaient pas été lavés depuis longtemps. Alphonse poussa la porte et appela Desjardins. Ils entendirent une voix venue du sous-sol.

« Qu’est-ce que c’est? Je suis occupé. Passez une autre fois. »

« C’est à propos de votre femme, monsieur Desjardins, dit Alphonse d’une voix posée. »

Il y eut un moment de silence puis le pas lourd d’un homme fatigué qui grimpa l’escalier en soufflant comme un bœuf.

Quentin reconnut immédiatement l’homme, bien que lors de sa dernière vision qui se passait quelque mois dans le passé de celui-ci. Il avait changé. Amaigri, vieilli, il portait une barbe et une chevelure hirsutes. Ses vêtements usés étaient fendus aux coudes et aux genoux. Cet homme n’avait certainement plus toute sa tête. Il les regarda, les paupières agrandies, révélant des orbites jaunes marbrés de veines rouges.

« Qu’est-ce qu’elle a fait encore, cette maudite folle? Elle envoie des avocats pour me casser la gueule, c’est ça? »

Alphonse ricana. « Vous avez un sens de l’humour qui me plaît, monsieur Desjardins. Vous êtes bien Lionel Desjardins, n’est-ce pas? »

« Est-ce que j’ai l’air de Steven Harper? Ou de Céline Dion? Bien-sûr que je suis qui je suis. Qu’est-ce que vous me voulez? Je n’ai pas que ça à faire moi. »

Tout ce que tu feras (tu le feras pour moi)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant