Il entendit des voix venues du fond d’un profond puits vide. Il entendit des murmures qui lui parurent comme des cris parce que la douleur était insoutenable au fur et à mesure qu’il revenait à la vie. Pendant un moment, il pensa qu’il avait été mort mais il se rappela ne pas avoir vu ni lumière ni le déroulement de sa vie, seulement une chape de noirceur se refermer sur lui avec des crocs en verre qui allaient le déchiqueter.
Pourtant, lorsqu’il ouvrit enfin les yeux, il n’y avait personne autour de lui et aucun son ne lui parvint. Ses yeux n’eurent pas à s’habituer à la pénombre qui l’environnait et il put voir qu’il était couché sur un immense lit aux draps d’un blanc immaculé, dans une chambre toute aussi grande et dénudée. Il voulut se lever mais aucun de ses membres ne répondait à l’appel. Curieusement, il ne fut pas remplir de colère et de panique. C’était presque normal et il se demandait pourquoi il pensait de la sorte. Il fit un demi-sourire en imaginant qu’on l’avait drogué et Dieu seul sait ce qui s’était passé entre le moment où l’ombre visqueuse s’était jetée sur lui et le moment de son réveil.
Sur sa droite, il put distinguer une fenêtre sans rideau à travers laquelle il crut distinguer des étoiles. La nuit était d’un bleu profond, signe de froid et probablement avant-coureur d’une tempête. Il essaya à nouveau de bouger la tête mais seuls ses yeux pouvaient balayer la pièce qui, du reste, n’avait d’intéressant à montrer. Le plafond et les murs étaient lisses, blanc comme tout le reste, immobile, plastique. En fermant les yeux à moitié, on eut pu se croire dans le vide, n’eût été du rectangle foncé de la fenêtre qui découpait l’espace. Il prit une profonde inspiration et la relâcha avec douceur. Il se sentait planer. Son mal de tête était du passé et il n’avait ni faim, ni froid, ni chaud. Assurément, on l’avait drogué.
Il ouvrit la bouche pour parler mais aucun son ne sortait de sa gorge. Il hésita. Était-il en train de rêver tout cela? Ou bien, était-il mort, dans une espèce d’anti-chambre où on viendrait le charcuter pour une autopsie sommaire avant de la glisser dans un four crématoire ou de l’enterrer dans un cercueil de plomb. Des mots lui vinrent à l’esprit : vampire, zombie, ange ou démon. Rien ne collait. Il était bien vivant, il en était certain. Aucun rêve ne peut être aussi précis. Il songea qu’il avait peut-être rêvé la nouvelle que lui annonçait Élaine, le meurtre, la rencontre avec Matheus et son suicide, et que maintenant il se réveillait, extirpé de ce cauchemar atroce. Mais où se trouvait-il? Assurément dans ce manoir retiré, entouré d’arbres centenaires et de créatures étranges qui en gardaient les limites.
Un bruit attira enfin son attention. Des pas derrière la porte, invisible à ses yeux. Une étrange faux de lumière se découpa dans le blanc assombri de la pièce. Quelqu’un entrait. L’ombre s’approcha doucement. C’était le majordome, ce bon vieux Horace qui lui souriait tout en replaçant la douillette qui le couvrait jusqu’au menton. Ce dernier tapota doucement l’oreiller et s’en retourna aussi doucement qu’il était arrivé. Avait-il seulement remarqué que Quentin avait les yeux ouverts? Pourquoi ne lui avait-il pas parlé?
L’intensité de la lumière de la pièce augmenta subtilement. Bientôt, un halo douceureux baignait la chambre. Quentin ressenti maintenant une certaine chaleur, la sienne, sous l’épaisse couche de draps et la moelleuse douillette. Il put bouger la tête de quelques centimètres, à gauche, puis à droite où il arrêta sa course. La nuit l’attirait. Il n’avait jamais pris le temps de regarder les étoiles, même jeune. Peut-être avait-il peur de recevoir une taloche derrière la tête et entendre son père lui claironner de cesser d’avoir la tête dans les nuages.
L’instant d’après, l’homme qui avait orchestré la soirée morbide du double meurtre sous les consignes de Matheus fut à ses côtés. Il ne l’avait pas vu entrer. Sa présence ne le surprit pourtant pas. C’était comme s’il avait là depuis le début.
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Tout ce que tu feras (tu le feras pour moi)
ParanormalLorsque Quentin apprend que sa femme le quitte après 6 ans de passion, il décide froidement de l'assassiner mais au lieu d'être arrêté et jugé - ce qu'il désire ardemment afin de mettre fin à son désespoir - il est pris dans un tourbillon sanglant d...