Une légère brume brunâtre flottait à environ dix mètres du sol. La journée était anormalement chaude pour ce temps-là de l’année. Les bulletins de météo annonçaient que le smog qui recouvrait la vallée du St-Laurent entre Cornwall et Trois-Rivières allait persister jusqu’au lendemain. Le mercure indiquait quatorze degrés Celsius et le soleil brillait par son absence. L’atmosphère était lourde, non seulement dans l’air vicié mais au sortir de l’église où avait lieu les funérailles d’Élaine.
Quentin avait revêtu un costume noir et portait des verres fumés. Il voulait surtout cacher ses yeux secs que n’auraient pas manqué de remarqué les frères et la sœur de la défunte. Madame Chicoine, veuve doublement éplorée, tamponnait ses yeux, non sans jeter des regards de vipère à son beau-fils. Amandine Chicoine était une femme qui s’était laissée aller à jouer le rôle de mère au foyer, soumise à son mari, une brute écervelée, qui faisait trop souvent les gros bras du temps de son vivant et qui, heureusement, était mort d’une crise cardiaque cinq and plus tôt. À la mort de celui qui avait fait de sa vie un cauchemar quotidien, Amandine s’était recyclée en femme décidée à ne plus s’en laisser passer. Indépendante jusqu’au bout des orteils, elle avait fait une croix sur une seconde noce, laissant le pauvre voisin, un dénommé Vézina, retourner à ses plates-bandes faute de l’avoir fait céder à ses avances. Elle consacrait ses heures à essayer de régler les problèmes de ses enfants. Bernard, l’aîné, avait eu des ennuis avec sa consommation d’alcool. Mariette, qui la suivait de près, avait marié un type qui faisait autant d’argent qu’il en dépensait si bien que la pauvre vivait presque sur le seuil de la pauvreté dans leur immense maison sur l’Île-Bigras. Quant à Max, le dernier né, il vivotait encore chez sa maman en attendant de fêter fièrement la première année de sa trentaine où il lui annoncera probablement qu’il est homosexuel, ce que tout le monde savait sauf la principale intéressée.
Élaine était l’avant-dernière née sous ce chapiteau familial. Lorsqu’elle avait annoncé être tombée en amour avec Quentin, tout le monde avait applaudit. Enfin, l’une des leurs allait avoir une vie qui ne causerait pas de cauchemar à ses parents. C’était une passionnée d’art, de littérature, de théâtre et de yoga. Elle lançait des « namaste » à tous et chacun, comme si c’était une bénédiction. Elle suscitait la jalousie, surtout chez sa sœur qui l’enviait de se sentir bien dans son petit appartement au Centre-Ville, de rencontrer un gars stable et d’avoir un plan de vie qui inclurait éventuellement un voyage au Népal pour y rencontrer des Tibétains exilés.
Quentin plut à tout le monde, même à Max, qui le bouda un peu, après avoir vu les yeux de ce dernier quand il lui avait fait des avances. Quentin avait trouvé ça assez drôle et ne s’était pas gêné de le raconter à Élaine qui gronda son frère en riant.
Ils se marièrent un peu trop vite au goût d’Amandine mais son mari, qui allait encore vivre trois ans avant de crever dans son garage en changeant ses pneus d’hiver, lui demanda avec un ton de reproche ce que ça changeait qu’ils se marient là ou dans trois ans.
Ce bonheur dura un peu plus de six ans, on le sait déjà. Et il se termina sans que personne de sa famille ne sache qu’elle avait décidé de tout abandonner, incluant son fameux Quentin. Sauf qu’un soir où elle était absente, Amandine avait appelé et Quentin, qui avait pris une bière de trop, lui avait claironné son désespoir en espérant que la bonne femme prenne position de son côté. Elle avait d’abord nié la chose, comme si elle voulait la défendre puis avait appelé tout le monde ce qui cascada ensuite à l’oreille d’Élaine qui lui avait piqué une crise presque démentielle. À partir de ce moment, Quentin ignorait ce qu’elle leur avait raconté mais aucun des membres de la famille ne lui adressait la parole. Il se doutait qu’elle leur avait raconté des tas de choses fausses et que ceux-ci la croyait, davantage que lui-même. Peut-être leur avait-elle même annoncé qu’elle avait un nouvel ami mais en leur faisant promettre de ne rien lui dire. Ce ci expliquait le commentaire de la mère quand Quentin l’avait appelé peu de temps après sa mort.
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Tout ce que tu feras (tu le feras pour moi)
ParanormalneLorsque Quentin apprend que sa femme le quitte après 6 ans de passion, il décide froidement de l'assassiner mais au lieu d'être arrêté et jugé - ce qu'il désire ardemment afin de mettre fin à son désespoir - il est pris dans un tourbillon sanglant d...