Chapitre 9 - L'initiation

314 7 0
                                    

Quentin jeta le livre qu’il tenait entre les mains vers Matheus qui ne bougea pas, affichant un rictus démoniaque. Il recula, trébuchant sur la table qui chuta avec fracas derrière lui. Il s’adossa contre le mur de livres et essaya de calculer s’il aurait le temps de sprinter vers la porte avec que ce monstre ne se jette sur lui. Pourtant, le revenant ne montrait aucun signe d’agressivité. Il semblait plus s’amuser de voir la panique dans les yeux de son invité. Quentin cherchait toujours une issue lorsqu’apparurent dans le cadre de la porte les autres comparses, Horace et Alphonse, enveloppés de leur robe de chambre, l’air endormi.

« Matheus, dit Alphonse sans manifester la même hilarité envers Quentin, vous êtes vraiment incorrigible. Pourquoi lui avez-vous fait ça? Il était tout calme et le voilà encore pétrifié d’horreur. Il va falloir tout recommencer. »

Quentin éclata :

« Vous n’êtes qu’une bande de malades mentaux! Vous vous amusez bien, hein, à me faire croire des tas de stupidités, à commencer par ce faux suicide, sans parler de votre bête sauvage qui se terre dans les bois. Si ça se trouve, c’est vous, Crémazie, qui endossez le costume et jouez aux zombies pour faire peur à vos prisonniers. »

Matheus continuait de rigoler sans se soucier des autres personnes autour de lui. Il avait le teint pâle d’un vampire et sa peau avait l’air d’avoir passé trop de temps dans l’eau, plissée, molle et une odeur de formol monta au nez de Quentin.

Horace, qui n’avait pas ouvert la bouche depuis le début de ce triste spectacle, essaya de s’approcher de leur invité mais Quentin s’empara d’un chandelier moyenâgeux sur pattes de fer forgé et le pointa dans sa direction :

« Si vous faites un pas de plus, je vous tue pour vrai, espèce de serpent! Vous ne valez pas mieux qu’eux, j’en suis certain. Avec vos airs de gentil monsieur soumis aux ordres de son patron, vous devez en mener plus large que vous ne le laissez paraître. Reculez ou je vous flanque ce bout de métal entre les deux yeux. »

Matheus riait de plus belle.

« Ah, Quentin, il y avait longtemps que je n’avais pas ri de la sorte! Vous êtes une vraie fontaine de jouvence, n’est-ce pas Horace? Allez, avancez, on va rire encore davantage. Avancez, je vous dis. »

Horace acquiesça sans broncher et avança, toisant Quentin avec défiance. Ce dernier posa un pied devant pour s’assurer un équilibre plus solide, surtout s’il mettait sa menace à exécution, ce qui n’était pas encore chose faite. Tremblant de la tête aux pieds, il lui ordonna de reculer une autre fois puis serra le métal entre ses doigts humides par la peur. Mais, le majordome posa un autre pied devant lui, sans quitter Quentin des yeux :

« Donnez-moi le chandelier, Monsieur. La fête est terminée. Il faut que nous parlions. Le temps commence à presser. »

« N’avancez pas, imbécile. Vous ne me croyez pas capable mais je peux vraiment le faire. J’ai tué ma femme il y a moins de vingt-quatre heures et ce n’est pas votre face d’innocent qui va me faire peur. »

Alphonse s’était appuyé contre le chambranle et regardait ses ongles, peu intéressé à la scène. Matheus retenait son rire qui s’échappait quand même par petits couinements de souris.

Lorsqu’Horace fut à portée de frappe de Quentin, ce dernier souleva son arme de fortune pour mieux prendre son élan et asséna un violent coup de métal sur le visage impassible d’Horace qui tituba et tomba à la renverse. Un bruit de noix écrasé avait accompagné ce geste fatal et Quentin lâcha immédiatement le chandelier, criant de rage et de terreur. Il venait de tuer un vieil homme désarmé qui ne faisait rien d'autre que de s’approcher de lui.

Tout ce que tu feras (tu le feras pour moi)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant