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La gêne s'était installée au fur et à mesure que la soirée continuait. Les conversations devenaient de plus en plus minces et les mots de plus en plus rares. Un silence de plomb s'était emparé de la voix de ma cousine, de Myron, et de celle de Timothée. Il ne savait que dire. Je le comprenais. Je savais que si ça avait été moi qui avais ouvert la porte à son ex-collante et qu'elle avait fait toute une crise devant mes yeux, j'aurais été dans son état, si ce n'est pire. Le baiser de la matinée semblait si lointain à présent.

Louise raccompagna Myron à la porte. Elle déposa ses lèvres sur les siennes, et le laissa partir, un parapluie à la main. Timothée fixait ses pieds depuis maintenant quelques minutes. Louise passa devant nous, en m'adressant un sourire compatissant : elle savait que la situation était étrange vu que je lui avais raconté dans les moindres détails la douceur des lèvres de Timmy contre les miennes. Louise nous laissa seuls, moi, Timothée, et la gêne. Le cliquetis de la porte de sa chambre retentit. Ses yeux fixaient toujours le sol. Ses mèches brunes, mouillées précédemment par la pluie, lui tombant devant les yeux qu'il avait plus vert que dans mes souvenirs, datant du matin même. Je me suis glissé plus près de lui, et lui ai donné un léger coup d'épaule, appelant à ce qu'il me regarde. Il fit ce que j'espérais. Il passa sa langue sur ses lèvres. Le silence pesait encore plus lourd. Mais parle bon sang, qu'est-ce que tu attends ? Angèle, parle. Dit quelque chose. N'importe quoi ! La première chose qui te passe par la tête mais vite ! Il remit en place ses cheveux, derrière son oreille, comme il l'avait fait plutôt dans la matinée, et dit :

« - Tu aurais de la glace ?
- De... De la glace ?
- Oui, il paraissait amusé, tu sais, ça peut se manger avec une cuillère, ou dans un cornet, il y a plusieurs goûts et c'est très frais, donc très agréable l'été !!
- Mais je vois que monsieur est un comique...
- A mes heures perdues, hélas, il sourit légèrement. Alors ? Tu en as ?
- Mais pour qui me prends-tu ? Bien sûr que j'en ai, je ne suis pas une sauvage quand même. Quel parfum ?
- Je serais étonné que tu en aies mais aurais-tu de la vanille pacane ?
- Tu me crois si tu veux, mais j'en ai acheté un plein pot cette après-midi... »

Une fois les glaces servies, elles n'ont pas fait long feu dans nos bols respectifs. L'air passant pas la baie-vitrée, était agréable contre mes tempes suantes de la chaleur qui persistait, même le soir, très tard. Il s'intéressait tellement à moi, passions, études, et activités confondues, que j'avais eu un mal fou à en savoir plus sur lui. Mais par je ne sais quel miracle, il me parla de sa mère, elle vivait aux États-Unis, avec son père, qui lui était Français.

« - Tu n'habites pas Bordeaux depuis si longtemps alors ?
- Ça doit bien faire 2/3 ans je crois bien... Le temps passe vite...
- Et tu es venu pour ... ?
- Me rapprocher de ma grand-mère, la voir plus souvent.
- Elle aussi habite Bordeaux ?
- Non, elle est du Chambon-sur-Lignon, je ne pense pas que tu connaisses, c'est... - A une centaine de kilomètres de Lyon, si je ne me trompe pas bien sûr !
- Angèle tu me surprends de plus en plus.
- Ne m'attribues aucun mérite, c'est Louise qui voulait y aller à tout prix cette année, elle m'a bassiné avec cette satanée ville pendant des semaines...
- Cette satanée ville ? Il était amusé par ce que je venais de dire vu l'expression que son visage affichait.
- Oh... Euh... Loin de moi l'idée de penser que ce n'est pas une jolie ville. Tout ce que je voulais dire c'est que ma cousine n'a fait que me rebattre les oreilles avec ça ; je ne voulais pas dire du mal de la ville de ta grand-mère où tu vas de temps en temps...
- J'y ai passé tous les étés de mon enfance jusqu'à mes 12 ans..., il s'amusait de ma détresse.
- J'abandonne, déteste-moi, mais j'abandonne. À peine j'ai eu fini de dire ma phrase, qu'il me prit le menton entre son index et son pouce, et il pressa sa bouche rosée d'amusement, contre la mienne.
- Au cas-où tu n'aurais pas compris, je ne te déteste en aucun cas...
- J'aime assez cette manière que tu as eue de m'informer, mais je ne suis pas convaincue, j'aimerais une confirmation...»

Water was clearOù les histoires vivent. Découvrez maintenant