Ce fut mon premier voyage en train, et ce fut, sans conteste, le pire. Non pas parce que le transport était rudimentaire, les mois passés avec la bande m'avaient habitué à un confort minimal. Non, le plus difficile à supporter fut la douleur qui me déchirait le cœur. J'avais perdu famille et amis, je ne savais pas comment y faire face.
Le comportement de Charles n'avait absolument pas aidé. Comment avait-il pu m'ignorer ainsi, n'ayant même pas l'honnêteté de venir me dire adieu. C'est là tout ce que je valais à ses yeux ? N'avais-je vraiment été qu'une compagne d'opportunité, que l'on ne respecte même pas assez pour se conduire décemment avec elle ? La pensée me souleva le cœur, j'avais envie de vomir. Il fallait me rendre à l'évidence, je m'étais voilée la face.
A bord, je tentai de rester forte. Mais bien vite, les larmes coulèrent sans que je ne puisse les arrêter. Tous les passagers pouvaient me voir, mais je m'en fichais. Je n'avais jamais ressenti un tel désespoir. Maintenant que je n'avais rien d'autre à faire que me reposer et réfléchir, toutes les émotions des semaines passées me submergeaient.
Après quelques temps, une femme d'un certain âge, élégante, s'approcha. Elle me tendit un mouchoir, et avec une douceur incroyable, demanda la raison de mon chagrin. J'étais étonnée. A Valentine, les femmes lui ressemblant étaient toutes des femmes acariâtres et pleines de jugement.
Je ne lui révélai pas tout, bien entendu. Je me contentai de lui expliquer que je quittai ma famille et mes amis pour suivre des études de médecine, et que je ne savais pas si je les reverrais un jour. Elle me tapota la main et me dit gentiment que j'étais l'une des personnes les plus chanceuses sur terre. Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas.
« C'est une immense preuve d'amour qu'ils vous ont fait. Ils se sont mis ensemble pour vous payer ces études, pour vous permettre de devenir quelqu'un. Médecin, c'est quelque chose, surtout pour une femme. Ils ont fait des sacrifices pour que vous puissiez faire le bien autour de vous, soignez des gens, et peut-être à votre tour, changer la vie de quelqu'un. Et même s'il est normal d'être peinée de ne plus les voir, vous devriez être reconnaissante d'avoir connu un tel amour dans votre vie. »
Ses mots me tirèrent quelques larmes d'émotions. Elle avait raison, Arthur et Charles m'avaient donné une chance incroyable. Revenir dans le droit chemin. Faire ce que je savais mieux le faire. Une telle opportunité n'arrive que rarement. Il ne revenait qu'à moi de ne pas la gâcher.
Bien sûr, son optimisme et sa bonté me touchèrent. Mais la tristesse et le contrecoup de la folie des précédents mois ne pouvaient s'effacer aussi simplement. Durant la trentaine d'heures que dura ce voyage à travers le Canada et les Etats-Unis, la mélancolie revint souvent frapper à ma porte. Toujours plus vicieuse.
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Un temps gris m'accueillit à Chicago. Dans le tumulte des passagers, j'essayai de me frayer un chemin sans me faire emporter au loin. Je n'avais que très peu d'informations sur ma nouvelle vie au final. Je savais qu'on devait venir me chercher, et c'était à peu près tout. Je m'arrêtai au milieu de la station, l'air complètement perdu.
Une femme se dirigea d'un pas décidé vers moi. Elle se présenta à moi comme Mrs. Brown, la tenancière de la pension où j'allais être hébergée. C'était une femme joviale qui me mit tout de suite à l'aise. Elle me rappelait ma grand sœur Hélène, toujours gaie, toujours à veiller sur les autres. J'y trouvais un grand réconfort.
Sans plus attendre, elle m'entraîna dans le mouvement de la ville. Après des semaines dans le silence de la forêt et des montagnes, le tourbillon des carrioles et des gens m'étourdissait. Nous montâmes dans un tram, depuis lequel elle me décrivait toutes les rues autour de nous. Toutes ces informations étaient écrasantes, je ne parvenais pas à réaliser qu'il s'agissait de ma nouvelle vie, et que bientôt, je connaîtrai toutes ces rues par cœur.
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Outlaws - Une jeunesse Américaine - [Charles Smith x OC]
AventureLa vieille dame sourit en pensant à son amant depuis longtemps perdu. Ils étaient jeunes, fougueux et plein d'idéaux, à l'aube de ce nouveau monde qui était, malgré eux, déjà présent. Arthur, John, Mary-Beth et tous les autres... Elle se souvenait...