4 / Tournée dirigée

39 7 21
                                    

La forêt lui rappelait son errance remplie d'espoir et la cape de Naja, devant elle, la peur d'être découverte lorsqu'elle l'avait filée en douce. Une fois arrivée à la route, elle reconnut les lieux et ne tarda pas à voir la cité. A un détail près, lors de sa première visite, il pleuvait et ses yeux n'avaient guère quitté le bout de ses souliers. Elle avait à peine vu les fortifications et les gardes. Son regard s'éleva enfin. Protégé par des barricades en bois, le village s'étendait en bas de la colline où en son point le plus haut trônait une citadelle. Elle paraissait immense à Marinette, majestueuse dans le bleu du ciel. Naja ralentit pour se mettre à sa hauteur et chuchota :

- Suis moi et ne dis pas un mot !

Elles arrivèrent par la porte sud, face à la rue centrale. Les gardes les regardèrent passer, indifférents. Les maisons qui bordaient la grande rue étaient en pierre comme l'église et sa place non loin. La plupart des autres constructions étaient en bois et les rues tracées, au gré des installations de fortune, donnaient un mélange un peu anarchique. Naja connaissait par cœur les ruelles et cavalait à toute allure, Marinette sur ses talons. Elle s'engouffra bientôt sous un porche donnant sur une cour crasseuse et s'immobilisa devant la porte du fond. Avant de frapper, elle jeta un regard à Marinette. La femme qui leur ouvrit était petite et boulotte et dégageait un air sympathique sous son fichu et ses traits fatigués. Elle les fit entrer immédiatement et elles pénétrèrent dans la pièce unique qui accueillait la nombreuse famille. Naja dit :

- Bonjour Mme Frairada, Le message parlait de votre nourrisson, racontez-moi !

Mme Frairada hésita un instant, jetant des œillades vers Marinette.

- Pardon, je manque à tous mes devoirs. Je vous présente Marinette, mon apprentie. Elle me suivra et m'épaulera désormais dans mes visites.

C'était dit, officialisé ! Marinette se redressa et adressa un petit hochement de tête à la mère de famille. Cette petite maison faite de bric et de broc abritait de nombreux enfants, elle en compta cinq et la petite pièce ne tarda pas à résonner des pleurs du sixième. La mère le prit dans ses bras et dit :

- Bonjour Mesdames, c'est pour mon petit dernier que je vous ai quémandé. Il pleure constamment et ne prend plus le sein. Ce n'est pas normal, les autres n'ont jamais fait cela. Nous ne mangeons pas toujours à notre faim, c'est vrai, mais mon lait, bien que pas très abondant leur a toujours suffi.

Naja, qui s'était approchée, se pencha pour l'observer. Son petit visage était rougi par l'effort. Avec l'assentiment de la maman, elle le palpa à plusieurs endroits, absorbée dans sa tâche.

La mère continua.

- J'ai beaucoup prié pour lui. Et je prie encore le seigneur de lui laisser une chance.

Le bébé se mit à pleurer et à se crisper. Le pauvre petit était assailli de spasmes douloureux. Naja entreprit de masser son ventre qui se durcissait à chaque crise. Il s'apaisa un peu.

- Votre enfant souffre de maux de ventre. Quel âge a-t-il ?

- Il est né à la fête de la moisson.

Ce qui faisait à peu près 2 mois, pensa Naja.

- Bien, pourriez-vous me porter de l'eau tiède et un gobelet, je vous prie.

La guérisseuse préleva de sa réserve, quelques alvéoles de ruches d'abeilles et les laissa se dissoudre dans l'eau. Elle demanda ensuite un linge propre et elle trempa le bout du tissu dans le mélange. Le présentant à l'enfant, il goutta sur ses lèvres et bien qu'étonné, il téta bientôt le liquide bienfaiteur.

Elle sortit des petites graines d'un sachet et en fit infuser. Dans la pièce se répandit un léger parfum d'anis.

- Pour la tisane, c'est de l'anis, très efficace contre ce genre d'affection. Vu son jeune âge, une demi-tasse par jour sera très bien et proposez lui le sein autant de fois que possible. Cela devrait l'aider à reprendre des forces à ce petit gaillard.

DEMENCIA  Heureux celui qui ignoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant