Tremblante des pieds à la tête, Marinette se sentait désemparée. Elle avait eu tant d'espoir quelques minutes auparavant en quittant leur cachette et celui-ci s'était écrasé en un rien de temps comme ses larmes sur le sol. Soma voulut la prendre dans ses bras mais elle le repoussa.
- Je dois me rendre aux cuisines avant que le repas ne soit servi, dit-elle d'un air féroce.
- Mais c'est de la folie, Marinette. Pourquoi ?
- Attends-moi à la sortie, je te rejoindrais. Je dois y aller seule.
S'essuyant le visage d'un revers de manche, elle était partie avant que Soma ne puisse la raisonner. Il quitta alors le hangar, un pincement au cœur. La planche qui claqua derrière lui, lui rappela le moment qu'ils avaient passé ensemble et dans un même temps la réalité de la situation. Il avait échoué et Marinette se détournait déjà de lui. Il avait eu beau s'y préparer, la douleur qu'il ressentit surpassa largement ce qu'il avait pu imaginer. Se forçant à rester discret et naturel, il ne put que faire ce qu'elle lui avait demandé. Il trouva un seau avant d'escalader le mur et s'en empara. Il jeta un coup d'œil vers les cuisines et caché derrière les latrines, trouva une fourche. Se dirigeant vers la sortie, il passa devant les écuries pour attendre le bon moment pour s'éclipser. Après plusieurs minutes d'attente en feignant de travailler, il put se faufiler avec un groupe de personnes qui sortaient. Il laissa enfin échapper un soupir de soulagement quand il se tapit dans l'ombre du mur d'enceinte pour espérer le retour de sa bien-aimée. De là où il était posté, il voyait bien les allées et venues. Il vit arriver un essaim de filles, pleines de froufrous et riant comme des folles. Sans hésiter, il siffla, imitant le chant d'un oiseau. Aucune de filles ne réagit et ce n'est qu'à la seconde fois, que l'une d'elles se détacha du groupe. Tandis qu'elle s'approchait, Soma se dit qu'il la connaissait sans pourtant pouvoir mettre un nom sur ce visage. La dévisageant, il faillit partir d'un grand éclat de rire quand il s'aperçut qu'il s'agissait d'Amùr. Il lui posa un tas de questions mais il allait beaucoup trop vite pour lui. Soma lui raconta ce qui s'était passé quand Gina apparut.
- Que s'est-il passé ? Pourquoi es-tu tout seul ? demanda-t-elle à peine arrivée vers lui.
Soma reprit son explication pour Gina, même si la fin et le départ précipité de Marinette échappaient à son entendement. Il ne savait pas où elle était partie, ni ce qu'elle comptait faire.
- Nous devons suivre, dit Gina, Attends ici, comme elle te l'a demandé. Si elle est à l'intérieur, nous la trouverons. J'en parle aux filles immédiatement.
Elle fit volte-face entraînant Amùr avec elle et s'engouffra dans le château en compagnie des autres poes.
Oui, c'est bien ce qu'il pensait, il n'avait plus qu'à patienter ; une attente lourde d'angoisse.
***
Marinette n'était plus tout à fait elle-même. Aveuglée par la colère, elle se débarrassa de la vieille couverture, se recoiffa et s'avança vers les cuisines. La pièce surchauffée grouillait d'animation et, se faufilant parmi les domestiques, elle s'approcha de la marmite de soupe et y versa sa potion de lierre. Mais avant qu'elle ait pu verser tout le contenu, une cuisinière l'interpella.
- Eh toi, tu n'es pas ici pour surveiller la soupe. Amène ces fruits à la salle à manger et plus vite que ça !
Obéissante, elle prit un plateau de fruits mais ne savait pas trop où aller et suivit une autre servante, elle aussi chargée de la même tâche. Elle se calqua sur elle. Lorsqu'elles pénétrèrent dans la salle, elle fut éblouie par le faste du banquet. Tous ces messieurs et dames attablés, riant à gorges déployées, sans se soucier du malheur qui la rongeait. Elle posa son plateau sur une des tables et resta un instant dans un coin pour observer. Ici, elle aurait un plus grand angle d'attaque. Faisant le tour des tables, elle fit mine d'arranger les plats tout en déversant, le poison dans les pichets de vin et de bière, alors que les convives s'empiffraient sous son nez. Son manège aurait pu continuer, mais un homme la réprimanda et lui ordonna de retourner travailler, la traitant de fainéante. Elle fila vers les cuisines. L'homme inspecta la table d'un œil critique et voulut la rappeler mais un groupe de filles firent leur entrée. Les dames choquaient et les hommes charmaient ; ils regardaient les poes investir la salle comme si elles étaient chez elle. Le comte, déjà ivre, les applaudit et partit d'un grand éclat de rire. Marinette regardait aussi la scène depuis le couloir qui menait aux cuisines, quand l'une d'elles s'approcha. C'était Gina. Lui prenant le bras, elle la reconduisit vers la cuisine.
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DEMENCIA Heureux celui qui ignore
Historical FictionA l'époque médiévale, la médecine est souvent affaire d'hommes voire même d'hommes d'Eglise. Etre une femme, qui plus est guérisseuse, est source de bien de dangers. D'autant plus si la cité où elle vit, est régie par un homme avide de pouvoir , qu...