Marinette sortit et ferma doucement la porte. Elle soupira. Sur la terrasse donnant sur le jardin, elle resta un instant immobile. Puis elle descendit les marches qui la séparaient du soleil. Ses rayons lui caressaient délicieusement le dos et, petit à petit, son visage se détendit, ses poings se desserrèrent et ses épaules se relâchèrent. Laissant toute sa tension au pied de la terrasse, elle ferma les yeux et se concentra sur ce qui l'entourait. L'herbe lui chatouillait les pieds au travers de ses vieilles sandales, la chaleur inondait son corps et ses cheveux virevoltaient dans la brise d'été.
Un bruit sec provenant de la maison la fit sursauter et revenir à la réalité. Sans réfléchir, elle se mit en route. Comme à son habitude, tout en marchant, elle se remémorait ses derniers tracas. Elle n'avait pas délibérément casser ce vase, elle a toujours été maladroite. Pourtant cette fois-ci, elle n'avait pas eu le courage d'avouer. Alors qu'elle époussetait les étagères, le vase était tombé se brisant en mille morceaux. Alarmée par cet incident et ses conséquences, elle l'avait caché, priant pour que cela ne soit jamais découvert. Mais ce matin, alors qu'elle descendait à la cuisine préparer le repas de sa maîtresse, les morceaux du vase se trouvaient sur la table et derrière l'objet du délit, le juge au regard implacable l'avait déjà cataloguée coupable. Marinette resta plantée, toute droite, encaissant les accusations et les humiliations. Elle tentait de ne pas pleurer mais l'épisode se déroulait déjà derrière un écran de larmes. Honteuse, elle fut entraînée dans sa chambre et après une bonne correction, consignée jusqu'à nouvel ordre. Le fait même d'y repenser, elle sentait encore cette colère afflué en elle, lorsque la porte s'était refermée. Une envie insurmontable de tout casser et surtout de ne plus être dans cette maison, de ne plus être elle, de ne plus être du tout.
Une fois, la crise passée, elle s'était faufilée hors de sa chambre. Un irrésistible besoin de s'évader la poussa à se diriger vers son endroit préféré. Derrière la propriété, à l'abri des regards, son rocher l'attendait loin de la maison, de ses corvées interminables et des réflexions de sa maîtresse jamais satisfaite. Assise à l'ombre du grand chêne, elle regardait ses branches onduler et écoutait la musique du vent dans ses feuilles. Se délestant de ses pensées négatives, elle recherchait le visage bienveillant, l'image protectrice qu'elle voyait à chaque fois dessinée dans le feuillage du grand arbre. Elle savait que ce n'était que son imagination mais peu importait, son sourire engageant invitait à la confidence. Elle pouvait tout lui dire de ses rêves fous, de ces douleurs d'enfant. Mais aujourd'hui, cela ne suffirait pas. Elle se sentait prisonnière. Sa vie lui pesait un peu plus chaque jour et ses rêves jadis nombreux et pleins d'espoir diminuaient comme peau de chagrin. D'ordinaire, elle aurait inventé une histoire ou chanté une chanson pour alléger son cœur lourd mais à l'aube de son quatorzième anniversaire, son horizon s'était déjà obscurci. La réalité de son quotidien avait fait s'envoler ses rêveries enfantines et la laissait clouée au sol, tremblante de peur et de colère quant à son avenir.
Que lui réservait il ? Que pouvait-elle espérer d'un quotidien empli de corvées, de coups et de solitude qui ne la laisserait que plus épuisée et désespérée chaque jour ? Son regard se perdit vers l'horizon et sautant de son rocher, elle regarda à droite derrière les arbres bordant le terrain de la maison. Rien, ni personne ne l'attendait. Tournant la tête à gauche vers le sentier, elle se dit qu'il n'y avait que l'incertitude. Mais Marinette savait, quelque part au fond d'elle-même, qu'elle avait déjà fait son choix. En cet après-midi, ici même, elle pouvait tout changer. Sans réfléchir plus longtemps, elle emprunta le sentier qui s'enfonçait dans la forêt. D'un pas vif, elle avança puis, comme si quelqu'un était à ses trousses, elle se mit à courir. Lors de sa course, les images s'entrechoquaient dans son esprit. Son petit lit, vide et froid, ses soirées interminables à coudre à la lueur d'une bougie, et surtout personne à qui parler, tout cela ne pouvait pas être son avenir comme un éternel recommencement. A bout de souffle, elle ralentit l'allure et continua à avancer sans savoir où elle allait. Apeurée par sa décision, sans vouloir pour autant rebrousser chemin, elle ne tarda pas à pleurer. Comme une enfant qu'elle était malgré tout, de grosses larmes roulaient sur ses joues. Aveuglée et perdue au milieu de la forêt, elle s'arrêta au pied d'une colline et se blottit dans les feuilles. A force de pleurer, elle finit par s'endormir.
VOUS LISEZ
DEMENCIA Heureux celui qui ignore
Tarihi KurguA l'époque médiévale, la médecine est souvent affaire d'hommes voire même d'hommes d'Eglise. Etre une femme, qui plus est guérisseuse, est source de bien de dangers. D'autant plus si la cité où elle vit, est régie par un homme avide de pouvoir , qu...