Soma était resté un moment à regarder la route par où elles étaient parties. C'est un passant, qui le saluant, le fit sortir de sa rêverie. Reprenant le chemin du château, il déambula un instant, profitant du calme de la cité presque déserte durant le prêche de son frère Magèr. Il l'imaginait parfaitement. Étriqué dans sa robe de prêtre, il profitait avidement de son instant de gloire, proférant des propos abjects et de pieux mensonges. Il regardait avec mépris le peuple du haut de sa chaire et inséminait leurs esprits de peur et de haine. Il éprouvait un réel dégoût en pensant à son frère ; tout en lui l'agaçait au plus haut point et pourtant ils étaient bien du même sang. Quelquefois, il se le demandait sincèrement. Il devait dîner avec lui et son père, ce soir, et cette perspective était loin de l'enchanter. Il détestait ces moments imposés par son père. Bien avant le début, Il lui tardait que la fin soit proche. Il se rembrunit à cette idée. Il se dirigea droit vers sa tour, la plus délabrée, afin de profiter d'un peu de calme avant la tempête. Sa chambre se trouvait tout en haut, encombrée de parchemins et de dessins. Il alla vers sa table de travail, pressé de coucher sur le papier le tendre visage qu'il venait de rencontrer. Il entendit à peine le serviteur qui frappa et finalement entra pour venir le chercher. Déjà en retard, il s'empressa de se changer et de se rafraîchir avant de descendre dans la fosse aux lions.
La table était dressée dans le salon éclairé par de grands chandeliers, face à la cheminée. Son père et son frère ne l'avaient pas attendu pour débuter le repas. Il s'installa à sa place et une servante s'empressa de lui servir un verre de vin. Ils étaient en pleine conversation, son frère toujours prompt à se vanter et à parler de sa dernière homélie.
- Je ne suis pas peu fier de mon prêche, père. Avez-vous vu les regards apeurés et la dévotion dans les yeux de mes ouailles ? Mes mots les ont atteints de plein fouet. Il faut savoir tourmenter les esprits afin de leur procurer ensuite le réconfort. Mon influence grandit de jour en jour et j'aime les voir se prosterner sur mon passage.
- C'est bien, fils. Il faut savoir se faire respecter du peuple. Les messages que tu distilles dans tes prêches apportent du soutien aux pauvres gens et servent à merveille mes desseins.
Ils se congratulaient inlassablement et manigançaient des plans diaboliques. Jamais, Soma ne s'habituerait à leur vanité et arrêta de se retenir d'intervenir.
- Ne crois-tu pas, cher frère, qu'en réalité tu les détournes du Seigneur. Lui si miséricordieux et humble ne transmet pas les valeurs que tu prônes.
- Qu'en sais-tu, Soma, répliqua hargneux son cher frère. Ce n'est pas en gribouillant en haut d'une tour que l'on connaît les réalités de la vie. Tu ne te rends même pas à la messe.
- Pas depuis que c'est toi qui officies, c'est vrai. Ce n'est pas non plus, je pense, en semant le mensonge et la peur que l'on mène sur les voies de Dieu. Ce n'est pas en les terrorisant chaque jour que tu leur imposeras de te respecter.
- La preuve que tu n'y comprends rien, mon pauvre petit frère. Je ne souhaite pas qu'ils me respectent. Je veux qu'ils me craignent et baissent les yeux sur mon passage. Je veux qu'ils intègrent que notre famille détient le pouvoir et que seul l'obéissance et le sacrifice les rapprocheront de notre Seigneur Dieu.
- Allons mes enfants, cessez de vous chamailler, intervint le comte alors que Soma s'était levé de sa chaise, prêt à en découdre. Magér a raison, chacun doit rester à sa place. Un peuple docile est bien plus bénéfique pour une cité qu'un peuple libre, je l'ai toujours dit. Tes prêches sont efficaces et nous en avons la preuve, chaque jour. D'ailleurs, les dénonciations s'amplifient et la milice mise en place bat le pavé pour confirmer leurs dires. Pas plus tard qu'hier, un homme a été interpellé chez lui en possession de livres païens. Comble de sa faute, il les lisait à ses enfants. Il fut roué de coups devant eux et les livres brulés. Quelle hérésie ! Il était question de poésie et autres choses invraisemblables. Rien ne vaut une bonne démonstration de pouvoir face à l'impunité. Il n'est pas près de recommencer.
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DEMENCIA Heureux celui qui ignore
Fiksi SejarahA l'époque médiévale, la médecine est souvent affaire d'hommes voire même d'hommes d'Eglise. Etre une femme, qui plus est guérisseuse, est source de bien de dangers. D'autant plus si la cité où elle vit, est régie par un homme avide de pouvoir , qu...