Chapitre 2 : Un groupe pas si uni.

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Pierre

***

J'ai toujours été le plus insouciant du groupe. Paul se fait un grand plaisir de me le rappeler chaque jour de sa satanée mais précieuse existence, accompagnant ses douces paroles d'une petite claque derrière ma tête. Le grand brun pourtant si tranquille a toujours son détestable sourire en coin dans ces moments–là. Je crois que sa vie serait un désastre s'il n'avait pas l'occasion de se moquer de moi au moins une fois par jour. Cependant je ne l'échangerai pour rien au monde.

C'est ainsi dans les groupes d'amis, il y a des affinités qui se précisent plus. On n'y peut pas grand-chose. Et entre moi et ce gars, c'est inévitable, c'est indéniable, c'est le coup de foudre. Il n'y a pas plus différents que nous deux et pourtant, Paul est mon meilleur ami depuis sept ans. Je ne me vanterais pas de le connaître par cœur mais presque. Toujours le mot juste, la voix de la sagesse ! Et en même temps, ses prétendues paroles sensées et raisonnables sont un nid à sarcasme.

Ce soir pourtant, Paul est étrangement muet. Bien plus que d'ordinaire. Il ne fait aucune remarque quand je le bouscule par mégarde tandis que d'ordinaire, il pousse un grognement d'ours avant de m'infliger une terrible pichenette chaque fois que je l'énerve. En fait, il est tout bonnement saisit par ce qui se déroule sous nos yeux. Je ne peux rien dire. Nous sommes tous dans le même état. Les lumières, les odeurs, les gens ! Cette musique constante, cette boule de vie et d'énergie qui s'est emparé d'une nuit qui s'annonçait pourtant si calme... Je frissonne et je jurerais que mes poils se hérissent tant je suis frappé par l'ambiance du lieu.

— Oh ben ça alors ! je m'étouffe en rejetant la tête en arrière, à deux doigts de me dévisser le cou et de me craquer la nuque.

J'inspire à plein poumon les odeurs qui envahissant l'endroit, profitant du moment présent.

— C'est fantastique.

— Merveilleux !

— Incroyable.

— Inimaginable !

— Indescriptible.

— Miraculaire !

Lila adore inventer de nouveaux mots. Les néologismes et elle, c'est une longue histoire d'amour. Je crois qu'elle affectionne détourner les mots de mille et une façon. C'est un peu un truc de famille en fin de compte : c'est pour ça qu'elle et sa cousine viennent de se lancer dans cet enchaînement d'adjectifs. Lila et Iris se ressemblent sur beaucoup de point. Tout d'abord physiquement : elles abordent la même crinière blonde comme le blé et des yeux bleus comme le ciel. En revanche, si l'une est une véritable boule d'énergie, la seconde est plus réservée ; elles partagent toutes deux une grande bonté et un cœur d'or. Je crois qu'elles s'aiment comme des véritables sœurs. Presque autant que Paul aime Ali. C'est une chose qui me semble abstraite parfois. Je suis fils unique, mes parents n'ont jamais voulu avoir d'autres enfants. Selon eux, je suis bien trop fatiguant et j'accapare à moi seul l'attention que nécessitent deux gamins. L'amour fraternel m'est inconnu même si je peux en deviner sa force. C'est grâce à mes amis que j'ai trouvé une forme d'attachement aussi puissante.

L'émerveillement est là. Nous le sentons tous. Il nous traverse, nous, petite masse au milieu d'une autre. Notre petit groupe d'ami. Entre la joie de se retrouver ici, en cette belle soirée de printemps et l'excitation de l'interdit face aux mensonges servis à nos parents, je me sens euphorique. Euphorique parce que je suis là, avec eux. Six autres ados uniques. Formidables. Bizarres. Et complètement cinglés. Mais qu'est-ce que je les aime, ces cinglés ! Partager des moments avec eux, c'est ce qui compte le plus à mes yeux.

À nos joies !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant