Chapitre 12. Les trois mots.

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Mathieu

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Je ne sais plus depuis quand nous nous baladons entre les stands, un couple parmi tant d'autres, sous les étoiles et les lumières de la fête. La main d'Iris dans la mienne, nous évoluons sans but précis. Je crois que c'est juste pour le principe d'être ensemble. Nous discutons d'un peu de tout et surtout de rien, et je me sens à ma place. Malgré nos désaccords. Ou plutôt, avec nos désaccords. Parce que c'est ce qui fait partie de nous, de notre relation. Elle perdrait de sa préciosité si nous étions du même avis sur tout. Nos différences, nos caractères, nos visions du monde forment un tout, hétérogène, magnifique, splendide. Notre relation n'est pas la plus passionnée ou la plus virevoltante. Elle n'inspirerait peut-être pas de grands romanciers ou les artistes les plus renommés. Mais c'est la plus belle à mes yeux. L'harmonie et la tendresse nous garantissent un bonheur qui échappe à beaucoup. Je n'ai pas besoin de grand-chose dans ma vie. Juste de mes amis et d'Iris.

Entre les autos-tamponneuses et une baraque à frites dégageant un parfum qui ne m'enchante guère, un carrousel se dresse fièrement, chapiteau coloré. Les chevaux tournent sur un air d'accordéon dans une étrange valse qui attire aussitôt mon regard. Iris s'en aperçoit. Elle penche la tête sur le côté, m'offrant un petit sourire. Je n'ai besoin d'aucun mot pour me faire comprendre d'elle. Sa voix douce s'élève avant que je ne puisse dire quoique ce soit.

— Tu veux faire un tour de carrousel ?

— J'adorerais !

Bien plus que ses montagnes russes, en tout cas.

Dans la file d'attente, il n'y a que des enfants et leurs parents. Nous sommes les seuls gamins de seize ans à vouloir tenter l'aventure à dos de licornes échappées de livres illustrés auxquels les adultes ne croient plus. Pourtant, je ne m'y sens pas de trop. J'adore ce genre de manège enfantin. Et je l'assume entièrement. Je retrouve mes sensations infantiles, celles des histoires lues pour s'endormir. Je me souviens des pour enfant, ceux qui finissent par « et ils vécurent heureux ». Mes préférés. Parce que contrairement aux adultes, j'y crois encore. Ça fait partie de moi. Comme le dessin, les rires, mes amis et Iris. Mon monde.

Notre tour vient lorsque les chevaux cessent leur course folle. Une petite dame plus grande que moi empoche notre billet de cinq euros avant de nous laisser monter sur le plateau circulaire, sous un chapiteau aux scènes champêtres.

— Prenons ceux-là ! s'exclame ma petite amie qui se faufile avec agilité entre une théière et un éléphant.

Elle m'entraîne devant un carrosse en forme de citrouille tiré par un attelage de chevaux cabrés. Les couleurs flamboyantes de leurs selles en plastique m'arrachent un sourire. Tout est faux, tout est beau. Nous grimpons sur les deux plus grands. Iris se hisse sur le sien avec tant de difficulté que je suis obligé de l'aider alors même que je suis plus petit qu'elle. Puis, c'est à mon tour de grimper sur le dos de ma monture en plastique et en métal. À force de rires et de jurons, j'y parviens. À nous voir ainsi, personne ne croirait que nous sommes en terminale et que cette fille est raide-dingue des montagnes russes – ou que moi je suis raide-dingue d'elle.

Nos chevaux sont si proches que ma jambe touche la sienne. Je ne suis pas sûr que ça soit conforme à la norme de sécurité. Pourtant, ce soir, je n'en ai que faire. J'aime être près d'Iris. J'aime quand nos corps se frôlent, quand elle me tient la main, quand je perds la mienne dans ses boucles blondes. Elle parvient à tempérer mon caractère un peu trop jovial parfois, elle m'apporte une certaine stabilité.

En attendant que le manège démarre, nous observons un instant l'immense foule qui se presse entre les attractions, sur les wagons, sous les chapiteaux. Ça cri, ça hurle, ça bouge, ça s'embrasse. Ça vit. Iris me lance :

À nos joies !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant