Chapitre 3 : Un conte de fée et de sorcière.

40 7 0
                                    

Eden

***

Je suis très tactile. Un rien me fait frémir. Malheureusement, cette sensibilité ne tolère pas la sueur humaine. Quand on est noyée dans une foule d'adolescents et de vieux en pleine fête foraine, c'est problématique. J'ai appris à faire abstraction de mes sens. Ou du moins, à les intérioriser. J'ai appris à me sentir invincible, impassible, forte. Belle, supérieure, plus grande, plus détestable, plus assurée. Certains disent que j'ai confiance en moi. D'autres que je suis à côté de la plaque. D'autres disent que j'use de ma ruse et profite des vices de chacun pour les tourner en ma faveur. Comme une sorcière. C'est peut-être ce que je suis. Une sorcière cachée sous les traits d'une jolie jeune fille.

Les mèches bleues et blondes de la cousine d'Iris alias Lila tentent tant bien que mal de me suivre sur ce chemin de croix. Elle s'excuse à chaque bras frôlés, et sourit à tous les inconnus qu'elle croise, en agitant sa main. Oui, ça fait beaucoup de sourires et de poignets tournés. Mais ce n'est pas si grave parce que son sourire est adorable. N'allez pas répéter que je l'ai pensé ! Cette petite gamine me fait sourire, même si je n'ai pas vraiment eu le temps de faire connaissance avec elle. Elle n'est arrivée que depuis quelques mois au lycée. Et si quelques mois peuvent suffire pour certains, il faut bien plus de temps pour parvenir à se lier à moi.

— Edeeen !

Je me retourne pour voir Lila sautillant sur place en agitant ses bras vers la gauche.

— Il y a un stand de tir !

Je fais quelques pas pour la rejoindre. Lila court déjà vers les petites lumières bleues et jaunes qui encadrent des ballons verts, violets, roses, et oranges. Il y aurait quelque chose à redire sur la composition artistique. Mais la joie de Lila harmonise le tout. En réalité... elle ressemble à une petite fée. Un peu trop impulsive, pas assez calme. Observant du coin de l'œil ma compagne pour la soirée, je demande :

— On fait ça ?

— Bah oui patate douce, tu crois que j'ai fait tout ce chemin pour quoi ?

Je ne relève pas le surnom. J'avoue que c'est la première fois qu'on ose m'appeler « patate douce ». En temps normal, j'ai assez de dignité pour refuser les surnoms débiles de Lila, mais ce soir, je la laisse étaler sa folie, quitte à ce qu'elle déteigne sur moi.

Nous nous plaçons à la fin de la queue, et je regarde les prix affichés sur la devanture du stand. J'ouvre mon sac pour sortir mon portefeuille, et ne trouve rien. Je fouille mes poches pour trouver quelques pièces, mais toujours rien. Je ne sais pas si c'est mon inconscient qui oublie toujours de me faire penser à prendre de l'argent pour que les autres paient pour moi, ou si la partie consciente n'est pas très organisée.

— Lila ?

— Oui ?

— Tu as de l'argent ?

— Oui, oui, ne t'inquiète pas, j'ai tout ce qu'il faut !

— Mesdemoiselles, c'est à vous, nous coupe le gérant de stand.

— Oui, on voudrait jouer, s'exclame Lila.

— Vous êtes deux ? Quatre euros, mesdemoiselles.

Lila sort son portefeuille et en extrait une pièce de deux euros, puis cherche ce qui manque. Elle sourit au patron, puis vide le contenu de son portefeuille sur la table. Elle saisit deux pièces de cinquante centimes, quatre pièces de vingt, une de dix, et neuf de un. La pièce restante vaut cinq centimes. Alors, de toutes ses dents, Lila propose :

À nos joies !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant