5. Et c'est parti !

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En média "Et c'est parti" de Nadiya

Une nouvelle semaine s’est écoulée. C’est pleinement reboostée, préparée et encouragée par mes amis que je m’apprête à sauter dans la fosse au lion, totalement consentante à placer moi-même ma tête dans la gueule de celui-ci.

Hier, comme pour m’intimer une ultime fois au courage, j’ai rendu visite à Loly. 

Je ne sais pas si j’attendais un signe ou je ne sais trop quoi qui m’indiquerait que tout ceci est une connerie monumentale, mais j’ai attendu patiemment, allongée sur l’herbe froide qui humidifiait mes vêtements. 

Me gelant presque jusqu’aux os, ma tête posée sur sa stèle, j’ai attendu. 

Me perdant dans la danse des nuages gris du ciel, les souvenirs de nos rires d’antan valsant derrière mes paupières, j’ai attendu. 

J’ai attendu encore, et encore, mais rien n’est venu. 

Donc je me suis redressée et prise soudain d’une déferlante de nostalgie, je me suis rappelée toutes les fois où ne comprenant pas pourquoi, malgré la vie, cette hyène, qui lui arrachait ses derniers instants, mon amie n’a jamais perdu sa joie de vivre. 

Elle citait toujours les paroles de Philippe Sollers: “ Le plus beau des courages est celui d’être heureux “.

Mais, et si cette fois-ci, l’audace dont je m'apprêtais à faire preuve ne conduisait pas au bonheur ? Si au contraire, je me plantais une épine vénéneuse qui empoisonnerait mon âme ?

Je n’avais aucune réponse, aucune certitude, mais je me devais d’essayer au moins pour dire un jour que je n’ai rien à regretter de ce que je n’ai pas eu le courage de tenter.

Et c’est emplie d’une détermination toute nouvelle que je me retrouve devant la gazinière à préparer un chocolat chaud pour notre jardinier improvisé qui termine de rassembler le bois  mort qu’il a ramassé dans le sous-bois et qui servira à nourrir le feu de notre cheminée durant ces derniers mois d’hiver. 

Un mois déjà qu’il se présente chaque semaine. Je ne sais pas encore ce qu’il y a à la clé de son défi, mais ce qui est sûr, c’est qu’il met du coeur à l’ouvrage. Nombreux sont ceux qui auraient déclaré forfait depuis des lustres. Mais lui, non. Il faut au moins lui reconnaître sa persévérance à toute épreuve.

Armée de deux tasses fumantes, je me dirige vers lui. L’opération séduction inversée est lancée. Ne dit-on pas  "sois proche de tes amis mais encore plus de tes ennemis" ? Manoé est donc l’homme à abattre, et pour ce faire, je dois connaître ses intentions. Et quoi de mieux que de sympathiser pour pousser aux confidences. 

Un peu présomptueux, je le reconnais. D’autant que mon chocolat, même s’il sera des bienvenus par ce temps glacial, ne porte pas non plus les 5 étoiles qui pourraient mener au firmament, les papilles gustatives du beau diable me faisant face.

Beau diable qui justement m’observe d’un air circonspect quand je lui tends l’une des tasses blanches. Son regard est si appuyé que je me sens dans l’obligation de préciser:

— Je sors le drapeau blanc. Un chocolat chaud en gage de conciliation ?

— Cyanure ? Non trop rapide. Arsenic ? Pas assez douloureux. Antigel ? Une simple dose ne suffirait pas. Ah j’ai trouvé ! De la mort aux rats ! Oui ça te ressemblerait bien de m’éliminer avec ce poison, énumère-t-il un grand sourire aux lèvres tandis qu’il fait semblant de renifler sa tasse.

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