6. L'unique

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En média "one in a million" de Ne-Yo


Ce lundi matin, une effervescence particulière a pris possession de mon corps. J’appréhende un peu cette nouvelle semaine au lycée. D’autant plus qu’avec l’objectif que mon équipe et moi, nous m’avons fixé, et cette première approche avec Manoé dans mon jardin, je ne sais pas comment il va réagir, ni comment moi je dois réagir en sa présence.

Quoiqu’il en soit, à l’appréhension se mèle une forme d’excitation. Certainement l’attrait du challenge. 

Je retrouve mes amis à l’entrée du bahut. Ils s’enquièrent tous les trois de mon état d’esprit, m’assurant que si je ne le sens pas, ils m’aideront à me tenir bien éloignée du danger que représente le bellâtre. Je leur résume rapidement notre brève entrevue de samedi. Stan se fend la poire face au fait que Manoé ait pensé que j’aurais pu lui jouer un vilain tour avec le chocolat. Fanny, quant à elle, déplore que je n’y ai pas ajouté du sel ou de la sauce salsa. Seule Suzelle me félicite de mon premier pas qui selon elle ouvrira la voie à beaucoup d’autres.

Nous remarquons au loin l’attroupement qui se forme autour des cinq PPHC*. 

Tels les superstars pour lesquelles ils se prennent, ils sont toujours suivis d’une cohorte d’admirateurs qui voient en eux leur ticket pour la popularité.

Affligeant ! 

Estimant que ce spectacle, gerbant à souhait, risque d’avoir raison du peu encore présent dans mon estomac, j’entraîne mon équipe à ma suite vers nos salles de cours. Fanny, Stan et moi, avons eu la chance cette année d’être dans la même classe de terminale S ; tandis que Suzelle, la malheureuse, doit se coltiner l’ensemble de l’autre troupe, qui d’un suspicieux hasard, se retrouvent tous les cinq dans une autre terminale d’une filière identique à la nôtre. 

Bizarre, vous avez dit bizarre ?

Je jette un coup d’oeil discret vers Manoé. Je suis déçue de constater qu’il ne se préoccupe nullement de ma présence. Alors que son bras autour des épaules d’Anne-Sophie la resserre contre lui, il lui chuchote je ne sais quoi à l’oreille. Je surprends le regard de cette dernière appuyé sur… moi. 

Ce que j’y décèle est déstabilisant tant il est emprunt à la fois d’interrogations et de… bienveillance ? Non, je dois certainement me tromper. Miss “je bouffe des petits chatons au petit déjeuner” n’a jamais laissé transparaître qu’un profond mépris ou de l’agressivité envers tous ceux qui ne font pas partie de son clan. Je me reconcentre sur mes amis et essaie, durant tout le reste de la matinée, d’oublier l’étrange sensation qui fourmille dans mon sang.

A l’heure du self, je m’installe avec Fanny à notre table habituelle, attendant l’arrivée de Suzelle. Stan, lui, devait voir l’entraîneur de l’équipe de rugby du lycée dont il fait partie.

Je me positionne de façon à me retrouver en face de la table de Manoé où justement, il est en train de s’installer. J’hésite à me mettre à découvert en tentant quelque approche publique. Mais le doute me saisit les tripes en me disant que c’est peut être justement ce que lui et sa bande attendent : que je m’approche volontairement d’eux afin de mieux m’humilier. 

Aussi tentante est la flamme que représente Manoé Beauchamp, je refuse d’être le papillon qui s’y brûlera les ailes.

Je passe tout le déjeuner à l’observer en catimini. Tantôt riant avec ses amis, tantôt se perdant dans ses pensées, il ne fait que peu de cas de ma personne. Cela m’irrite au plus haut point et je me promets de vérifier dans le grenier si Mamie ne cache pas une ancienne boîte de mort aux rats, quand, soudainement, ses yeux se fixent dans les miens. Malgré moi, je plonge dans leur profondeur d’un bleu céruléen envoûtant. Il me happe, m’aspire. Tel un marin entraîné dans les flots par ce chant de sirène, je me laisse engloutir. 

C’est Fanny qui me sort de ma transe quand elle m’annonce qu’elle va déposer son plateau et se dégourdir les jambes avant de retourner en cours. Suivie de Suzelle, je saute aussitôt sur l’occasion pour fuir loin de cet enchanteur et lui dis que je l’accompagne. Au moment de sortir du réfectoire, je jette un dernier coup d’oeil par dessus mon épaule. Mon coeur rate un battement quand je constate que Manoé ne m’a toujours pas quitté des yeux, attirant par là même l’attention des autres de son groupe sur ma personne. Il me gratifie d’un clin d’oeil, apparemment sa marque de fabrique avec moi ? Je m’empresse d’accélérer le pas derrière les filles. 

Je ressens un tourbillon d’émotions contradictoires. De fichues bestioles ailées virevoltent dans ma poitrine sans que je n’y comprenne la raison tandis qu’une anxiété étouffante m’étreint à l’idée que je suis certainement en train de leur tendre le bâton pour me faire battre.

Ces deux émotions : excitation et crainte, ne me quittent pas du reste de la semaine. Manoé et moi avons, à mon insu, entamé une valse des regards. Mais toujours aucun mot échangé, aucune approche amorcée. J’ai droit à des clins d’oeil chaque fois que nos yeux se quittent à la fin de leur danse. Ses amis ne sont pas en reste. Ils font un peu plus attention à moi, mais n’ont encore rien tenté. Bizarrement, je ne décèle aucune sournoiserie dans leurs regards, sauf Carla qui comme à son habitude fusille un peu tout ce qui passe de trop près de son “précieux”. 

Fanny et Stan, intrigués, ont même demandé à Suzelle d’enquêter discrètement sur ces cinq là. Celle-ci nous a assuré que pour le moment, il n’y avait pas anguille sous roche, que comme elle l’a toujours défendu, les apparences sont souvent trompeuses et que nous ne devrions pas toujours nous fier aux on-dit de certains lycéens qui flattent autant qu’ils jalousent cette bande-là. Elle maintient qu’on a vite fait de diaboliser ce que l’on ne maîtrise pas. Je me sens légèrement visée par sa pique mais ne dis rien pour autant.

C’est ainsi que la semaine s’achève. Mon équipe et surtout moi commençons à voir d’un autre oeil les interactions entre les PPHC et le reste des lycéens du bahut. Il est vrai que ce sont toujours les autres qui accourent vers eux. J’observe aussi le ballet de jeunes prétendantes qui n’hésitent pas à frôler volontairement Manoé qui selon l’humeur du jour, alimente leurs gloussements ou les repousse acidement. 

Tout cela me pousse à vouloir en savoir plus, à le connaître davantage. Cela tombe bien justement, puisque demain c’est samedi et je pourrai peut être obtenir certaines réponses à mes nombreuses interrogations.

Pour la première fois depuis qu’il a débuté l’entretien de notre jardin, j’ai hâte de me préparer pour l’accueillir…

*PPHC : populaires, péteux et hautement cons (surnom que Mélissa attribue à Manoé et à sa bande de copains)

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Coucou à tous !

Petit chapitre du jour.
Il ne s'y passe pas grand chose mais on dirait bien que notre abeille porte plus d'intérêt qu'elle ne veut bien l'admettre à ce cher Manoé.

Que compte-t-elle bien échafauder comme plan pour leur rencontre hebdomadaire dans son jardin ?
Une petite idée ?

À mercredi pour la suite !

Petits bisous collants
Namsra

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