Épisode 34 : Décès soudain

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Effacer ce qui n'est déjà plus que poussière.

MARINETTE

Prise dans une rafale d'émotion, je sens mes intestins s'entremêler dans mon ventre. La douleur qui en ressort, me ligote le souffle et m'empêche de respirer. Je me sens couler, étouffer. Et puis, je ne sais pourquoi, en ne sentant aucune douleur, j'ouvre les yeux.

Face à moi, apparaît alors le visage de Bleue. Ses yeux sont grands ouverts, sa bouche légèrement entrouverte et sa main vide. En me reculant d'un pas, j'abaisse mon regard sur le sol et découvre le flingue. Il est tombé sur le tapis, et n'a donc fait aucun bruit en atterrissant.

Brusquement, elle appuie sa main droite -celle qui tenait l'arme- sur mon épaule et tente de se maintenir debout de toutes ses forces en s'appuyant sur mon épaule. Elle a son autre main posée sur son cœur, et semble s'en aller. Peu à peu, ses yeux se relâchent. Leur froideur s'éteint et ses paupières se mettent à papillonner de plus en plus régulièrement.

Bleue est en train de mourir sous mes yeux...

- Bleue tient bon ! Je vais t'aider à t'en sortir... Commencé-je en l'allongeant délicatement sur le lit. Je retire aussitôt ma veste et appuie sur la plaie pour arrêter l'effusion de sang.

Cependant, alors que je vois sa main glisser et ses yeux flanchés, je panique. Mon cœur s'emballe tandis que mon esprit comprend qu'il est trop tard. Qu'elle est en train de s'en aller, et que je suis impuissante face à son départ imprévu.

J'ai l'impression que le ciel vient de me tomber sur la tête.

- Bleue, non, bats-toi... Murmuré-je en sentant le bout de mon nez recevoir une décharge électrique, signe que je vais bientôt me mettre à pleurer. Les larmes suivent et s'accrochent à mes yeux en me troublant la vue. Non, ne meurt pas... S'il te plaît. La supplié-je d'une voix tremblante.

Elle a certes essayé de me tuer, mais elle ne mérite pas un tel sort. Personne ne mérite de mourir. Malgré tous ses actes, elle ne voulait pas mourir. Du plus profond de la prunelle de ses yeux, rayonnait peut-être une immense pauvreté, mais aussi une douleur qui aurait pu s'affaisser avec le temps.

En mourant, elle n'a pas lâché un seul soupire. Rien. Une fois de plus, sa douleur s'est ancrée dans son cœur et n'en est jamais ressortie. Prisonnière de ses propres ressentiments toxiques, elle en a tant souffert, qu'elle a fini par en mourir.

Soumise à son chagrin, en mourant, elle s'est condamnée. Et je n'ai rien pu empêcher...

- N-Non... Soufflé-je en m'écroulant sur elle, en pleure. Je ne peux me résoudre à la voir partir... Malgré sa tentative de me tuer, elle reste une personne, une humaine qui n'a jamais demandé à mourir.

Cela me rappelle tant de mauvais souvenir. C'est trop dur de revivre indirectement, en permanence, les mêmes choses.

- Noon ! Crié-je en levant la main vers Adrien pour tenter de le rattraper.

Je pleure à chaudes larmes, j'ai mal au coeur. Je ne me sens pas bien du tout.

La plaie qu'Adrien a faite sur mon cœur à cicatriser, mais ça me fait l'effet inverse. Bizarrement, j'ai l'impression que je le reverrais alors qu'il vient d'être emmené sous mes yeux.

Son premier départ... Je ferme plus fort les yeux en serrant dans mes bras le corps sans vie, de Bleue. Peu à peu, je sens sous ma peau, sa chair refroidir.

Les larmes.

Elles coulent de mes yeux sans que je ne puisse rien y faire. Cela va bientôt faire une heure que je suis au sol, effondrée. Livrée à mon chagrin sans pouvoir rien y changer. Seule, même le froid perçant et frigorifiant de l'hiver n'arrive pas à m'atteindre.

BrokenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant