5. Andra

1.1K 53 2
                                    


  Je viens de finir d'appliquer mon rouge à lèvres, je jette un œil pour être sûre de ne pas avoir débordé et vérifie que je n'ai rien sur les dents. J'hésite un moment entre des Doc Martens ou des bottines à talon et opte finalement pour les bottines.
Ma mère m'appelle, je lui crie que je suis prête et que j'arrive. Je m'asperge d'un peu de parfum et sort de la chambre pour rejoindre l'entrée. Je la vois plantée devant moi sans ses chaussures, ni son manteau.
— Je croyais qu'on était en retard, dis-je confuse.
Mon père arrive à son tour et regarde ma mère, aussi surpris que moi.
— Erica vient de m'appeler, Michael a eu un accident au travail. Ils sont aux urgences.
Elle ne semble pas plus alarmée que ça mais je me dois de poser la question :
— Rien de grave ?
Elle secoue la tête.
— Non, il s'est cassé le poignet apparemment. Mais le temps qu'ils aient les résultats des radios et qu'ils puissent sortir ...
Je devine donc que la soirée famille est annulée. Mon père paraît encore plus déçu que moi.
— J'avais repassé ma chemise juste pour l'occasion !
Ma mère rit, et le rassure en proposant un restaurant à la place. Je prends mon portable et regarde l'heure.
— Et si vous vous faisiez un restaurant en amoureux pour une fois ?
J'ai encore le temps de rejoindre César et les autres à la fête de Lauren.
— Pourquoi pas... Mais qu'est-ce que tu comptes faire toi ?
Je souris timidement en leur lançant mon regard le plus charmeur.
— Il y a une soirée chez une amie et ...
Mon père sourit.
— Tu quittes tes vieux parents, plaisante-t-il.
Ma mère cède rapidement, elle n'est pas du genre à contrôler mes sorties. De plus, elle sait que je suis toujours avec César donc elle n'a aucune inquiétude à avoir.
— Tu veux qu'on te dépose ? Propose-t-elle.
J'allais envoyer un message à Théo pour savoir si elle était déjà en chemin, mais ça sera plus simple comme ça.

Je ne préviens pas Théo de ma venue, ni César. Ce sera une surprise. Je suis super excitée. J'aime ma famille, mais les soirées entre amis c'est vraiment ce que je préfère. Je prends mon portable pour vérifier que mon trait d'eye-liner n'a pas bougé.
— Le GPS indique que c'est ici, lance mon père.
Je remarque que je suis du mauvais côté de la rue.
— Oui c'est ici, merci !
Je leur dépose à chacun un baiser sur les joues et leur souhaite une bonne soirée.
— Tu rentres comment ? M'interroge ma mère.
Je lui assure que Théo ou César me ramèneront saine et sauve si toutefois je ne dors pas chez l'un des deux. Je traverse la route et longe la rue, la voiture de mes parents disparaît et je rejoins l'autre côté de la maison.

Lauren à dix-neuf ans, c'est la maison de campagne de sa famille. Elle n'y vient que quand elle rentre de l'Université et qu'elle veut voir du monde. Elle était au lycée avec nous l'an dernier. Ses brefs retours lui permettent de ne pas perdre le contact avec les gens d'ici.
Contrairement à Flynn, Lauren est géniale et vraiment sympa. Elle n'a pas cet air arrogant qu'arbore si bien son cousin, et j'arrive à rester plus de dix minutes dans une pièce avec elle sans avoir envie de l'étriper. Quel est le Loncaster que je préfère ? La question ne se pose même pas.
Lorsque la porte s'ouvre sur Lauren, rien qu'à ses yeux, je peux voir qu'elle a commencé à boire bien avant que les premiers invités arrivent. Elle me salue chaleureusement en me prenant dans ses bras.
— Ça me fait plaisir que tu sois là !
Elle me tend directement un gobelet d'alcool non identifié, que je refuse poliment. J'ai tout juste senti l'odeur du verre, que les maux de tête du week-end dernier me reviennent en mémoire.
Je remarque qu'elle a un peu coupé ses cheveux et qu'elle a un nouveau tatouage sur l'avant-bras. On discute de la fac pendant quelques minutes. Elle est en étude de réalisation de projets de communication. Je ne sais pas trop ce que c'est mais elle m'explique qu'elle s'y plaît vraiment.

Lauren est ce qu'on pourrait qualifier d'intello, elle a toujours eu les meilleures notes de la classe et révise comme une acharnée. Mais il n'y a pas qu'en cours qu'elle excelle. Lauren a toujours dit que pour réussir il fallait décompresser, sinon c'est le stress et l'implosion. Pour tout ce qu'elle accumule au fil des semaines, il y a toujours un week-end où elle relâche tout. Et elle a énormément de pression à évacuer..
Lauren me signale qu'elle va retourner se chercher à boire, je la laisse et essaie de me frayer un passage au milieu des gens. Je n'arrive pas à distinguer un seul de mes amis et me fais bousculer par des personnes qui dansent dans le salon. La lumière tamisée ne m'aide pas vraiment non plus. Lauren connaît tellement de gens que je serais incapable de dire si j'ai déjà vu la moitié des personnes présentent ce soir. J'avance près des canapés du salon et trouve enfin un visage familier. Malheureusement pas celui que j'aurais préféré voir.
Il a une cigarette à la bouche, un gobelet dans une main et des cartes dans l'autre. Entourés de plusieurs types à une table en train de jouer à ce qui semble être du poker. Son visage est dur et ne laisse paraître aucune émotion. Je n'ai pas envie de le couper pour trouver César mais il y a tellement de monde que je finis par désespérer. Tant pis, je gâche la surprise et essaie d'appeler mon petit ami. Son portable sonne dans le vide et je tombe sur le répondeur. J'essaie de joindre Théodora qui décroche qu'à la deuxième sonnerie. J'essaie tant bien que mal d'entendre ce qu'elle me dit mais la musique est trop forte. Je sors de la maison pour pouvoir discuter.
— T'es chez Lauren ? Dit-elle beaucoup trop fort pour être sûre que je l'entende.
— Oui longue histoire, mais finalement je suis là. T'es où ?
— Là je vais au cinéma avec Chloé, on ne se sentait pas de faire une soirée ce soir vu qu'il y a son anniversaire demain soir.
Je déglutis en me rappelant de l'anniversaire de mon amie et du fait que je n'ai toujours pas acheté de cadeaux.
— On pensait que tu ne venais pas en plus, t'aurais dû nous le dire. On serait venues te chercher ! Crie Chloé un peu plus loin.
Je les remercie mais assure que je vais quand même m'amuser et que je vais bien fiir par trouver César.
— Kimberley est là-bas normalement ! lance à nouveau Chloé.
— On te laisse, on va entrer dans la salle ! Pas trop d'excès quand même, il faut que tu sois en forme pour demain

Je promets aux filles que je vais faire attention et raccroche avant d'entrer à nouveau dans la maison. J'essaie une dernière fois d'appeler César, sans succès. Je m'avance jusqu'au salon et retrouve à nouveau Flynn toujours à la table de poker. Deux joueurs ont quitté la partie. Je prends la place de l'un d'entre eux. Flynn tourne la tête brièvement vers moi et se reconcentre sur ses cartes.
— T'es pire qu'une foutue verrue, même quand on pense que tu ne viendras pas, tu te pointes.
Évidemment il est toujours aussi agréable.
— Ferme-là.
Il tire une longue taff sur sa cigarette et mise. Je m'approche et regarde sa main.
— Tu n'aurais pas dû faire ça, chuchotais-je de façon presque inaudible.
Il presse ses paupières et se contient pour ne pas m'insulter. À la place, il pousse un genre de grognement et me demande de le laisser jouer en paix. Je n'ajoute rien et le regarde perdre en beauté.
— Je te l'avais dit.
Il a perdu toute sa mise. Il quitte la table, furieux.
— C'est ta faute, toi... et tes mauvaises ondes.
Je ne l'écoute pas, si j'avais gagné un euro pour chaque vacherie qu'il m'a dite je serai capable d'acheter un bateau dans lequel je le mettrais et que j'enverrai droit dans le triangle des Bermudes.
Il commence à s'éloigner, je le suis.
— Pourquoi t'es pas aux pieds de César ? Dit-il en remplissant son gobelet de vodka.
Je le regarde écraser le reste de sa cigarette dans un des cendriers.
— Parce que je ne le trouve pas.
Il avale une grande gorgée d'alcool.
— Appelle-le.
Je lui lance un regard blasé.
— Tu crois que je ne l'ai pas déjà fait ?
Il pose son verre et me regarde droit dans les yeux, la mâchoire serrée.
— Et bah démerdes toi, je suis pas un chien guide.
Je me demande ce qu'il mange pour être toujours aussi aimable. Et surtout comment César peut le supporter depuis tout ce temps ?
— Très bien, mais je ne te lâcherai pas, tant que je n'aurai pas trouvé César.
Le chantage, je n'en suis pas fière mais c'est la seule chose qui me permettra de tirer quelque chose de Flynn.
— Pourquoi est-ce que tu t'infliges ça ?
Je préférerais sincèrement passer une semaine complète chez l'esthéticienne à me faire épiler chaque partie du corps à la pince à épiler plutôt que de passer une soirée entière avec Flynn. Mais il est la seule personne que je semble connaître ici, et je ne peux pas rentrer sans avoir trouvé César. Alors je n'ai pas vraiment le choix.
Flynn comprend que je compte rester sur ma position et que je ne le lâcherai pas d'une semelle avant d'avoir trouvé mon copain. Alors il craque le premier.
— Allez viens, on va trouver ton putain de copain pour que je puisse être tranquille.
Je ne cherche pas à cacher mon sourire satisfait. Flynn s'apprête à me prendre le poignet pour que je le suive mais renonce. Il est bien plus grand que moi et arrive à voir au-dessus des gens sans difficulté. Il marche trop vite avec ses grandes jambes et je suis obligée de l'attraper par le bras pour le faire ralentir. Il regarde mes bottines et me dit que je suis stupide d'avoir mis des talons si je ne sais pas marcher avec.
Il se fraie un chemin bien plus facilement que moi et nous montons à l'étage, je croise des personnes plus déchirées les unes que les autres. Flynn ouvre toutes les portes des chambres et des salles de bain une à une en se faisant insulter à chaque fois par les occupants. Je finis par me demander si César est vraiment venu ce soir, peut-être que je devrais rentrer, il a dû partir pour une raison qu'il me donnera demain.
— Dégagez ! Gueule une voix à travers la porte que Flynn s'empresse de refermer.
Cette voix me semble familière. Flynn reste stoïque devant la porte, la main toujours sur la poignée.
— C'était la voix de César, j'affirme sans en être parfaitement sûre.
— Non.
Je pousse Flynn pour atteindre la porte et essayer de l'ouvrir, mais il tient fermement la poignée et m'empêche de l'enclencher. Je ne comprends pas à quoi il joue, mais si c'est pour m'emmerder, ce n'est pas le moment.
— C'était César ?
Mon ton est froid, ma voix est claire. Je veux une réponse.
Flynn me regarde droit dans les yeux. Et pour la première fois je ne comprends pas le sentiment qui se dégage de son regard. Flynn m'a toujours regardé avec haine, dédain et lassitude. Mais cette fois-ci, il me regarde presque avec... Tristesse ? Je ne comprends pas pourquoi il ne veut pas que j'ouvre. J'insiste en posant ma main sur la sienne, à nouveau, il sait que je ne céderai pas.
— Et puis merde, c'est pas mon problème.
Il retire sa main de la poignée et me laisse ouvrir.
— Mais putain on peut pas être tranquille cinq minutes...
C'est bien la voix de César.

Il est dans un lit. Je ne vois que le haut de ses cheveux et son épaule. Car il est caché par quelqu'un. Quelqu'un de dos, les épaules nues. Des cheveux roux.

Il lève la tête pour dire quelque chose à nouveau en remarquant que la porte n'a toujours pas été fermée. Puis il croise mon regard. Ses yeux s'arrondissent instantanément.
Je crois que mon cerveau ne reçoit pas l'information que mes yeux viennent de percevoir
César se redresse, paniqué. Il n'a pas de t-shirt et un tas de vêtement jonche le sol. Dont son jean. La fille se tourne et je crois un instant voir quelqu'un que je reconnais : Kimberley. J'hallucine, il n'y pas d'autre explication possible. Je ne sens plus aucun muscle de mon corps et je suis pourtant certaine que chacun d'eux est en tension. César sort du lit, il remonte son boxer. Il commence à bégayer, dire toutes sortes de choses, mais aucune d'entre elles n'a de sens.
Je ne vois que des images qui elles n'ont plus, ne répondent à aucune logique.
Kimberley est assise dans le lit, la couverture remontée jusqu'en haut de sa poitrine.

It wasn't a mistakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant