18. Flynn

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On a passé la journée à visiter la ville, tout est tellement différent de Vancouver ou même du Canada en général. Andra aurait voulu en voir plus mais on doit prendre la route pour aller au concert si on ne veut pas arriver trop tard.
Elle trouve le bus qu'on est supposé prendre et nous montons dedans. Elle s'assoit près de la fenêtre et je m'assieds à côté d'elle en silence. On a une trentaine de minutes de route, je sors mon portable et traîne sur différents réseaux sociaux tandis qu'Andra se contente de regarder la route défiler. Elle fouille dans son sac pour la centième fois afin de vérifier qu'elle a bien les billets, ça m'amuse de la voir si stressée alors qu'elle s'est déjà assurée à multiples reprises qu'ils étaient là.
Elle m'observe ouvertement et lorsqu'elle remarque que je l'ai vu, elle baisse les yeux et se tourne vers la route comme si de rien était. Mon portable vibre: c'est un message WhatsApp de César sur le groupe qu'on a avec les gars, il nous demande si l'un d'entre nous n'a pas oublié son chargeur chez lui récemment. On répond chacun notre tour par la négative et Kenny le vanne en lui disant que ça doit être à Kimberley. Je ferme la conversation et les mets en sourdine, je n'ai pas besoin de penser à eux maintenant, encore moins César.
— Quelque chose ne va pas ? M'interroge Andra.
Je reprends mes esprits.
— Non, tout va bien.
Ce week-end, nous ne sommes pas l'ami et l'ex de César. On est Flynn et Andra aux États-Unis, loin des autres, hors du temps.
Le bus freine très brusquement, je manque de tomber et Andra se cogne violemment la tête contre le siège devant elle. J'attrape sa main, elle pose l'autre sur son front et grimace. Un mec est tombé et un autre s'est pris la barre à laquelle il se tenait. Le chauffeur lance un simple « Désolé. » Je lui gueule d'apprendre à conduire et me concentre sur Andra.
— Ça va ?
Elle se frotte le front et acquiesce.
— T'es sûre ? Faudrait qu'on trouve un truc froid à te mettre dessus.
Étant donné la force avec laquelle je me suis senti partir j'ose pas imaginer le choc que sa tête vient de prendre. Elle sourit simplement.
— Ça va, je t'assure. J'ai juste été surprise.
J'accepte sa réponse, après tout si elle le dit c'est que c'est vrai. Puis elle retire sa main de la mienne et c'est seulement à ce moment que je me rends compte que je l'ai tenu tout ce temps.
— C'est notre arrêt, dis-je en me levant.
Nous descendons du bus, Andra trottine derrière moi pour me rattraper. Je ralentis la cadence. Nous rejoignons la salle de concert où une longue file d'attente s'est déjà formée.
— Tu veux que j'aille nous acheter quelque chose à boire ou à manger ? Propose-t-elle.
J'accepte qu'elle me ramène de l'eau et elle disparaît aussitôt au milieu des gens. Une vingtaine de secondes plus tard, deux filles s'approchent de moi. Une petite rousse et une jolie blonde.
— Excuse-moi, est-ce que tu peux nous prendre en photo ?
J'accepte sans réfléchir, elle se colle l'une à l'autre et prennent toutes les deux une pose stupide, je prends une dizaine de photos avant de leurs tendre le portable.
— J'espère que mes talents de photographe vous conviendront.
Elles rient bêtement, la petite rousse me regarde, interpellée.
— Tu as un accent, tu viens d'où ?
Je regarde si Andra est dans les parages, elle met du temps... Je ne suis pas là pour taper la causette.
— Je suis Canadien.
La blonde s'extasie en disant qu'elle adore les Canadiens, en insistant sur le « o » de adorer beaucoup trop longtemps.
— Et t'es tout seul ? Si tu veux on peut...
Il manquait plus que ça.
— Non, il n'est pas tout seul.
Sauvé par le gong, Andra vient de faire son apparition à côté de moi. Elle me tend ma petite bouteille d'eau. Les deux filles déguerpissent sans discuter.
— Bon concert, lançais-je amusé.
Andra se tient debout, sans dire un mot, les bras croisés. Elle va très probablement le nier mais je sais qu'elle fait la gueule.
— Pourquoi tu fais la tête ?
Elle ne se donne pas la peine de me regarder et me répond évidemment qu'elle ne voit pas du tout de quoi je parle.
— Très bien, tout va bien alors.
Je croise moi-même mes bras et reste silencieux.
— C'est juste que...
Elle souffle, agacée.
— T'es obligé d'être un aimant à nanas même pendant un concert ?
J'éclate de rire.
— J'y peux quelque chose ? J'ai juste un charme qui bafoue les lois de la nature et une sacrée belle gueule.
Elle ne lève même pas les yeux vers moi. Je passe mon bras autour de son épaule. Elle lève la tête, ses yeux croisent les miens.
— Tu sais bien que je ne suis qu'à toi ce week-end, soufflais-je en souriant.
Elle ne réussit pas à me fixer plus longtemps, je retire mon bras de ses épaules. La queue avance petit à petit jusqu'à ce que nous entrions dans la salle. Il y a un monde pas possible.
— J'aurais peut-être dû prendre des places en gradins finalement, lance Andra en regardant autour d'elle.
Elle est bien plus petite que moi, donc à sa hauteur ça risque d'être beaucoup moins drôle de voir le concert.
— Tu veux qu'on essaie de doubler un peu ?
Elle secoue la tête frénétiquement.
— Ça va pas, je ne vais pas doubler les gens.
Je roule les yeux et prends sa main, je commence à avancer dans la foule.
— Excusez-moi, mon petit frère est là-bas.
À part un mec qui m'insulte, la plupart n'ont pas bronché. Nous voilà maintenant à quelques pas de la scène. Andra écarquille les yeux et me sourit sincèrement.
— Merci, dit-elle.
Je me moque d'elle, je n'ai rien fait d'exceptionnel.
— C'est rien du tout.
Elle se pince les lèvres.
— D'autres n'auraient pas pris la peine de faire ça pour moi.
Je déglutis sachant pertinemment ce qu'elle veut dire et je commence à croire que César n'était pas le petit ami idéal qu'il laissait toujours paraître et qu'Andra n'a pas été traitée comme elle le méritait une seule fois. Si ses standards sont aussi bas ça devient facile de l'impressionner.

It wasn't a mistakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant