34. Flynn

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Dix-huit heures, aucune nouvelle de mon père. J'imagine un moment que la proviseur a oublié de l'appeler, ou qu'elle n'a pas réussi à le joindre. Il n'écoute jamais les messages vocaux. Peut-être que je passerai entre les mailles du filet et qu'il n'en saura jamais rien.

La porte d'entrée claque. Je sursaute et bondit hors du canapé. Je rejoins l'entrée, stupéfait de voir mon père, sa valise à la main. Je souris instantanément. Il ne m'avait pas prévenu qu'il rentrait cette semaine. Mais son regard noir efface ma joie.
— Surprise, dit-il sèchement.

Il est assis à table, en face de moi. Les mains jointes, le regard sévère.
— J'avais prévu de rentrer aujourd'hui et de passer quelques jours avec mon fils. Je pensais t'emmener voir un film et manger un bon resto. Et en bouclant mes valises ce matin j'ai reçu un coup de fil de ton lycée.

Je déglutis, il n'a pas besoin de continuer, je sais bien qu'il parle de mon renvoi.
— Flynn merde, à quoi tu joues ? Te faire exclure pour violence ?
Je balbutie qu'il ne s'est presque rien passé et que Madame Smith a surréagi et a donné une punition qui n'est absolument pas en adéquation avec ce qu'il s'est produit.
— J'en ai rien à faire de ce que tu penses, on m'a appelé parce que mon fils est renvoyé pour violence. Je m'en fou de savoir si tu as mis une pichenette ou une droite à quelqu'un.
Je grogne à nouveau.
— Tu vois, c'est ça votre problème ! Vous ne cherchez jamais à comprendre, quelque chose ne vous convient pas vous les adultes et vous prenez directement de grandes mesures. Au moins pour le baseball c'était mérité.
Je réalise directement la bêtise que je viens de dire et regrette, espérant que mon père n'ait pas entendu.
— Le baseball ? De quoi tu parles Flynn ?
Je garde les bras croisés et regarde le sol.
— Réponds-moi ! hurle-t-il en cognant le point sur la table.
Je ne suis plus à ça près de toute façon. Je lui explique que j'ai été suspendu de baseball toute la semaine à cause d'une bagarre.
— Tu te fous de ma gueule là Flynn ?
Je ne réponds pas.
— Je dois faire quoi ? T'emmener voir un psy parce que t'arrives pas à gérer ta colère ?
Je lève les yeux.
— Qu'est-ce que ces types t'ont fait pour que tu t'en prennes à eux comme ça ?
Les paumes de mes mains sont complètement moites, l'arrière de ma nuque me démange mais je ne bouge pas.
— Il. C'était César.
Je lève la tête pour voir sa réaction évidemment confuse.
— César ? Ton César ?
Je me pince les lèvres et hausse les sourcils. S'il savait tout ce qu'il s'est passé ces dernières semaines... Mais ce n'est pas le cas, parce qu'il n'est jamais là. Et son seul sujet de discutions quand il l'est ce sont mes performances au baseball.
— Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
J'éclaircis ma gorge, prêt à lui annoncer la nouvelle.
— Il a été choisi par le recruteur à ma place.
Je m'attends à un regard de dégoût et un discours sur le fait qu'il est terriblement déçu mais non. À la place il me regarde béat.
— Tu te mets dans un état pareil pour ça ? Je suis désolé de te dire ça mon fils mais tu auras d'autres déceptions dans la vie, et frapper son meilleur ami parce qu'il a eu la place que tu aurais aimé avoir c'est pas très fair-play.
J'aurais préféré qu'il me dise que ce n'était pas si grave, que cette place n'était pas tellement importante à ses yeux et que je réussirais d'une autre façon.
— Y'a pas que ça, avouais-je.
Je ne veux pas qu'il s'imagine que j'ai été assez envieux pour frapper César à cause d'une place.
— Qu'est-ce qu'il y a d'autre alors ?
Je lui lance qu'il m'a dit estimer mériter la place plus que moi, bien qu'il ne la convoitait pas autant.
— Et puis il y a Andra, dis-je de façon presque inaudible.
Il fronce les sourcils attendant que j'aille plus loin.
— Qu'est-ce qu'elle peut bien avoir avec cette histoire de recruteur ?
— C'était la copine de César.
Ses yeux s'écarquillent.
— Attends, quoi ? Quand est-ce qu'ils étaient ensemble ?
Je remets les choses en ordre en lui expliquant qu'il a trompé Andra et que tout ça n'était absolument pas calculé. Mais le week-end dernier dans les vestiaires on s'est battu à cause de ça plus que pour l'histoire de recruteur, tout comme hier après-midi. Mon père balance sa tête en arrière et frotte sa barbe d'une semaine.
— Et tu continues à dire qu'elle n'est pas une source de distraction ?
Evidemment, il a sauté sur l'occasion pour tout mettre sur le dos d'Andra.
— Non c'en est pas une ! César est un connard, et je n'ai juste pas su me contrôler. C'est notre faute à tous les deux. Personne d'autre.
Il énumère tout ce qu'il s'est passé en une simple semaine : La place du recruteur qui me passe sous le nez, la dispute avec César, notre bagarre dans les vestiaires, celle du lycée et mon renvoi dans ces deux derniers lieux.
— Elle ne t'apporte rien de bien cette fille.
Pendant une seconde je le crois, je me dis qu'Andra a foutue mon quotidien en l'air. Je n'ai plus d'amis, plus d'avenir, pas de baseball et un renvoie inscrit dans mon dossier qui fera tâche pour mon inscription à l'université.
Mais finalement, tout ça est uniquement de ma faute. Je ne suis pas de ceux qui se victimisent, je provoque mon propre destin. Andra n'a fait qu'être présente pour moi, rien d'autre. Je sais qu'elle ne me laissera pas quoi qu'il arrive.
— Papa c'est moi qui suis violent et t'arrives à jeter la faute sur ma copine ! Pourquoi tu ne vois pas les choses en face ? C'est moi le souci! Je ne suis pas assez bon, pour le baseball, pour le recruteur. Je suis un ami de merde qui ne trouve rien d'autre à faire que tomber amoureux de l'ex de son meilleur ami, et je suis incapable de contrôler mes nerfs. C'est moi qui foire tout, juste moi !
C'est en arrêtant de parler que je me rends compte que ma gorge me brûle. Je suis essoufflé. Les yeux humides.

It wasn't a mistakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant