35. Andra

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Je suis assise en tailleur sur le lit de Théo, je me tiens le ventre en trépignant.
— Tu veux que j'aille l'acheter ?
Je secoue la tête frénétiquement, j'ai tellement peur que je n'ai rien envie de faire.
— Andra, tu ne peux pas rester comme ça sans réponse !
Si je peux, du moins pour l'instant. Il faut que j'en parle à Flynn d'abord. Il a toujours cette façon rassurante d'aborder les choses, il saura me détendre et gérer la situation au besoin, j'en suis sûre.
— Ça ne coûte rien d'acheter un test, au moins tu auras une réponse.
Comme si les tests de grossesses étaient sûrs à 100%.
— Non, Flynn doit venir à la maison ce soir. On en parlera à ce moment-là.
Il est très distant ces derniers jours, surtout depuis ce week-end en fait. Il m'a prévenu que son père venait quelques jours mais il répond à peine à mes messages. Je sais qu'il a repris le baseball lundi et qu'il revient en cours demain, j'espère que tout va s'arranger, je lui laisse l'espace dont il a besoin.
— Mais qu'est-ce qui te fait croire que tu es enceinte ? Dit Théodora en faisant les cent pas.
Elle s'arrête et voit ma mine blasée.
— Je veux dire en dehors du fait que tu n'as pas tes règles alors que tu devrais les avoir depuis presque une semaine.
Ces fichues règles qui ne sont jamais là quand il le faut.
— On a couché ensemble sans préservatif, à plusieurs reprises.
Théodora commence à me faire la morale sur le fait que les contraceptifs ne sont jamais sûrs à 100%, et que ce n'était pas responsable de ma part et que les MST ne sont pas un truc à prendre à la légère.
— C'est bon on est allés se faire tester pour ça, dis-je en levant les yeux.
Je sais bien que ce n'était pas responsable de notre part, je n'ai pas besoin qu'elle en rajoute une couche.
— Et ? Les capotes ce n'est pas que pour les maladies, regarde la situation dans laquelle tu te trouves !
Je la regarde dépitée, je ne sais pas quoi dire, ni quoi faire. Comment Flynn va réagir si je suis vraiment enceinte ? Comment mes parents vont réagir ? Adieu l'université. Qu'est-ce que je vais faire ? Théo comprend que je n'ai pas besoin de ses conseils moralisateurs, elle se calme et s'approche de moi pour me prendre dans ses bras. Elle colle sa tête sur mon épaule.
— Désolée de t'avoir parlé comme ça, c'est pas ta faute.
Je pose ma tête sur la sienne et caresse sa main.
— Tu vas en parler à Flynn, et tu iras faire une prise de sang. Si c'est négatif, plus d'inquiétude ok ?
Je prends une longue inspiration.
— Et si c'est positif ?
Mon amie reste silencieuse, elle cherche quelque chose de réconfortant à dire, mais je crois qu'il n'y a rien à ajouter.
— Je te soutiendrais peu importe ton choix, répond-t-elle simplement.

Mes parents sont partis, pour deux jours. Mon père a de la chance que ma mère accepte de le suivre dans ses déplacements professionnels. Ils m'ont autorisé à inviter Flynn, à condition qu'on ne dorme pas dans la même chambre. Ma mère a traité mon père de naïf en lui disant que s'il pensait qu'on allait obéir c'est qu'il connaissait mal les jeunes. Et elle a raison. J'ai hâte de passer une soirée seule avec mon petit ami. On n'a pas passé de temps ensemble depuis presque une semaine et on n'a pas eu l'occasion de parler ces derniers jours. J'espère qu'il a passé un bon moment avec son père, malgré la remontrance qu'il a dû lui faire à cause de son renvoie du lycée.
J'entends son poing cogner contre le bois de ma porte d'entrée. Je m'y approche toute guillerette et ouvre, un grand sourire figé sur mes lèvres. Celui-ci s'efface presque automatiquement en voyant la mine froide de Flynn. Il entre sans un mot et me dépasse sans même m'embrasser. Il y a quelque chose qui ne va pas.
— Flynn ?
Il ne prend pas la peine de retirer son manteau et entre dans mon salon, il s'adosse à la table et croise les bras.
— J'ai quelque chose à te dire, commence-t-il.
Très bien, moi qui pensais passer la soirée de bonne humeur et lui annoncer après pour ma suspicion de grossesse je pense que je vais le suivre et crever l'abcès.
— D'accord, dis-je en essayant de ne pas montrer mon inquiétude.
J'ai ce truc au fond de moi qui me crie que quelque chose de grave s'est passé, j'ai un très mauvais pressentiment.
— On va arrêter tous les deux.
Il a dit ça comme s'il venait de m'annoncer qu'il partait faire des courses. Sur le coup j'attends qu'il se mette à rire et qu'il me prenne dans ses bras. N'importe quel signe qui me ferait comprendre qu'il plaisante. Mais rien de tout ça ne vient, rien du tout. Il reste là, impassible et ne me regarde même pas dans les yeux.
— Flynn tu rigoles, dis-je nerveusement, pourquoi tu dis ça ?
Il hausse les épaules et se mord l'intérieur de la joue.
— C'est mieux qu'on arrête là, c'est tout.
J'ai envie d'éclater de rire, il me balance ça comme ça, en pensant peut-être que je ne vais pas poser plus de questions.
— Mais pourquoi ?
Il ne se presse pas pour répondre, au contraire il soupire presque comme si je le dérangeais.
— Ce n'était pas une bonne idée en fait.
Je lui demande immédiatement si César à quelque chose à voir dedans, s'il lui a monté la tête samedi soir. Il doit forcément y avoir une raison. Ou alors son père, c'est son père qui lui a dit que j'avais une mauvaise influence sur lui. Je ne vois que ça.
— César n'a rien à voir là-dedans, je ne suis juste pas sûr de mes sentiments c'est tout.
Je ferme les yeux une seconde pour ne pas l'insulter. Comment ça, pas sûr de ses sentiments ? Il m'a dit qu'il m'aimait. Il n'a pas pu mentir sur ça ! Je cherche son regard, je ne comprends pas ce qui lui prend.
— Je sais pas à quoi tu joues Flynn mais c'est pas drôle.
Il s'humecte les lèvres et lève les yeux.
Arrête Flynn, s'il-te-plaît, arrête ton petit jeu et prends-moi dans tes bras, je t'en supplie.
Puis une idée terrible me traverse l'esprit, quelque chose qui me donne la nausée rien que d'y penser.
— T'as couché avec une autre fille ?
Il tourne sa tête immédiatement, son regard n'est plus le même, il est presque blessé.
— Non, non Andra. Je ne pourrais jamais faire ça, dit-il d'une voix douce. Comment tu peux penser que je puisse te faire ça ?
Je le crois, il est sincère. Je sais quand il l'est, je le connais. Peut-être pas depuis très longtemps mais j'arrive à lire en lui si facilement. Et vouloir rompre avec moi et me dire qu'il n'est pas sûr de ses sentiments : ça c'est un mensonge.
— Je sais pas, mais je commence à croire que je ne te connais pas si bien en fait.
Il ne peut pas partir d'ici sans me donner plus d'explications. Je n'arrive pas à croire ce qu'il se passe mais Flynn n'ajoute rien.
— Et c'est tout ? Tu me dis que tu m'aimes, on vit des semaines magiques et tu viens comme une fleur m'annoncer que t'es pas sûr de tes sentiments et qu'on ferait mieux d'arrêter ?
Il tapote ses doigts sur la table et se mordille la lèvre. Pitié dis n'importe quoi, je t'en supplie.
— Ça te passera ok ?
Mais il se fout de ma gueule ? J'ai envie de lui jeter le premier objet qui me vient sous la main, n'importe quoi. Mais la seule chose à proximité se trouve être le vase préféré de ma mère et j'ai trop de respect pour elle pour le casser. J'essaie de ne pas perdre la face.
— T'as fini ? Dis-je la voix tremblante. T'es venu juste pour me dire ça ?
Il hoche la tête lentement et croise ses bras sur sa poitrine. Toujours sans me regarder.
— Alors tu peux partir.
Je ne suis pas du genre à faire de gros scandales, à le supplier de rester et à fondre en larmes devant lui. César m'a trompé soit, je n'aurais rien pu faire pour l'en empêcher. Flynn me quitte, très bien. Si c'est ce qu'il veut d'accord, je ne vais pas ramper à ses pieds. Je vaux mieux que ça. Mais je n'arrive pas à croire que je réussisse à rester aussi calme alors que j'ai envie de l'insulter et de lui dire à quel point je l'aime à la fois.
Mais le Flynn que j'ai en face de moi n'est pas celui que je connais. Non celui en face de moi je ne l'ai jamais vu. Et là, maintenant, je préférerais avoir le connard arrogant que j'ai rencontré il y a deux ans plutôt que celui qui me ment. Il ne se fait pas prier et se décolle de la table, il marche lentement jusqu'à la porte. Tout mon être me crie d'insister une dernière fois mais je ne veux pas avoir l'air d'une idiote, pas encore. Il pose sa main sur la poignée de la porte.
Retourne-toi, retourne-toi et dis-moi que tu regrettes. Que tout ça n'était pas que du vent.
Mais il appuie sur la poignée et sort.

It wasn't a mistakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant