Rose Salvage est une femme forte au devant d'une famille de quatre sœurs. Ancienne infirmière pendant la Grande Guerre, son cœur est aussi meurtri que sa France natale. A Londres, la famille Salvage s'est organisée pour survivre autour d'un gang pre...
« Il suffit d'un hôpital pour comprendre ce qu'est la guerre. »
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↳ Rose Salvage ↲
Août 1916
Amiens, France
Pour Rose Salvage, la seule chose qui était pire que la guerre était son odeur. Cette odeur acre et maladive qui se propageait autour d'elle, remplissant ses narines, attaquant ses poumons et menaçant son existence juste parce qu'elle osait être dans le même espace qu'elle.
Ce n'était pas que le sang ou la sueur ou la saleté, c'était l'odeur de la mort elle-même collée à chaque corps, redessinant toute âme. Rose savait que dès que quelqu'un sentait une telle odeur, il ne pourrait jamais en revenir. Pas comme ce qu'il fut avant. Quelque chose en ces gens-là avait dû changer, car ils avaient vu et avaient été vus par la Mort et devaient désormais supporter cette rencontre dans leurs vies.
Et en vingt-trois ans de vie, Rose avait vu la mort plus qu'elle ne l'aurait dû, et appris que la pire partie de cette entité était les cris la précédant, les cris perçants et agonisants des soldats blessés tandis qu'ils saignaient dans les draps blancs pour leur pays, pour un foyer qu'ils n'obtiendraient de voir qu'à travers un cercueil.
C'était la France actuellement, un cimetière sans fin où les seules choses qui avaient l'air en vie étaient les obusiers et les mitrailleuses, non pas les gens qui les actionnaient. Ils étaient loin derrière les lignes, mais la guerre ne se passait pas uniquement sur le champ de bataille ou les tranchées, elle se produisait aussi dans les hôpitaux, dans les villages capturés, dans les villes et les champs détruits, dans l'esprit des soldats, et dans son cœur.
Même après deux ans de service à la Croix Rouge, Rose ne pouvait toujours pas supporter l'odeur ou les cris, et partout où elle se tournait, il y avait des corps qu'on couvrait et des soldats qui pleuraient en silence un Dieu qui ne paraissait jamais écouter.
L'hôpital dans lequel elle avait été assignée était situé à Amiens, près de la Somme, et le bâtiment décrépi était plein à craquer depuis que la Bataille de la Somme avait commencé un mois plus tôt. Etant donné la quantité de blessés qu'ils avaient reçus, Rose avait l'impression que ce serait une bataille terrible, peut-être l'une des plus sanglantes de cette maudite guerre. Et pourtant c'était son travail de les traiter, de faire en sorte qu'ils puissent y retourner, ou au moins rentrer à la maison. Mais à ce sujet, et comme pour toutes les guerres, Rose avait eu plus de défaites que de victoires.
— Rose... Rose..., une voix douce fit derrière elle pendant que des mains essayaient de l'éloigner d'un soldat sur un lit. Il n'y a rien que tu puisses faire. Le pauvre petit est mort. Tout ce que nous pouvons faire est le laisser se reposer.