Laisser-aller

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PDV MARKUS RIVERA

- Putain, la bouteille est vide.

L'horloge sur le mur dépeint indiquait huit heure dix. J'étais en retard. Encore. Vautré sur ce vieux canapé que je traînais derrière moi depuis plus de vingt ans, mon dos me faisait un mal de chien. La bouteille que je tenais entre mes mains ne contenait plus une goutte de cet élixir tant convoité. Je la reposais sur le coin du canapé où gisait deux autres bouteilles, en grognant. Je passais ma main sur la figure pour me réveiller. J'avais une sacrée migraine et je portais encore mes fringues d'hier.

Quand je suis rentré, la première chose que j'ai fait après avoir retiré mes godasses n'était pas d'ouvrir les fenêtres. Pourtant je devrais, ça puait le renfermé et la vieille chaussette dans cet appart'. Ça devait bien faire dix jours que je n'avais pas ouvert mais je m'en fichais. À la place j'ai bu. Seule consolation depuis que ma femme m'a demandé le divorce et a obtenue la garde exclusive de notre fille, Emma.

Cette salope s'est servie de son amant avocat pour avoir tout ce qu'elle voulait. Mon ex a joué sur les bières que je buvais le soir pour me détendre, pour dire au juge que je n'étais qu'un ivrogne incapable de m'occuper d'un enfant. Mon métier de flic à la criminel n'a évidemment pas arrangé les choses. Considéré comme boulot à risque et très prenant, la question a été vite tranchée. J'ai perdue sa garde, mon ex-femme m'a jeté à la porte avec quelque-unes de mes affaires et ce canapé tâché aux ressorts cassés qu'elle détestait tant. C'est comme ça que je me suis retrouvé dans cet appartement, dans un quartier où la prostitution et la vente de drogue étaient monnaie courante.

Je me levais en prenant soin de ne pas marcher dans la vieille boîte en carton d'une pizza, entamée depuis un lustre, et croisais mon reflet dans le petit miroir poussiéreux au dessus du lavabo.

Vingt cinq mètre carrés de bordel, sans espace délimité. Tout était sombre et poussiéreux, parfait pour déprimer. Du canapé au lavabo, il suffisait de faire trois pas.

Mon apparence faisait peine à voir. Ma barbe n'était plus entretenue depuis des semaines, mes cernes et mes rides se creusaient au coin des yeux et mes cheveux grisâtre atteigneraient bientôt les épaules. Je baissais la tête, ne supportant plus mon reflet, et m'aspergeais d'eau. Je n'étais plus le même homme. En boule par terre, je trouvais un pull noir. Décidant que l'odeur qu'il dégageait n'était pas trop nauséabonde, je retirais celui de la veille pour l'enfiler. Ma veste en cuir, mes clés, ma plaque et me voilà parti.

En arrivant au poste, les gens étaient déjà tous en plein travail. Ils allaient et venaient, les téléphones sonnaient sans cesse. Bientôt trente deux ans que j'évoluais ici, je connaissais donc la plupart des employés. Je faisait partit de ses 'anciens' qu'on respectaient pour toutes leurs années de service. 

À la cafèt' dans le couloir, des donuts au chocolats étaient disposés. N'ayant rien avalé depuis la veille au midi, j'en attrapais un. Je m'apprêtais à en avaler un second lorsque je perçu la voix familière de mon supérieur résonner dans la pièce :

- Rivera, dans mon bureau ! Tout de suite !

Ça n'augurait rien de bon tout ça...

- ...Ami ou pas ami dans tout les cas je reste ton supérieur alors tu dois m'obéir, c'est compris ?

L'homme en salopette marron et chaussures noires gesticulait et me pointait régulièrement du doigt durant son speech. Son front dégarnit et ses lunettes rondes cumulés au reste de la tenue donnait l'image d'un grand-père et pourtant il était le chef de la police. Très apprécié et admiré, il avait voué sa vie à la justice. 

Nous nous connaissions depuis l'école de police. À l'époque il était instructeur et moi son élève. Il avait vu un vrai potentiel en moi dès le départ,c'est pourquoi il m'en demandait toujours plus s'attendant à ce que je surpasse tout les autres élèves à chaque fois.

Le Sourire de TropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant