Chap.7 : Les yeux clairs du Dr Rivière

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La nuit avait été entrecoupée de rêves sombres et de réveils hagards. Puis le jour commença à filtrer derrière les volets de ma chambre. Une infirmière était passée, alors qu'il faisait encore nuit , pour prendre ma température et ma tension, m'adressant à peine la parole. De toutes façons, je me sentais incapable de dire le moindre mot.

A peine avais-je ouvert les yeux que la tête me tournait, comme si j'étais sur le point de m'évanouir. Je fermai les paupières, tentant de respirer calmement. Je testai la mobilité de mes membres, qui la veille, ne me répondaient plus. Cette fois-ci, je pus remuer mes orteils et mes doigts, et, dans un effort extrême, soulever le genou droit de quelques centimètres. Des minutes (des heures ?) passèrent. Sous mes paupières fermées, la lumière qui passait à travers les fenêtres rougeoyait désormais.

Je fus quelques temps plus tard réveillée par une voix grave et douce. Mes oreilles bourdonnaient, je ne distinguai pas le sens de son discours, j'étais seulement bercée par son timbre apaisant. Enfin, j'ouvris les yeux et je vis le visage d'un homme d'une trentaine d'années, en blouse blanche, penché sur moi. Malgré mon état comateux, je fus frappée par le bleu de ses yeux, très clair, aussi transparent qu'une piscine baignée d'une lumière d'été.

-Alors Mademoiselle, vous vous sentez mieux ? Je crois que vous avez fait une belle frayeur à vos proches...Vous vous souvenez de votre prénom ? 

Je fermai les paupières pour répondre par l'affirmative.

- Vous pensez pouvoir me répondre ? Je suis sûr que vous pouvez y arriver...

Sa voix, si douce, me guidait.

- Oui, répondis-je.

- Alors, votre prénom ?

-Ali...lix

-Très bien ! Et nous sommes en quelle année ? 

- 2000...2015

- Et le nom du Président de la République ? 

- Hollande. François...Hollande.

-Parfait ! Je suis le Dr Rivière...Vous savez ce qu'il s'est passé hier ?

- No..onn

- Personne ne vous a rien dit ? Bon...Eh bien, vous étiez au travail...Mireille, c'est bien ça ? Au travail ? Il s'était retourné vers une brune d'une cinquantaine d'années, peau tannée et lunettes sur le nez, qui se tenait, un bloc de papiers à la main, de l'autre côté de mon lit.

- Oui, au travail.

Elle consulta ses fiches et reprit :

- Le matin..Un collègue l'a trouvée évanouie à son bureau.

-Voilà", dit le Dr Rivière en m'adressant à nouveau la parole, "donc voilà, vous étiez à votre bureau et BAM, c'est le blackout. Vous vous êtes évanouie, comment dire...d'épuisement ? Impossible de vous réveiller, vos collègues ont appelé les pompiers, qui eux, ont réussi à vous tirer quelques mots, mais incohérents. Et depuis, vous avez du ressentir une grande fatigue, un état d'épuisement extrême, je me trompe ?

- Noo...onn. Je suis fatigu...guée.

- On va vous faire passer d'autres examens, mais mon premier diagnostic, c'est que vous faites une "crise de dépression" très aigüe. Ce qu'on appelle communément un burn-out. Vous en avez entendu parler ? C'est un syndrome d'épuisement professionnel, de plus en plus courant, malheureusement. Vous avez trop tiré au boulot, n'est-ce pas, Alix ? En tous cas, ne vous inquiétez pas : ça prend du temps, mais on s'en sort.

Moi, une dépression ? Ce n'était tout simplement pas possible ! Et puis une dépression, ça n'arrive pas comme ça. On pleure, on est triste, on geint. Moi, je n'avais pas à me plaindre : j'avais un super boulot, un mec génial, une vie que j'adorais. Je hurlai interieurement. Des larmes coulèrent sur mes joues sans que je puisse les retenir. Le Dr Rivière prit ma main dans la sienne, la serra doucement, puis sortit de la chambre. J'étais à nouveau seule.

Au bout de ce qui me parut être une éternité, on frappa à la porte de ma chambre. Sans attendre de réponse, la porte s'ouvrit, laissant place à une jeune femme qui s'avança prudemment vers moi. Je reconnus Lala. Elle se pencha vers moi et je remarquai ses yeux baignés de larmes et sa bouche tremblotante qui me disait :

- Ma pauvre, pauvre, pauuuuuvre Alix ! Mais qu'est-ce que t'as ? Enfin, le médecin n'a rien voulu me dire ! Parle-moi, ma belle, parle-moi !

Elle tourna son viage de côté, pour me tendre l'oreille, qu'elle approcha au plus près de ma bouche.

- Juste...fatiguée...je crois

- Mais t'es pas fatiguée, on dirait que t'es aux portes de la mort ! C'est pas de la fatigue, ça !

- S..si...ça...peut...

Elle se recula, approcha un fauteuil en simili cuir du lit, s'y assit sans même avoir enlevé sa veste en jean ou posé son sac. Elle se pencha vers moi:

-C'est à cause de Miguel, c'est ça ? Quel looser ! Les mecs c'est tous les mêmes ! Ils te font croire qu'ils vont te faire vivre un rêve éveillé, puis, hop, boum, tu te prends la réalité en pleine poire : c'est que des loosers.

Elle enchaîna sur sa dernière histoire d'amour, qui n'avait duré qu'un mois, se lamentait-elle, et me raconta dans le détail les disputes et les derniers moments de sa love story. Je fermai les yeux et écoutai avec attention. Quand je les rouvrais, elle était partie. J'avais dû m'endormir.

J.F cherche bonheur, désespérémentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant