Chap.10 : La séparation

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Quand j'étais entrée à l'hôpital, je n'étais plus moi-même. J'avais sombré dans une crise de dépression aigüe, comme l'avait bien diagnostiqué le Dr Rivière, et j'avais failli y laisser ma peau. Mon implication au boulot avait clairement été pointée du doigt lors des séances de thérapie qui avaient jalonné mon séjour. J'avais tout donné, trop donné, à Bravo & Associés...Mais maintenant, il fallait que je pense à moi. Le psy avait aussi mis à jour l'impasse dans laquelle je me trouvais avec Miguel. Lui et son restaurant prennaient une place de plus en plus floue dans ma vie. 

Il était venu me chercher tout sourire à la sortie de l'hôpital, pourtant, dans sa vieille Peugeot à la carosserie défoncée. J'avais placé ma petite valise dans le coffre, il m'avait serrée dans ses bras puis nous nous étions installés en silence dans la voiture. Pour le briser, alors qu'il roulait vers chez nous, il engagea la conversation, avec gentillesse. Celle qu'on use avec les gens malades. Cette condescendance qu'on ne réserve qu'aux plus faibles.

- Alors ma chérie, comment te sens-tu ? Prête à croquer à nouveau la vie à pleines dents ? J'espère que tu vas pouvoir venir voir l'avancée des travaux au restau, tu vas voir, c'est hallucinant !

- Ah oui ? C'est super ...

Je n'avais pas totalement récupéré mon enthousiasme naturel. J'espérais qu'il comprendrait.

- Et tu vas venir voir alors ? Ce n'est pas très loin de la maison...

-Ecoute, je ne sais pas, je viens juste de sortir, là...

-Oh, d'accord.

Il se renfrogna comme je l'avais toujours vu le faire. Mais cette fois-ci, je ne m'en souciais pas. Je tournai la tête de l'autre côté, et regardai les immeubles haussmaniens défiler devant mes yeux.

- En fait, on va se séparer. Et ton restau, je ne veux plus en entendre parler. Plus jamais. Tu te rends quand même compte que j'ai failli crever ?

C'était sorti comme ça, naturellement. Et puis, je n'ai plus pu m'arrêter.

- Tu ne penses qu'à toi... j'ai passé un mois à l'hôpital et il faut que tu me parles ENCORE de ton foutu restaurant ? Tu ne penses qu'à toi ! Mais j'aurais dû m'en douter, ça fait des années que ça dure ! Mais j'étais trop conne pour oser te dire quoi que ce soit... 

Pas de cris, pas de larmes...juste ma voix qui énumérait froidement les raisons de ma décision soudaine.

Miguel, lui, s'était figé. Il avait réussi à se garer en double file dans une rue de traverse, et me regardait interloqué.

- Mais ça va pas bien, non ? Qu'est-ce qui te prends ? 

Il avait bafouillé, semblait perdu. Son visage éploré, sa voix suppliante ne firent vibrer aucune corde sensible chez moi. Je compris ainsi que c'était vraiment fini.

Il allait faire ses bagages, prendre ses affaires, et sortir de ma vie.

J.F cherche bonheur, désespérémentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant