내가 여기서 뭐하는거야 ?
Putain, qu'est ce que je fous là ?
Autant parler français, puisque que je vais devoir m'y habituer.
L'aéroport Roissy-Charles-De-Gaulle déroule ses corridors gris-beiges, sinistres et uniformes. Et je traine mes deux lourdes valises avec des envies de meurtre. Les panneaux d'affichage me poussent fermement la sortie : l'usine à voyageurs est en train de me recycler comme un déchet toxique.
Il parait qu'il y a une gare TGV au bout de ce couloir interminable, si j'ai bien compris ce que m'a expliqué l'hôtesse.
Ha ! Ils ont bien réussi leur coup : l'exil en France. Merde, même pas à Paris ou dans une grande ville un peu cool. Non, Plouc-Les-Vignes ou Cambrouse-Le-Désert, quelque chose dans ce goût-là. Même sur Google, j'ai pas trouvé.
C'est un trou paumé mais c'est là que vit ma mère. Et c'est là que m'a expédié mon père qui ne veut plus me voir.
Ma belle-mère aura fini par avoir ma peau. Je ne pensais pas qu'elle réussirait aussi bien.
Séoul me manque déjà...
Mes amis.
Ma vie dorée.
La fête à Gangnam-gu et les week-ends à Haeundae.
Normalement il aurait dû y avoir un jet privé qui m'attende en bout de piste. Ou au moins une limousine noire, avec un chauffeur plié en deux, casquette à la main. Mais c'est fini tout ça. Mon père m'a bien prévenu : je vais en baver.
Le gars de la compagnie ferroviaire me vend mon billet avec une indifférence exaspérante. J'ai envie de le secouer et de lui expliquer qu'en Corée du Sud, mon seul nom de famille fait trembler les gens. Littéralement.
Munyeo est l'une des entreprises les plus puissantes du pays : le cinquième chaebol, par ordre de richesse. Et, jusqu'à il y a quelques jours, j'en étais l'héritier désigné.
Kang Hun-jae. Dix-huit ans. J'avais ma photo dans les pages people de tous les journaux de mon pays, et mon lycée était le plus prestigieux de Séoul, réservé à l'élite.
Qu'est-ce que je suis maintenant, je me le demande ?
Et il faut que je tire seul mes deux valises Rimowa qui pèsent des tonnes. Et que je prenne le train. Un train ! Pourquoi pas une montgolfière ou une charrette à bras !
Être riche en Corée, c'est encore plus fou que tout ce que vous pouvez imaginer. Même dans les dramas, ils osent pas. Les coréens respectent l'argent. En France, j'ai toujours l'impression qu'un intellectuel à mèche ou un écrivain, surtout s'il ne vend pas de livres, a droit à plus d'égards que quelqu'un qui ne serait que riche. En Corée c'est tout l'inverse. La France n'a rien compris au monde moderne !
J'ai des envies de meurtre et la première personne que je tuerai, quand je lui mettrai la main dessus, ce sera ma belle-mère et ses intrigues diaboliques. Pas Jong-suk ni Min-ho, non, mes demi-frères n'y sont pour rien si leur mère est une folle arriviste.
La dernière fois que je suis venu en France, c'était à Paris avec des amis. On avait profité de l'avion privé des fils Samsung. On a monté la Tour Eiffel et descendu l'avenue Montaigne, les filles ont claqué des fortunes dans les boutiques de luxe. On a mangé dans des restaurants compliqués des plats au nom impossible. Et on a fait la fête dans des clubs privés entourés de mannequins et de jet-setters. Quand j'y repense, je n'ai même pas vu ma mère pendant ce séjour. Je ne l'avais pas prévenue. On ne s'est pas croisés depuis des années, à part quelques coups de fil distants. C'est elle qui est parti sans moi.
Je suis crevé, je n'ai pas fermé l'œil dans l'avion. J'ai regardé défiler mon vol KE 901 sur la carte électronique, en crevant de colère et de dégoût à chaque mile qui m'arrachait à mon pays. Si un jour on écrit mon histoire, ça s'appellera : "Une haine de 8960 kilomètres".
Putain de train. Tout est écrit en français. J'espère que je suis monté dans le bon. Oui je sais, je suis censé parler la langue couramment : ma mère m'a parlé français pendant mes six premières années, avant de décider de foutre le camp. Et j'ai eu des jeunes filles au pair ensuite.
Mais le français jusqu'à présent, c'était surtout infaillible pour frimer devant les copains, draguer les filles, ou commander dans les restaus qui veulent se donner grand genre.
Quand je pense que j'aurais dû fêter mes dix-huit ans à Séoul. On voulait privatiser le Faust avec Dak-Ho, mon meilleur pote. On aurait réservé les meilleurs Dj et terminé en douche au champagne sur le rooftop. Et tout le monde se serait damné pour une invitation. Alors que là, je vais avoir dix-huit ans dans un bled inconnu, et j'aurai de la chance si je trouve un McDo ou un bal musette.
La vieille dame assise à côté de moi m'a demandé si j'étais chinois. Je sens que je vais finir par étrangler quelqu'un ! Il vaut mieux que je fasse semblant de dormir.
Dijon ? Ils annoncent Dijon. C'est là que je m'arrête je crois. Je vérifie deux fois mon billet, c'est bien ce qui est écrit. Normalement, quelqu'un devrait m'attendre devant la gare.
Le train s'immobilise enfin le long du quai. J'essaye de descendre mais un voyageur tente de monter en même temps. Les français sont incapables de faire la queue proprement. J'ai deux énormes valises mec, oui, ça va prendre du temps.
Je me dirige vers la sortie : c'est indiqué juste devant moi. Je ralentis le pas, presque à m'arrêter. Ma vie nouvelle commence là. Je me sens bizarre subitement. Les gens me dépassent en râlant. Ils sont moches et pressés.
Au loin, je vois une dame qui agite la main dans ma direction.
Et tout d'un coup...
C'est ma mère qui m'attend sur le quai.
Douze ans que je ne lui ai pas parlé, autrement que par Skype.
Je la reconnais aussitôt.
Elle et plus petite que dans mon souvenir. Mais son sourire est plus grand.
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L'amour est un drama coréen (Terminé)
RomanceKang Hun-jae a toujours vécu la vie insouciante et privilégiée du fils ainé, riche héritier d'un puissant chaebol sud-coréen. Mais quand son père décide de l'exiler, suite aux intrigues de sa belle-mère, il doit quitter Séoul et sa vie dorée pour re...