Chapitre 14

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- Bonjour Grand-Père, clame Léo-Paul en sautant de la jeep.

Le vieil homme vient vers nous d'un pas alerte.

Léo attend qu'il nous ait rejoint et fait les présentations avec cérémonie.

- Grand-Père, je te présente Hun-Jae, ton petit-fils. Hun-Jae, ton grand-père !

Hal-abeoji...

J'examine le visage ridé, j'y retrouve mes yeux bleus et cela m'émeut. Mon grand-père me dévisage avec la même intensité.

Léo-Paul nous observe quelques instants, puis se décide à rompre le silence avant qu'il ne devienne trop pesant.

- Sur ce, je démissionne officiellement de mes fonctions de petit-fils, puisqu'on m'a trouvé un remplaçant !

Le vieil homme retrouve un sourire chaleureux et se retourne vers Léo.

- Comment ça tu démissionnes ? Tu ne crois pas que je t'ai supporté si longtemps pour te libérer maintenant !

- Qui supporte qui ? C'est la question ! rétorque Léo d'un ton goguenard.

Je le regarde, effaré : comment peut-il dire ça à une personne de cet âge, mon grand-père qui plus est. Les français n'ont-ils aucun sens du respect ou de la hiérarchie la plus élémentaire ?

Mon grand-père se tourne vers moi, sur un ton faussement plaintif :

- Tu vois comment il me traite ?

Je m'incline avec cérémonie, car une personne de cet âge doit être considérée avec égards.

- Je suis Hun-jae, et ravi de faire votre connaissance...

- Tutoie-moi mon garçon, sinon je vais passer pour un vieux croulant !

Sur ce, sans prendre garde à mon air dérouté, il nous attrape par les épaules.

- Allez, rentrons mes enfants !

Je lève les yeux vers l'imposante bâtisse devant nous. Mon grand-père habite un château, ou quelque chose d'approchant. Pas très grand et passablement délabré, mais je compte deux tours aux toits pointus, un petit corps de logis en pierres massives, et de grandes dépendances autour d'une cour carrée.

- Ça claque, hein ? me dit Léo-Paul en me montrant une gargouille moyenâgeuse qui sert de gouttière à l'une des deux tours.

Je me réjouis à l'idée de visiter l'intérieur, mais mon grand-père nous dirige vers une petite porte, sur l'extrémité ouest, tellement basse qu'on doit se pencher pour passer la tête. On descend un escalier taillé en colimaçon, dans le froid et l'humidité, tandis que Léo derrière moi s'amuse à prendre une voix de Frankenstein.

- Entrez monseigneur, et venez séant visiter nos oublieeettes...

En fait de cachot, on se retrouve dans une immense cave aux voutes spectaculaires : le long des murs de pierre, des casiers accueillent des dizaines de bouteilles avec, sur de petits panneaux d'ardoise, les noms de crus bourguignons prestigieux et des indications d'années préhistoriques qui me font ouvrir la bouche de stupéfaction.

On s'installe sur des sièges hauts, autour d'un tonneau massif.

- Alors, qu'est-ce qu'on boit, au pays du matin calme ?

Je souris à mon grand-père pour m'excuser de le reprendre.

- Techniquement, c'est une erreur de traduction des missionnaires européens. Le sens exact de Chosŏn, ce serait : "pays du matin frais"...

L'amour est un drama coréen (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant