- Appa, je vais rentrer.
Mon père me fixe d'un air impassible à travers l'écran, et je maudis cette coquetterie des hommes de pouvoir de mon pays de toujours afficher ce masque impénétrable, comme s'ils y voyaient un signe de puissance. Quand je le compare aux visages pleins d'expression et de vie que je côtoie ici depuis un mois, j'aurais aimé au moins un quart de sourire.
- Qu'est-ce qui t'autorise...
Je l'interromps posément, sans agressivité. C'est à moi de parler. Je déroule un à un mes arguments : mon enquête, mes conclusions, cette accumulation de preuves, trop de tout comme dirait Léo, cette affaire qui sent la manipulation, l'incendie qu'on allume pour détourner des responsables, je n'ai aucune raison de partir, aucune, je serais plus à ma place à ses côtés, à chercher les vrais coupables.
Son visage ne trahit aucune émotion. Mais je sais qu'il m'écoute avec attention. J'ai préparé mon petit discours. J'en ai pesé chaque mot. J'ai un peu l'impression de jouer ma vie : je lui en veux pour cela, et en même temps cet affrontement me galvanise.
J'ajoute, après un instant d'hésitation.
- J'ai changé appa, au cas où ça t'intéresse. J'ai fait le tri de ce qui est important.
Son sourcil droit se soulève imperceptiblement, son regard austère toujours dardé sur moi.
- Et qu'est-ce qui est important, Hun-Jae ?
Je ne m'attendais pas à devoir aborder ce sujet. Mais j'improvise parce que je n'ai rien à perdre.
- La famille. Les amis. Se battre pour ses idées. Et entre deux orages, essayer de se construire quelques moments de bonheur.
Il me considère longuement sans rien dire. Je complète avec un air de défi.
- Et le fromage aussi ! Je commence à y prendre goût...
Cela lui arrache l'esquisse de l'ombre d'un sourire. Peut-être se rappelle-t-il cette jeune professeure de français, amoureuse de la Corée, et qu'il a un jour passionnément aimé.
Il soupire doucement, toujours sans laisser paraitre aucune émotion. Et il me répond simplement, par ces quelques mots qui valent un sourire entier :
- Quand tu veux. Le jet t'attendra au Bourget.
Je m'affale sur le canapé de notre chambre sous les toits, où j'ai rejoint Léo et Samuel.
- Ça s'est bien passé ? demande Léo.
- Ça s'est passé...
Il m'examine avec perplexité, et je lis la résignation sur ses traits si expressifs.
- Combien de temps ?
- Deux semaines.
- Roooo..., fait Léo sincèrement peiné. Et il me prend dans ses bras sans que, pour une fois, je ne fasse rien pour me dégager.
Je lui rends son accolade en regardant par-dessus son épaule. Samuel n'a pas bougé en entendant la nouvelle. Il a le regard fixe et les lèvres pincées, à peine un petit tressaillement qui le trahit.
- Ça laisse quinze jours pour en profiter ! reprend Léo, toujours optimiste.
Il enchaine sur un ton plus léger.
- Je connais plein de filles, dans le coin, qui vont te regretter !
Je riposte, en plaisantant.
- Je crois que toutes ces filles, elles abusent de moi en fait. Il était tant que ça s'arrête !
Il me regarde, amusé.

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L'amour est un drama coréen (Terminé)
RomantizmKang Hun-jae a toujours vécu la vie insouciante et privilégiée du fils ainé, riche héritier d'un puissant chaebol sud-coréen. Mais quand son père décide de l'exiler, suite aux intrigues de sa belle-mère, il doit quitter Séoul et sa vie dorée pour re...