Chapitre 10

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Qu'est-ce qu'elle veut ?

Qu'est-ce que je veux...

Pendant que Chloé me conduit par la main vers un pré qui longe la ferme, mon esprit prend feu.

Elle contourne le bâtiment, franchit une barrière, traverse le champ d'un pas décidé, sa main toujours accrochée à la mienne comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Maintenant, nous parcourrons le verger comme s'il s'agissait juste de choisir un arbre, notre arbre, un cerisier, celui sous lequel elle m'assied en se posant juste à côté de moi.

Dans mon pays, quand une fille prend la main d'un garçon, ça veut dire quelque chose.

Chloé me regarde drôlement et part d'un rire léger qui me déstabilise encore plus.

- Hun-jae. Troisième du nom. Tu en fais une tête !

Les trois premiers mots qui me viennent à la bouche sont dans l'ordre :

- Ben,

- Heu...

- Mais.

Pas de quoi lancer une longue conversation comme les français en raffolent.

Je me ressaisis rapidement et je prends un ton détaché pour une confirmation - on ne sait jamais - qui lui ouvre quand même quelques portes de sorties.

- Je pourrais mal interpréter..., je dis en désignant sa main, toujours posée sur la mienne.

Elle sourit et porte doucement la main à mon visage. Elle effleure mes pommettes. La sensation est aussi légère qu'un papillon qui se poserait sur l'arrête de mon nez.

- Tu veux dire comme ça ? demande-t-elle ironiquement, en poursuivant son exploration de mes traits.

Je l'entends qui referme tranquillement toutes les issues de secours, avec un claquement bien net.

En coréen on utilise une expression, en français dans le texte, je ne sais pas si ça a le même sens ici, on dit : « Femme Fatale ».

Des mots français qu'on ne prononce jamais sans un petit frisson prometteur. Un frisson identique à celui qui me parcoure l'échine en ce moment.

Hésiter un peu, c'était un signe de respect. Hésiter davantage, ce serait stupide.

Je me penche et nos regards s'accrochent aussitôt.

Je pense un bref instant à Léo-Paul. Et puis je n'y pense plus.

Nos lèvres se trouvent immédiatement. J'aime ça quand le baiser se forme seul, qu'on n'entrechoque pas nos nez ou nos mentons, qu'on n'a pas besoin de tordre la tête pour trouver le bon angle. C'est comme si on était naturellement compatibles.

Je pousse ma langue au travers de ses lèvres pleines. Elle l'accepte sans autre formalité.

- Annyeonghaseyo !

- Bonjour !

Je l'avoue rarement, ça pourrait choquer, mais je n'aime pas embrasser. Sauf bien-sûr si le baiser est le prélude à d'autres incursions plus poussées. Mais le french kiss seul m'a toujours semblé très frustrant.

Pourtant, sur ce carré d'herbe fraiche où poussent quelques coquelicots, sous les frondaisons d'un arbre impassible, Chloé se charge de me démontrer le contraire. Parce que Chloé ne vous embrasse pas, elle vous explore tout entier.

Sa paume vient spontanément se poser sur ma tête, caressant mes cheveux et s'attardant sur ma nuque. Elle descend et remonte lentement, en rebroussant le léger duvet à la base de mon crâne : un nouveau frisson rejoint les autres.

L'amour est un drama coréen (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant