Chapitre 4

242 49 18
                                    

Je suis réveillé brutalement le lendemain, par le crash d'une balle de tennis qui se fracasse au-dessus de ma tête.

- Hey ! Non mais t'as vu ce tir ?

A l'intonation triomphale de mon colocataire, je déduis qu'il vient de lancer la balle depuis son lit, assez adroitement pour qu'elle traverse toute la pièce, change de trajectoire en rebondissant au-dessus du babyfoot, pour finir sa course dans un angle parfait, droit dans mon alcôve.

Je le menace, histoire de décourager d'autres tentatives.

- Si tu recommences ça, je te la fais bouffer !

A nouveau le rire clair que je commence à bien connaitre.

- Je m'entrainais à viser avant même de savoir qu'il y aurait un lit là-dedans, m'avouera-t-il peu après.

Je le note sur ma To Do des vengeances à accomplir : d'abord reprendre ma place d'héritier légitime de l'empire Munyeo, ensuite m'exercer moi-aussi à balancer une balle sur la tête de mon branleur de quart de frère sans bouger de mon lit.

Je m'étire en baillant et vérifie rapidement mon portable. Décalage horaire oblige, j'ai pas mal de messages sur KakaoTalk. Mes amis qui se demandent où je suis passé. Ma fiancée Joy qui veut savoir si je suis à Paris ou à Londres. Mon pote Dak-Ho qui réclame mes premières impressions sur les françaises...

Mon départ a été tellement précipité. Après une semaine sous haute surveillance, où j'ai à peine pu communiquer avec l'extérieur, on m'a embarqué dans le premier avion et... au-revoir, merci. Seul Dak-Ho connait ma destination précise. Les autres croient que je suis en vacances. Même à Joy j'ai été obligé de mentir : ma petite amie n'est pas vraiment discrète et sa famille contrôle un important groupe de presse. J'imagine que mon père a soigneusement étouffé l'affaire, pas de risque de fuite de ce côté-là.

Je me lève et je passe à la douche. Léo-Paul est déjà dans la salle de bain en train de se brosser les dents. Je me déshabille sans fausse pudeur : la pratique du bain est collective dans mon pays. Léo émet une sorte de petite sifflement dragueur, ce qui a pour effet de balancer plein de mouchetures de dentifrice sur le miroir. Il se rince la bouche.

- Hé mec, t'es taillé ! Je pensais que les asiatiques étaient plutôt secs. Tu fais quoi comme sport ?

- Boxe thaï. On a aussi une salle de gym toute équipée à la maison.

- Chance ! Ici on a que des champs et des bois... tout équipés de chemins, remarque : si ça te dit d'aller courir le matin, je suis partant !

Je hoche la tête en signe d'assentiment. Il va falloir que je garde la forme car j'ai un programme chargé et je compte bien m'y tenir.

On se prépare rapidement et direction le petit déjeuner.

Le couvert est déjà mis sur la grande table de la cuisine. Il y a du pain grillé chaud et des croissants, ainsi qu'une impressionnante collection de pots en verre que Léo me désigne comme "confitures maison trop bonnes". Joignant le geste à la parole, il étale une épaisse couche de beurre sur une tartine, puis recouvre généreusement de confiture de myrtilles. Je l'imite et mords dans le tas avec circonspection. Ça croustille, ça fond, ça coule d'un peu partout. C'est beaucoup trop sucré. Je sens ça va devenir mon repas préféré !

Ma mère nous rejoint et me caresse les cheveux en passant. Je l'observe par-dessus mon bol de thé, souriante, habillée d'une petite robe d'été soulignée par une fine ceinture, elle se sert un café qu'elle sirote debout, adossée au plan de travail de la cuisine. Cela me change de ma belle-mère, apprêtée et revêche dès le matin, houspillant les employées parce qu'on ne lui apporte pas son jus frais assez rapidement. Pali-pali ("vite, vite") est l'injonction préférée des gens comme elle, qui pensent que tout leur est dû.

L'amour est un drama coréen (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant