J'examine le brandon, de plus de dix mètres de haut, planté sur le tertre pas loin de la place du village. Ici, la nuit de la Saint-Jean, depuis cent ans, depuis mille ans, c'est un rendez-vous que personne ne manquerait.
Comme toute bonne fête de village, les festivités ont commencé tôt. Dès le début de la journée, les récompenses agricoles, le défilé de la fanfare, le concours de pétanque ont rythmé les cérémonies. Mais nous ne sommes descendus qu'en fin d'après-midi.
Léo m'a prévenu sur un ton sans réplique.
- Ce soir je parle à Chloé. Alors trouve toi quelqu'un d'autre avec qui danser !
Il y avait une telle urgence dans son regard, que j'ai décidé de lui laisser ce tête-à-tête avec sa copine, peut-être le dernier. A eux de s'expliquer.
Fidèle à ses nouvelles résolutions, il a laissé tomber les chemises Hawaï et les bermudas pour un pantalon d'été retroussé sur les chevilles, et un tee-shirt en lin clair dont le tissu fluide danse sur son corps, tandis que le col rond largement échancré laisse voir ce qu'il faut de sa peau bronzée. Il a quand même refusé la chemise que conseillait Samuel, en protestant que c'était pas le bal du gouverneur non plus. Sam a levé les yeux au ciel, mais il faut reconnaitre que le résultat est plutôt convaincant. Léo a toujours été beau gosse, mais si j'en juge par les regards qu'on lui porte ici et là avec insistance, le passage à l'âge adulte est un succès.
Samuel, lui, se contente d'une marinière à fines rayures et d'un simple petit chapeau de paille qu'il porte très en arrière sur ses boucles dorées. Il est à croquer.
On a tout de suite retrouvé leur bande d'amis, venus de tous les alentours, augmentée de quelques dijonnais et parisiens de notre âge dont les parents ont une maison de campagne dans le coin. On s'est regroupés près du stand de rôtisserie, sur deux tables en bois flanquées de larges bancs, et on avale brochettes et saucisses trop grillées sur des lits de frites brûlantes.
Au milieu des rires et des bavardages, nous sommes deux à surveiller autour de nous avec une impatience croissante. Je sais que Léo cherche Chloé et attend de déployer tout son plan d'attaque. Je regarde si j'aperçois Victoire, en me demandant si on aura la possibilité de se parler, voire de danser ensemble.
Mais les filles se font attendre et le temps qui passe commence à nous sembler long. Le bal a débuté et l'ambiance est plutôt joyeuse, pour qui aime voir des vieux essoufflés reprendre en cœur des tubes préhistoriques de ABBA, et des jeunes hilares s'essayer au bal musette en se marchant sur les pieds.
Le brandon sera enflammé dans moins d'une heure, dès que la nuit sera installée. Normalement, c'est un spectacle que personne ne rate.
Léo me parait de plus en plus nerveux. Il se retourne sans cesse pour vérifier les derniers arrivants, mais il ne peut se soustraire aux conversations de ses amis qui ont tous, comme toujours, quelque chose à lui dire. Pour ma part, je profite de ce que personne ne me connait pour faire régulièrement le tour de la place, en cherchant de groupe en groupe, les visages que nous attendons.
Léo m'interroge du regard quand je rentre d'une de ces tournées d'inspection. Il rigole à une blague qu'on lui raconte mais je vois l'inquiétude au fond de ses yeux. Je hausse les épaules avec un sentiment d'impuissance. Samuel m'observe aussi, avec une appréhension croissante.
Léo finit par se dégager des sollicitations de ses potes et me rejoint rapidement.
- C'est pas normal, il faut qu'on aille voir !
Samuel abonde :
- P...pour...quoi t...toutes les deux en mê...me temps ?
Je propose de faire un saut rapide à Fleurey, le hameau est juste en bas de la colline. Je verrai bien si Victoire s'y trouve encore.
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L'amour est un drama coréen (Terminé)
RomanceKang Hun-jae a toujours vécu la vie insouciante et privilégiée du fils ainé, riche héritier d'un puissant chaebol sud-coréen. Mais quand son père décide de l'exiler, suite aux intrigues de sa belle-mère, il doit quitter Séoul et sa vie dorée pour re...