Deux semaines ont passé comme un coup de vent. Je voulais tout voir, je voulais tout faire, je voulais tout embrasser.
J'ai passé du temps avec Léo, j'ai passé du temps avec ma mère, j'ai passé du temps avec Vic et avec Chloé. En regrettant toujours que les minutes n'aient que soixante secondes et qu'on ne puisse pas s'inventer des vies parallèles.
Maman m'a amené pour une balade d'une journée, une marche initiatique sur le Mont Beuvray. On grimpe en direction du sommet, en traversant des forêts peuplées d'arbres denses et fantomatiques, et des esprits fuyants des gaulois qui ont habité là.
- J'ai été si heureuse que tu sois là, Jae, me dit ma mère, en me tendant sa gourde lors d'une pause sur un rocher moussu. Même si je le comprends parfaitement, je suis dévastée que tu doives partir...
Elle ajoute plus doucement.
- Je m'en veux tellement, si tu savais. De n'avoir pas été plus forte. Qu'on ait gâché toutes ces années.
Je lui rends la bouteille et je me pose devant elle.
- Dans la vie, soit on regrette le passé... soit on se réjouit de l'avenir.
Elle sourit et va pour répondre, mais je suis plus rapide et j'enchaine.
- Je n'avais pas de mère. J'en ai une maintenant.
Je vois son visage se figer, mais je sais que c'est de joie. Elle me contemple longuement sans rien dire : qu'est-ce qu'elle pourrait ajouter que je ne lise pas déjà dans ses yeux ? Les quelques semaines que j'ai passé ici m'auront appris au moins une leçon : il faut se forcer au bonheur. Pourquoi je ressasserais ces années qui m'ont tant manquées, alors que j'ai trouvé ici la chaleur d'un foyer et des liens si naturels que c'est comme s'ils attendaient simplement, patiemment, d'être révélés.
J'attrape son petit sac à dos et je l'aide à l'enfiler. On a huit cent vingt et un mètres à grimper, mère et fils, et je veux profiter de chacun d'eux.
Avec Chloé comme avec Léo, la perspective de mon départ est presque joyeuse. Je sais bien qu'ils sont tristes tous les deux, mais s'apitoyer n'est pas dans leur caractère.
Léo m'entraine dans un tourbillon d'activités qu'il organise, toutes plus déjantées, chaotiques et foutraques. Ces moments tumultueux sellent notre amitié de manière indélébile. Seule la dégustation des escargots restera un cauchemar : la bête baignait dans un mélange écœurant d'ail et d'huile et j'avais l'impression, à voir ses petites cornes dressées, qu'elle me regardait l'avaler. Mais pour le reste, que ce soit le saut à l'élastique qu'il a organisé bien que Joy l'ait prévenu qu'elle avait le vertige – ils ont sauté en tandem et il a encore la marque de ses ongles dans le cou - les nombreuses sorties en boite qui nous ont vu rentrer hilares au petit matin, partageant le petit-déjeuner des parents avant de monter nous coucher, le cabanon du lac où nous avons passé d'autres nuits agitées, ce pique-nique mémorable où toutes les bouteilles qu'il avait mises à rafraichir ont fini emportées par la force du torrent, nous obligeant à nous jeter à l'eau pour les poursuivre avant qu'elle ne se fracassent contre les rochers, la visite du fameux château de Guédelon que la mère de Sam avait recommandé, une forteresse moderne bâtie avec les techniques du moyen-âge où on n'a pas pu s'empêcher de faire la course dans la roue de hamster, à celui qui ferait monter le plus vite les blocs de pierre taillée, jusqu'à ce que les compagnons-maçons eux-mêmes nous évacuent manu militari, ou encore ses leçons de drague sur une terrasse de la place de la Libération, à Dijon, où toutes les filles de la ville ont fini par faire un détour pour nous éviter, il a été fidèle à sa promesse : on s'est bien marrés.
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L'amour est un drama coréen (Terminé)
RomantizmKang Hun-jae a toujours vécu la vie insouciante et privilégiée du fils ainé, riche héritier d'un puissant chaebol sud-coréen. Mais quand son père décide de l'exiler, suite aux intrigues de sa belle-mère, il doit quitter Séoul et sa vie dorée pour re...