Sam m'attend, tranquillement adossé contre le mur de pierre qui entoure leur propriété. Son visage s'éclaire d'un sourire chaleureux, quand il découvre la voiture.
- Facellia ? C...c'est Léo q...qui doit être ja...loux !
- Il n'a qu'à passer son permis !
- Et s...se trouver une f...fille, complète Samuel qui connait bien l'histoire.
Je rougis un peu, car je ne sais pas si je dois y voir une allusion au fait que je conduis moi-même le petit bolide, dont le volant de métal recouvert d'un fin cerclage de bois porte le logo Facel Vega incrusté en son centre. Mais il ouvre la portière comme si de rien n'était, et se laisse tomber tranquillement dans le cabriolet bas, en éprouvant l'épaisseur des sièges en cuir clair et en caressant de la main le bois et les chromes du tableau de bord.
Je fais vrombir exagérément les six cylindres, et ça le fait marrer.
- C'est autre ch...chose qu'une Hyun...dai, non ? s'amuse Sam en se moquant de la marque automobile qui fait la fierté des coréens.
Je vais pour répondre vertement, et puis je m'en fous. Je sais bien qu'il me provoque et, inexplicablement, je dois dire que j'adore ça.
Je démarre sur les chapeaux de roue en lui arrachant un cri de surprise. Je souris malicieusement, c'est ma petite vengeance.
La vitesse est limitée sur les routes françaises, mais en enchainant les virages bercés par le feulement du moteur, notre position basse et nos cheveux dans le vent, on a vraiment l'impression de piloter sur le circuit des 24 heures du Mans.
On roule totalement au hasard. Je me laisse porter par la voiture, qui obéit à la moindre de mes impulsions, et par le grondement noble du V6 quand j'accélère dans une ligne droite. Et je me laisse porter, aussi, par le rire de Samuel à mes côtés, ses yeux brillants, sa tête à demi renversée et sa main par-dessus son épaule, accrochant nonchalamment l'appui-tête de cuir fauve.
Nous glissons sans destination sur l'asphalte clair, qui dessine un ruban au milieu des vignes et des coteaux. Sans arrière-pensée sur le pourquoi de cette escapade, et repoussant le moment où il faudra lui trouver une justification.
Moi-même, je ne saurais pas expliquer clairement ce que fais ici. Je ne voulais pas partir sans avoir partagé un dernier moment avec Sam, ni rester sur ces derniers jours de cordiale indifférence. Je ne m'enfuirai pas de ce pays comme j'ai fui la Corée, en laissant des regrets derrière moi, des ardoises mal effacées. D'accord, Samuel et moi n'auront jamais la relation qu'il espère, même s'il m'est arrivé de la fantasmer, mais au moins on peut rester amis.
Je l'observe du coin de l'œil. Il est alangui sur son siège, dans la position confortable de celui qui pourrait rouler ainsi jusqu'à Cannes ou Saint-Tropez. Le vent soulève sa mèche par intermittence, il clôt les yeux à demi, et un sourire de sphinx adoucit son visage, plus lumineux que s'il riait à gorge déployé.
Au bout d'une petite heure à rouler sans limite, il me fait signe qu'il reconnait les lieux et me crie à l'oreille.
- On va à M...Marseille ou on s...s'arrête a...vant ?
Je suis d'accord pour m'arrêter. Il reprend.
- Alors, t...tourne là ! dit-il en m'indiquant in extremis une petite route qui part sur la droite. Je braque sur les chapeaux de roue, la voiture crisse et chasse, mais s'engage bravement sur notre nouvel itinéraire.
Au bout de quelques minutes, les paysages de vignes sont remplacés par une douce prairie. Samuel me fait signe de m'arrêter devant une petite chaumière, sur laquelle une vieille enseigne en ferronnerie qu'on jurerait accrochée depuis trois siècles, indique en lettre enluminées : Le Moulin.
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L'amour est un drama coréen (Terminé)
RomanceKang Hun-jae a toujours vécu la vie insouciante et privilégiée du fils ainé, riche héritier d'un puissant chaebol sud-coréen. Mais quand son père décide de l'exiler, suite aux intrigues de sa belle-mère, il doit quitter Séoul et sa vie dorée pour re...