Le prince de l'oubli

IV.3 Ce n'est qu'un au revoir.

« Mon petit prince, je sais que la journée a été chargée en émotions, mais ta mère et moi devons parler de sujet très important »

Sumka baissa le regard et se mordilla les lèvres quelques instants avant de répondre

« Je sais papa... Dis, tu vas revenir ? Parce que... j'veux pas que...

— Oui, ça je peux te le promettre ! » Fallor avait interrompu son enfant en lui déposant un délicat baiser sur son front avant de continuer.

« Ton père doit juste aller voir les amis du monsieur, pour les prévenir de ce qu'il s'est passé, rien de plus. Je t'assure Sumka, c'est sans danger.

— Alors, pourquoi tu criais sur le chef du village ?

— Humm... »

Désarçonné par la question pertinente de son fils, Fallor chercha de l'aide auprès de sa femme qui comprit vite la situation. Son mari était doué pour bien des choses, mais quand il s'agissait de communication, il n'y avait plus personne.

« Mon chéri, papa va devoir travailler avec des gens qu'ils n'aiment pas trop, c'est pour ça qu'il s'est mis en colère. Bon, je crois qu'il est l'heure ! »

L'intervention d'Yvèle fut le salue de Fallor, qui ne perdit pas l'occasion pour coucher son fils. À force de caresse et d'attention, il réussit finalement à endormir le bambin. Après avoir monté sa couverture jusqu'au menton, il redescendit rejoindre sa femme qui le questionna sans ambages.

« Alors, comment ça s'est passé avec l'ancienne milice ?

— Ha ton idée ? Ils étaient tous enchantés de repartir en mission, surtout avec moi pour les guider...

— Ha... mal donc. »

L'agacement de Fallor était palpable. Il trépignait sur lui-même n'osant regarder sa femme dans les yeux.

« Nous serons sept pour l'expédition de demain. Moi, Dolak, Siana, Fortred, la goule, Gibrar et Dorm. »

Perdu dans ses pensées, il passa la main machinalement dans sa barbe.

« Jamais je n'aurai pensé les revoir ceux-là. Je m'étais juré depuis Gona...

— Chéri, je ne veux pas que tu y ailles... J'ai un mauvais pressentiment »

Yvèle avait les sourcils froncés, son visage hâlé était encadré par des cheveux roux attachés à l'arrière. L'inquiétude imprégnée ses traits à l'idée que son mari parte en mission avec de tels psychopathes.

« Ce n'est pas comme si j'avais le choix. Moran ne me le laisse pas, tu l'as entendu toi-même... Depuis que j'ai raccroché, c'est bien la première fois que je vais manquer le cercle ! Mais... il ne faut pas que ça se répande, quoi que ça puisse être. C'est ça, avant le reste qui me pousse à y aller. Je ne veux pas savoir ce qu'aurait fait cette chose si elle avait réussi à atteindre Sumka. »

Doucement, Fallor se rapprocha de sa bien-aimée et, tendrement, l'enlaça.

« Ça ne me plaît plus qu'à toi. Je vous reviendrai, c'est promis. »

Yvèle accepta l'étreinte, résignée, mais le questionna tout de même sur ce qui allait se passer.

« Et comment vas-tu gérer ces malades ?

— Je ne sais pas encore. La ballade risque d'être tendue, mais j'espère qu'ils oublieront les vieilles rancœurs pour se concentrer sur la mission, Fallor déclama ses mots avec un goût prononcé d'amertume.

—Tant que ces fous furieux auront une épée en main, tu ne seras pas en sécurité. Surveille toujours tes arrières...

— Et vous, profitez un maximum de la journée de demain ! Pour moi également ! »

La nuit fût pleine d'inquiétude pour la petite famille de Saïmur, et alors que Sumka dormait à poings fermés, Yvèle et Fallor ne purent quant à eux, pas trouver le sommeil. Après quelques heures passées sans réel repos, Fallor embrassa sa femme et après une ultime marque d'affection, se leva et partit se préparer. Il passa avant par la chambre de son fils, où ce dernier reposait sur le sol. Le chérubin avait, semble-t-il, vécu un cauchemar avec assez de force pour le faire chuter de son lit. Son père s'avança doucement, et le souleva délicatement. Il le posa ensuite dans son nid douillet et le couvrit. Fallor resta-là, pendant ces quelques instants bénis, volés à la dure réalité que sa mission allait lui apporter. Les larmes lui montèrent. En ce lieu, il n'y avait aucune âme pour témoigner de son infinie tristesse.