V.2 Attrape-moi si tu peux

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« Putain, c'était quoi ça ? Le fangeux ? »

Le sergent avait interrogé leur guide, comme si ce dernier savait avec certitude de quel genre de créature il pouvait s'agir. Leake connaissait en effet la réponse, et c'est tout aussi sèchement qu'il lui répondit, tendant l'oreille pour déceler le moindre indice pouvant de nouveau être perçu.

« Des cris humains. Vous avez sûrement dû en entendre d'autres... Peut-être plus habitué à celui des femmes, sergent ?

— Je te jure qu'à la fin de cette mission, tu as intérêt à déguerpir rapidement, rat des marais... »

Leake était bien trop concentré sur ce qu'il venait d'entendre pour prêter attention à l'orgueil égratigné d'un pseudo gradé. Des hurlements dans les marais, il en avait entendu de toutes sortes. Des rires, des gars embourbés jusqu'au cou, ou en train de se faire boulotter par un groupe de feulagres. Mais ceux-là étaient d'une nature à hérisser le poil. Des personnes étaient en danger.

« Sergent, j'pense qu'votre chasse touche à sa fin. Y'a pas beaucoup de bestioles qui attaquent les humains chez eux. Vu où on est, j'me dis que c'est justement les pêcheurs dont j'vous ai causé qui dérouillent en ce moment. Leake fronça ses épais sourcils, signe d'une inquiétude apparente.

— Alors qu'est-ce que vous attendez ? Amenez-nous-y tout de suite ! » lui intima le sergent.

La requête n'amenait aucune réponse de sa part. L'ordre était clair, et il était en accord avec celui-ci ; pour une fois que le sergent agissait avec clairvoyance. Aussi, Leake ne perdit pas une seconde et guida les soldats du mieux qu'il le pouvait à travers ce terrain traître. Soudain, il ralentit le pas. Il avait cru apercevoir quelque chose dans la pénombre. Il se savait tout proche du camp, mais ne pouvait voir que des formes estompées. Le pisteur se retourna pour faire signe au sergent de ralentir et de s'accroupir.

« Éteignez vos loupiotes, leur souffla-t-il.

Leake était concentré plus qu'à l'accoutumée. Quelque chose d'étrange avait lieu ici. Il le sentait. L'air était saturé d'une odeur de charogne qui lui donna des haut-le-cœur. Les cadavres en putréfaction n'étaient pas rares, mais cette fois-ci, on aurait dit qu'un charnier se trouvait devant eux. Autre fait que le pisteur avait remarqué, était ce silence qui les accompagnait depuis un certain temps déjà. La nature s'était tue, pour une raison qui lui échappait encore.

Subitement, le groupe tressaillit lorsque des cris de déments tranchèrent leurs esprits. C'était une véritable déferlante de douleur qui venait les frapper de plein fouet depuis l'obscurité les devançant. Aucun doute possible, un événement terrible se déroulait sous leurs yeux voilés par l'obscurité.

Ils s'avancèrent très lentement, prenant mille précautions à ne faire aucun bruit. Peu à peu, les formes se faisaient un peu plus nettes, sans pour autant être clairement identifiables. Des personnes semblaient à genoux, alors qu'une silhouette surplombait les autres et procédait en apparence, à une séance de torture. Et soudain, plus rien. Les hurlements se turent.

Leake se retourna pour échanger un regard inquiet avec le sergent. La suite était tout simplement hors de ses compétences. Tous le regardaient, dans l'attente des prochaines directives. Ruffen jeta un regard à Ronan, portant la main au niveau de sa gorge puis la fit glisser le long de sa gorge. Le petit groupe de soldats opérait ensemble depuis des années, et l'archer comprit immédiatement ce qui lui était demandé. Il s'avança et devança Leake, l'arc tendu et prêt à tirer. Il prit une profonde inspiration ; sa concentration atteignait son paroxysme. Ronan souffla lentement puis ajusta son tir avant de lâcher la corde. Il n'attendit pas de savoir s'il avait réussi à faire mouche, qu'il encocha une deuxième flèche et tira de nouveau. Ce n'est qu'au bout de la cinquième qu'il s'arrêta.

Le prince de l'oubliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant