II.3 Aigreur d'estomac

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« Fallor ! Il y a urgence ! On a besoin d'Yvèle immédiatement. Bern a été récupéré dans un état catastrophique aux portes principales !

— Bern ? Du campement vaseux ?

— Ouai, c'est lui ! Il s'est passé un truc, il a complètement déliré avant de tomber dans les vapes.

— Par la Déesse, faites-le entrer ! »

Sumka avait entendu ses parents descendre à toute allure les escaliers afin de comprendre ce qu'il se passait. La voix de sa mère ne lui était pas encore parvenue, ce qui n'avait rien d'étonnant en soi. Femme au stoïcisme hors normes, son métier de médecin du village l'avait amené à gérer avec calme les situations de crise les plus critiques, et c'est avec cette formidable capacité qu'elle gérait ce nouvel événement : du calme, de la discipline, de la rigueur et un sens de l'observation aiguisé. Lorsque l'enfant revint à ce qui le préoccupait en premier lieu, il fut surpris de découvrir la ruelle complètement vide. Ce qu'il avait vu n'était plus qu'une ombre fugace vivant au cœur de son esprit. Seul un regroupement d'individus, curieux et inquiets, attendait au pied de sa maison. Il se leva et pris soin de se glisser au sol sur la pointe des pieds. Il savait par avance que ses parents l'enverraient immédiatement se coucher s'il était découvert, c'est pourquoi il avança à pas de loup, prenant un soin précautionneux à ne pas faire grincer la porte en l'ouvrant. Par chance, son père ne l'avait pas parfaitement refermée, ce qui était un gage supplémentaire à sa discrétion. Tout doucement, il se faufila jusqu'à la descente d'escalier, et se mit à épier la conversation des adultes.

« Ce n'est pas possible, qu'est-ce qui a bien pu le foutre dans un état pareil... Tu as remarqué ses mains ? » le garçon reconnut la voix masculine de celui qui avait amené la victime, c'était celle d'Olaron.

« Yvèle, tu as déjà vu ça ? Sur tous les patients que j'ai vus passer entre tes mains, jamais ils n'avaient de telles marques... le ton de Fallor était dubitatif.

— Non... Je dois t'avouer que c'est une première pour moi. Je ne sais pas s'il va s'en tirer. Fallor, va me chercher une bassine d'eau chaude, un seau vide et fais chauffer à blanc les ciseaux d'ouverture. Olaron, qu'a-t-il dit dans ses délires ?

— Je n'en sais trop rien ! C'était complètement fou. La douleur a dû lui faire perdre la boule...

— C'est important, ça m'aidera peut-être à comprendre ce qui s'est passé.

— Il a parlé de bestioles. Plein de bestioles, en fait. Il a dit que ça grouillait de partout, et quand il avait allumé en catastrophe la lampe à combustion, après avoir entendu les autres hurler, il avait vu des choses descendre le long des murs et du plafond. C'est tout ce qu'il a beuglé dehors avant de s'effondrer.

— Ça ne nous aide pas vraiment. Il a le teint pâle comme la mort... Tu as vu ses yeux ? »

Elle se pencha sur le malheureux Bern dont la respiration devenait de plus en plus difficile. Un sifflement perturbant s'échappait de ses poumons. Olaron affichait une mine dégoutée alors qu'Yvèle ouvrit de force les paupières du mourant. Ses pupilles étaient totalement révulsées et un réseau de veines noirâtres parcourait le blanc de ces derniers. Soudain, la victime tressauta et se mit à tousser avec force. Bern, qui était étendu sur une table, se redressa d'un rapide mouvement et se mit à cracher du sang.

« Bordel ! Fallor !!! C'est pour quand !? hurla-t-elle sur son mari.

— Me voilà ! Les ciseaux chauffaient, je ne pouvais pas... »

La femme arracha les ciseaux des mains de Fallor, tandis que ce dernier se rua dans l'arrière-salle chercher le restant du matériel.

« Olaron, s'il bouge trop pendant que j'exerce, ça sera une vraie boucherie !

Le prince de l'oubliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant