Boss Games [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]

Chapitre 3.3

"Feel like I'm destined
I don't need no Smith & Wesson, no
Girl, who you testin'?
Fuck a Scantron, here's your lesson, oh
Knife in intestine"
~ Moonlight ; XXXTENTACION

- Vous savez quoi, dit-elle paniquée, je vais appeler cette ingrate de Simms, mais s'il vous plaît ne me virez pas ! J'ai bien trop besoin de ce travail !

Je n'ai pas prononcé un seul mot, je ne pensais pas que ce serait aussi simple ! Un coup de poing, un joli hématome demain mais en contrepartie, la meilleure avocate qui soit. Autant dire que le jeu en vaut potentiellement la chandelle.

Sans que je n'aie besoin de prononcer une seule parole, Grace fouille dans son sac à main et en sort son téléphone portable. Ses mains tremblent tellement qu'elle manque de faire tomber son téléphone à plusieurs reprises, si bien que je suis à deux doigts de lui dire que je n'ai pas l'intention de la licencier.

Ethan a grandi dans les quartiers les moins fréquentables de New-York, entouré de gangs et malfrats en tout genre. Il me l'a dit, dans ce genre de lieu, se battre n'est plus une option, mais une nécessité. On peut éviter les problèmes, fuir les personnes les plus dangereuses ou ayant les moins bonnes influences, on ne peut pas empêcher les gens les plus malveillants de nous agresser. Il faut constamment être sur ses gardes et ce sont des réflexes qui perdurent. Même Ethan garde ce genre d'automatisme.

Je ne la congédierai pas pour avoir eu peur de mon intervention, j'ai autant de torts qu'elle. Toutefois, elle n'a pas besoin de le savoir. Je suis un homme égoïste qui fait toujours passer ses avantages avant ceux des autres, davantage encore lorsque ma réputation et celle de mon club sont en jeu. Si cette situation me permet d'arriver à mes fins, alors qu'il en soit ainsi, je préfère lui cacher ma compréhension que de perdre l'opportunité d'avoir une aussi grosse pointure que Simms dans mes rangs.

Après avoir fureté dans son téléphone, Grace plaque ce dernier contre son oreille une expression anxieuse dessine les traits de son visage. Elle glisse son pouce entre ses dents et ronge les peaux qui entourent l'ongle en faisant les cent pas devant moi.

- Bonsoir Maître Simms, je suis navrée de vous déranger à une heure aussi tardive.

D'ici, j'entends pratiquement la voix de Simms, dure et méprisante, hurler dans l'oreille de Grace qui décolle son téléphone de son oreille. Elle se mord la lèvre alors que sa mine auparavant anxieuse tourne à l'énervement.

- Je comprends Madame, mais j'ai un dossier à vous soumettre... Je sais qu'il ne s'agit pas de mon travail, mais... Bon ça suffit !

Les derniers mots sont pratiquement hurlés. Un instant, j'ai l'impression que Grace va s'excuser, mais l'expression de son visage change une nouvelle fois. Plus aucune émotion ne traverse les traits parfaits de son visage. Néanmoins une étincelle de détermination brille dans ses yeux pers alors qu'un fin sourire mêlant l'arrogance avec la dureté étire ses lèvres.

- Ecoutez moi bien Maître Simms, voilà des mois que je ne rétorque jamais à vos remarques acerbes plus que récurrentes. Bien que votre carrière soit admirable et vos compétences reconnues, vous n'en êtes pas moins qu'un être méprisable. Maintenant, si vous ne souhaitez pas que je contacte votre époux afin de lui faire part de vos rendez-vous hebdomadaire avec Monsieur Douglas, je vous conseille vivement de vous présenter demain à neuf heures au commissariat de Staford pour assurer la représentation de Monsieur Gabriel Miller. Je vous en remercie par avance. Bonne soirée, Maître.

Sans tergiverser, Grace raccroche, essoufflée par sa tirade et sort de nouveau une cigarette de son sac. Je ne sais pas ce qui lui a pris, mais la réputation de Simms la précède : rien ne l'effraie. Alors qu'elle cède aux propos d'une petite stagiaire pour une histoire de tromperie ? Je n'y crois pas.

Ce genre de femme, bien que je ne la connaisse que de notoriété, n'est pas du genre à céder aux ultimatums, au contraire. Quelque instant plus tard, son téléphone émet une sonnerie, comme à la réception du message. Alors que je pense tous mes espoirs enfouis, un nouveau sourire, cette fois enclin à la fierté, se dessine sur les lèvres de Grace.

- Vous avez une nouvelle avocate, Monsieur Miller.

Je l'observe, un sourcil haussé, surpris. Grace détache ses cheveux avant de passer sa main dedans.

- Ne soyez pas surpris, Monsieur, ça aurait pu ne pas fonctionner. Je sais simplement que Simms aime que ses collaborateurs ne lâchent rien, quitte à utiliser des coups bas. Cette femme me fait faire des photocopies et du café à longueur de journée lorsque je ne note pas ses rendez-vous, je connais sa vie professionnelle sur le bout des doigts. C'était un coup de poker qui, je ne sais par quel miracle, a fonctionné.

- Vous auriez pu perdre votre stage.

- C'était une possibilité en effet, mais je préfère perdre un stage non rémunéré qu'un travail qui me permet de poursuivre mes études.

Je l'observe, stupéfié. Elle est en stage dans le meilleur cabinet d'avocat de la ville, si ce n'est de l'Etat, et pourtant, elle vient de tout risquer... pour moi. Cette jeune femme est folle à lier.

Un léger sourire étire ses lèvres alors qu'elle plonge son regard dans le mien. Maintenant, elle le sait autant que moi, je lui suis redevable d'un service, davantage encore si Simms parvient à tuer le poussin dans l'œuf, ce qui, en soit, me semble faisable pour une avocate de son niveau.

- Je vous souhaite une bonne soirée, Monsieur. À demain.

- Permettez-moi de vous raccompagner, une jeune femme ne devrait pas se balader seule à cette heure.

- Comme vous avez pu le constater, je n'ai besoin de personne pour me défendre, Monsieur.

Je ne parviens pas à retenir un léger rire. En effet, elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la main, mais je n'aime pas laisser mes employées repartir seule du club, surtout à une heure aussi tardive.

- Bien, faite attention à vous, Mademoiselle O'Brien.

- Passez une bonne nuit, Monsieur. Et encore désolée pour le coup.

Sans attendre une éventuelle réponse de ma part, Grace tourne les talons alors que je reste quelques minutes comme un con sur le trottoir à la regarder marcher, un sourire aux lèvres.