IL pleuvait cette nuit-là, Takeshi avait encore une fois du mal à dormir. Mais en se rendant sur le perron, il remarqua rapidement que sa fille était elle aussi sujette à ses insomnies. Hatoko préférait habituellement rester dans sa chambre et cela l'étonnait de la voir avec un bouquin en main. Et bien qu'ils aient fait un pas vers l'autre, le père de famille ne savait pas vraiment s'il devait lui tenir compagnie. Il avait également peur de faire des erreurs, d'être maladroit avec elle et c'était ce qu'il désirait le moins.
En la regardant de dos, avec comme seule lumière les rayons lunaires et l'éclairage légèrement tamisé de leur perron, l'image d'Hatoko lui sauta en plein visage. Elle n'était plus une enfant, mais bel et bien une jeune femme. Et cela arrivait à le rendre nostalgique, Isas se souvenait encore lorsqu'elle avait des difficultés à marcher seule. Elle tentait toujours de se débrouiller et refuser que sa mère l'aide à garder l'équilibre. Même à cet âge-là, Hato souhaitait s'en sortir sans le soutien de personne.
Sous ses yeux auburn remplis de douleur, sa fille grandissait et elle devenait une petite fille en recherche d'affection. Il détourna le regard par forcément prêt à se remémorer de cette époque déchirante, ce moment où ses peurs avaient clairement pris le dessus. En l'observant, il s'imaginait constamment qu'il allait la perdre. Qu'un jour ou l'autre, Hatoko allait être en danger par sa faute. C'était à ce moment-là, alors que sa fille n'était âgée que de trois ans, qu'il décida de créer une distance avec elle. Tout d'abord infime, uniquement en tentant d'être moins câlin avec elle, enchaîner les heures de travail pour ne pas la voir.
Parce qu'à chaque fois qu'il croisait son regard, ses angoisses ressurgissaient et emprisonnaient son cœur.
Hatoko avait grandi trop vite. À l'âge de six ans, seulement, la petite blonde s'était armée d'une importante patience pour essayer de faire naître une complicité entre eux. Elle avait de nombreuses fois échouées, mais sans doute que son innocence l'obligeait chaque fois à revenir vers lui. Sa colombe grandissait, s'abimait, mais arrivait constamment à se reconstruire ses belles plumes. Et lui, il s'en voulait toujours pour tout ce qui se passait dans sa vie, le faite qu'il s'éloignait non seulement de sa fille, mais de sa femme aussi. Il ne parvenait plus à discuter, à sourire, il avait l'impression d'être celui qui mettrait en danger tout son entourage.
Et puis, son petit frère vint agrandir la famille et c'était peut-être à ce moment-là que l'aînée s'était profondément oubliée. Hatoko ne cherchait plus vraiment d'affections de la part de son père afin de protéger son frère, elle dansait aussi parmi les ombres et ne lui parlait que très rarement. Takeshi ne s'était pas rendu compte de suite du changement de comportement chez Hato, mais le jour où il vit que ses iris étaient aussi sombres que des abysses, il comprit qu'elle avait atteint le paroxysme de sa peine.
Leur relation était aussi douloureuse que la foudre, se heurtant continuellement contre leur cœur et faisant couler les larmes sur leur joue déjà bien meurtrie. Sans que personne le sache, Isas laissait sa souffrance surgir en pleine nuit, lorsque le soleil se couchait. Et plus d'une fois, il aurait souhaité s'excuser auprès de sa fille, lui révéler la raison de son mal-être, mais les mots bloqués. Et certaines personnes, notamment des héros commençaient à se demander s'ils appréciaient réellement ses enfants.
Il aurait voulu leur hurler que découvrir ses larmes couler sur les joues de sa fille le détruisait, voir que son fils n'osait jamais lui montrer ne serait ce qu'un seul de ses dessins l'anéantissait, mais il avait peur de le dire. Parce qu'à ce moment-là, il pensait véritablement que c'était trop tard. Et même lorsqu'Hatoko lui avait révélé qu'elle espérait, devenir superhéroïne n'avait pas arrangé les choses.
Il releva le regard vers sa fille qui semblait s'être assoupi depuis un moment. Elle n'avait pas du le voir, ou peut-être qu'elle n'avait pas risqué de l'appeler. Isas s'avança prudemment vers elle, constatant que sa position allait lui causer des douleurs notamment au niveau du coup le lendemain. Il s'assit à côté d'elle avant de placer sa tête sur ses genoux, ces gestes, il ne les avait jamais faits antérieurement. Ceux-ci partaient d'une bonne attention, mais il restait tout de même légèrement maladroit.
Caressant doucement ses cheveux, il remarqua un peu plus que sa fille n'était plus une enfant. Mais, elle avait enduré, encore et encore sans se préoccuper d'avoir une enfance innocente et dépourvue de problème. Hatoko n'avait jamais confronté son père face à ses erreurs, elle préférait croire que cela était uniquement de sa faute. Et cela l'avait déchiré le cœur, ils vivaient tous les deux dans une profonde souffrance.
Takeshi pouvait apercevoir une de ses cicatrices ornant son épaule. Elle se dessinait sur sa peau l'énervant un peu. Il pleuvait toujours et Isas ne pouvait s'empêcher de penser qu'il aurait dû la protéger. Ses marques aussi infimes soient-elles, lui rappeler inconsciemment que c'était elle qui s'était fait du mal pour le retrouver. Une goutte de pluie tomba sur cette marque, sur cette cicatrice que sa fille gardera à vie.
Les joues d'Isas étaient, elles, aussi trempées pourtant, il ne semblait pas y prêter attention. Que ce soit Hatoko, Shizuko ou Kenshin, tous les trois étaient restés pour le sauver, pour l'aider et ils leur devaient tout. Il jeta un œil à son alliance et ne put s'empêcher de se dire qu'il arrivait de loin. Lui aussi avait dû faire face à des souffrances qui restaient ancrées en lui encore aujourd'hui. La mort, le jugement, le héros s'était plus d'une fois demandé si ce métier était fait pour lui.
Cependant, alors que la pluie n'était en réalité que des larmes depuis le début, il venait de trouver un nouvel objectif. Un héros devait sauver n'importe qui, peu importe son passé, ses erreurs et ses réussites, cela, il le savait. Mais, la personne qu'il voulait tenir loin d'une quelconque souffrance n'était pas n'importe qui.
Dormant sur ses cuisses, sa respiration lente et apaisée, sa petite Hatoko sera à jamais une enfant à ses yeux, et elle aura toujours derrière elle l'ombre de son père pour pouvoir la sauver.
VOUS LISEZ
Kiarosukūro | [MHA Fanfiction] [Terminée]
Fanfiction'C'est quoi une vie d'homme ? C'est le combat de l'ombre et de la lumière. C'est une lutte entre l'espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur' - Aimé Césaire Isas. Un nom oublié, enfoui dans l'obscurité depuis des années. Quelques souve...