Chapitre 7

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Poséidon fit réveiller sa fille dès les premières lueurs maritimes. Il n'était plus jamais venu la réveiller lui-même depuis la mort de Narissa, sans doute à cause du fait qu'elle ne chantait plus devant la fenêtre pour réveiller leur "petite perle des océans" comme ils l'appelaient. Ursula n'avait plus jamais entendu ce surnom bien qu'elle ne l'avait pas oublié pour autant.

"Votre majesté, votre père vous demande dans l'aile ouest du château dans les plus brefs délais. Il s'agit là d'un ordre royal de la plus haute importance, alors dépêchons !"

brrr ... la femme de chambre l'exaspérait depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne. Mais bon, une princesse se devait de suivre les ordres à la lettre sans sourciller. Si seulement elle pouvait retrouver la joie de ses escapades matinales avec sa mère et Stefan ! Comme elles lui manquaient... Son petit coffret où elle dissimulait les récoltes de ses promenades commençait à dépérir, des algues poussaient dessus et la couleur passait. Elle l'ouvrait cependant à des dates spéciales : lors de son anniversaire et celui de sa mère... et l'anniversaire de sa mort. Elle ressortait alors tous les objets et restait des heures à les contempler un par un, se rappelant des circonstances exactes dans lesquelles l'objet en question avait été trouvé. Il restait cependant dans un petit boitier une place de choix : celle qui attendait un objet d'autant plus spécial, le fabuleux collier qu'elle avait trouvé en ce jour si funeste et déjà si lointain. Ursula n'avait pas oublié la promesse qu'elle s'était faite devant le linceul de sa mère : un jour elle le retrouverait. Mais comment faire ? sa mère lui avait bander les yeux sur le chemin et elle était restée inconsciente au retour. Sans oublier le fait qu'elle n'avais quasiment plus le temps pour aller barboter tranquillement avec d'autres créatures marines.

"Mademoiselle, veuillez cesser vos rêveries immédiatement, le roi votre père vous attend, et vous savez fort bien qu'il a le retard en horreur, alors dépêchez-vous de grâce !" s'exaspérait la nounou.

"Oui, oui me voilà..." Elle se dépêcha d'ajuster son diadème de corail vert scintillant sur sa longue chevelure d'ébène avant de lancer ses nageoires aux reflets violets vers la sortie.

"Je ne comprends pas, pourquoi l'aile ouest ? Je crois me souvenir qu'il s'agit là d'une salle d'entraînement pour nos soldats ?"

" Si votre Altesse voulait bien se dépêcher au lieu de tergiverser inutilement nous serions alors déjà arrivées et vous pourriez avoir au plus vite cette réponse, sur ce je vous laisse j'ai encore du travail à faire" et après une courte révérence elle tourna ses nageoires jaunâtres dans la direction opposée, vers les jardins royaux. La jeune sirène se demandait si cette bonne femme avait toujours été aussi acariâtre ou si son caractère s'était empiré avec l'âge. Il faut dire qu'avec ses cheveux gris, sa peau ridée et ses chignons serrés, la nounou semblait aussi vieille que sévère.

Ursula entra alors dans la salle d'armes du palais. Elle n'avait pas pour habitude d'y aller et préférait largement se faufiler dans la salle du trésor royal où se trouvaient quantité d'objets surprenants, comme ce joli bracelet vert d'algues et d'émeraudes qui, selon certains mythes, donnerait forme humaine à celui qui le porte. La salle d'armes était froide et inhospitalière, on y voyais des répliques du trident royal ( ceux-ci ne servant qu'à embrocher quelque sardine passant par là) des glaives, des cottes de mailles et autres bizarreries que le peuple de la mère avait subtilisé aux humains pour mieux se défendre.

La voix de son père surgit en résonnant "Eh bien mon enfant mieux vaut tard que jamais ! veillez à être à l'heure la prochaine fois" 

" Vous n'avez pas l'air très matinal père, avez-vous passer une mauvaise nuit ? Et enfin pourquoi me faire venir ici ?" dit la princesse en une révérance.

"il suffit avec vos questions ! Votre rôle est d'écouter ce que l'on vous dit et ce sera encore le cas tant que je serais à la tête des océans. Si je vous ai fait venir c'est pour une raison des plus importantes : il est temps pour vous mon enfant, que vous appreniez à magner l'art de la magie"

"Mais mère disait que la magie n'était utile que lorsque nous en avions réellement besoin et qu'on ne devrait pas en abuser... Pas comme vous avez pris l'habitude de le faire en tout cas"

Le roi avait en effet pris cette habitude de ne jamais se séparer de son trident. Il s'en servait à tout va même contre les gardes parfois. Il se servait même de celui-ci pour prendre forme humaine et se rendre à des réunions diplomatiques sur la terre ferme. Ursula quant à elle n'était plus montée à la surface une seule fois depuis, son père le lui interdisant formellement, jugeant le monde humain trop dangereux pour une petite sirène comme elle. Cela avait sans doute encore plus forcé le sentiment de rébellion dû à l'âge de la princesse adolescente.

"Tenez, prenez mon trident et servez-vous en comme bon vous semble, il vous suffira de penser à ce que vous voulez qu'il fasse et il le fera pour vous. Souvenez-vous le trident n'obéit qu'au souverain des océans et à sa descendance, il vous reviendra alors de droit lors de votre couronnement en tant que reine et à vos enfants par la suite."

Il lui mit alors le trident dans les mains et celle-ci manqua plusieurs fois de vaciller sous le poids du trident en argent.

"Mais père il est si lourd je n'arrive pas à le magner ! vous n'auriez pas un modèle plus petit ?"

"Non Ursula il est temps que tu prennes ton rôle de princesse à coeur ! Rend-moi fier de toi pour une fois !"

"Comment...? Vous n'êtes donc jamais fier de moi...?" Le trident réagi à ses émotions et propulsa une vague de pouvoir directement sur le roi, le mettant au tapis instantanément. Ursula profita de cet instant pour lâcher le trident et fuir, loin, apeurée et vexée.

Le Chant de la SirèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant