Chapitre 21

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Silence. Le seul son que l'on pouvait entendre était celui-ci. Le silence. Il était pesant, Ursula sentait son poids sur ses épaules. Elle était assise sur le rebord de sa fenêtre. Au loin, elle pouvait deviner les premiers rayons du soleil. Personne ne nageait aux alentours, pas même un crustacé ne sortait d'entre les rochers. Rien ne semblait bouger non plus à l'intérieur du palais. Tout faisait ressortir le deuil.

Deux jours maintenant s'étaient écoulés depuis la tragédie du festival, chaque victime avait eu droit à des obsèques spéciales : le roi lui-même prononçait un discours pour chacune des victimes tandis qu'Ursula, voilée de cet horrible tissu noir, chantait un chant de cérémonie différent à chacune d'entre elles. Chaque note la faisait souffrir, car elle avait l'impression que c'était de sa faute si toutes ses personnes avaient trouvées le repos éternel.

D'ordinaire, elle aurait chanté pour évacuer toute cette mélancolie, mais le chant était à l'origine de cette oppression funeste. Elle alla ouvrir sa malle et sortit un à un tous les objets qu'elle avait récolté en les nettoyant et se remémorant comment ils avaient atterris dans sa collection. La mémoire était la possession la plus importante pour un être vivant, lui avait un jour enseigné sa mère. Elle lui contait souvent l'exemple de sa rencontre avec son père, laquelle lui permettait d'adoucir n'importe quelle dispute entre eux. Ils se mettaient alors à rire ensemble en parlant du passé, de tout et de rien, comme un vrai couple d'amis soudés. Son père lui disait souvent qu'avant d'être une épouse, sa femme était une amie.

Aujourd'hui, ce n'est sans doute plus le cas. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où ils avaient parlés de sa mère ensemble; ni même de la dernière fois où ils eurent un moment de réelle complicité ensemble. Autre que les affaires royales et les cours de magie, ils ne partageaient rien ensemble. Lors de ses anniversaires, c'était la nourrice qui choisissait un cadeau pour la princesse. Il est même arrivé que son père ne soit pas présent avec elle certaines années.

Inconnus. Voilà ce que le temps avait fait d'eux, de parfaits inconnus. Ils ne connaissaient pas les hobbies de chacun, Ursula n'était même plus sure de la couleur préférée de son père. Il ne connaissait pas la sienne non plus d'ailleurs. Savait-il seulement son âge ? Elle n'en était pas sûre. Elle n'était plus sûre de rien.

Elle regarda son pendentif, elle avait enfin réussit à retrouver l'objet qu'elle avait jurer de retrouver il y'a de cela des années... Alors pourquoi se sentait-elle aussi vide ? Aussi... invisible, presque inexistante ? Elle était pourtant la princesse de tous les océans, destinée à régner un jour, alors elle était vraiment quelqu'un ! Mais cette future reine que tout le monde voyait, ce n'était pas elle.

Ursula. Ce n'était même pas son vrai nom, juste un nom volé à quelqu'un d'autre. La fameuse Déesse des océans. Elle ne serait jamais elle. Mais qui était-elle ? On ne la définissait que par son nom ou par son titre, elle ne se rappelait plus qui l'avait déjà appelée par son prénom en dehors de son père. Quand elle était petite, elle jouait avec tous les enfants de l'école et personne ne la traitait comme une princesse. Sa mère venait la chercher tous les soirs comme l'aurait fait n'importe quelle maman avec son enfant. Comme cela lui manquait...

Elle ne se souvenait même pas de qui avait été son dernier ami. Après la mort de sa mère, elle avait directement suivis des cours au palais et avait pour seules compagnies sa nounou et les soldats alentours. Ceux-ci n'osaient que rarement lui adresser la parole, par timidité ou par peur peut-être. Pas d'elle, mais de son paternel. Elle se souvint alors d'un assez beau triton incandescent en uniforme, celui-là même qui l'avait sauvé une fois. En fait elle se souvint, son dernier ami c'était lui.

Elle soupira. Elle était de nouveau prisonnière de son palais. Elle ne connaissait pratiquement rien du monde extérieur, que ce sois sur terre ou sous la mer. On ne lui apprenait que les principes de la royauté et les bonnes manières mais elle en voulait plus. Elle avait soif d'apprendre, de découvrir, de s'émerveiller devant les beautés du monde. Bien que celui-ci soit cruel, elle considérait qu'il fallait apprendre de cette cruauté et hausser la tête face à tout. Il s'agissait là d'une des façons de penser que lui avait appris sa mère. Elle savait tant de choses, elle aurait aimé qu'elle soit là pour lui conter des histoires, allant du romantisme à l'aventure, et de la recherche à l'Histoire...

Son père lui, pouvait voyager partout, sur terre ou dans les mers, il pouvait partir voyager durant des mois et découvrir plein de choses. Elle, devait rester là, assise bien sagement, à chanter pour s'occuper. Cela n'était pas réellement un problème, elle adorait chanter; mais elle aurait aimé pouvoir chanter pour TOUT le monde. Elle aimerait pouvoir égayer les coeurs endoloris par une douce mélodie, assouplir le travail des gens en chantant, donner du courage par le biais de quelques notes...

Le collier d'incanta lui permettait de faire tout ceci, mais elle n'avait personne à qui faire profiter de son talent pour la chanson. Alors, elle eut un éclair de génie ! Si sous la mer, elle ne pouvait pas faire ce qu'elle désirait, elle n'avait qu'à le faire autre part... Et un certain bracelet lui permettrait de trouver facilement cet autre endroit où elle pourrait s'épanouir !




Le Chant de la SirèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant