Chapitre 8

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Ursula s'enfuit donc à toutes nageoires, alla chercher son propre cheval des mers et partit avec lui, sans savoir où. Elle se rendit très loin, jusqu'à un bateau ayant fait naufrage. Il s'agissait là d'une immense carcasse noire, détériorée par son naufrage et par le poids des années, il devait cependant posséder encore quelques objets à découvrir et à ramener dans son coffre. Elle regretta de ne pas avoir pris sa sacoche dans la précipitation, elle avait là une chance inespérée de refaire une chasse aux merveilles comme elle n'avait jamais pu en refaire depuis. Elle attacha son hippocampe autour du mât du navire. Ce dernier avait été englouti par les flots et on aurait pu jurer qu'il avait été irradié comme son père le faisait avec sa magie. Ce naufrage était-il son œuvre ? Le mât avait été brisé en deux comme foudroyé lors d'une de ces tempêtes que déclenchait son père ... Mais pourquoi aurait-il fait cela ? D'ordinaire, ses tempêtes ne servent qu'à éloigner les marins de leur récif de corail pour maintenir la paix du peuple marin mais il ne fait pas sombrer les navires. Ursula reconnut cependant la forte pression des vagues sur la coque du bateau et d'autres endroits étaient foudroyés. On pourrait croire qu'une créature de l'enfer avait déchaîné sa colère ici.

Bien sûr pour cela, il aurait fallu que l'enfer exista ce qui, pour une sirène n'avait aucun sens puisqu'elles pouvaient vivre durant de nombreux siècles avant de rejoindre l'écosystème de l'océan. Toutes ces histoires d'enfer et de paradis ne sont que de simples fictions imaginées par les Hommes pour mieux combler leurs différentes peur et se donner bonne conscience, son père s'amusait à lui conter ces quelques fadaises sur le peuple de la terre lorsqu'il rentrait en mer après un voyage terrestre. Il lui arrivait même de ramener encore des armes ou d'autres outils étranges dont elle ignorait la provenance exacte tout comme leurs noms ou leurs utilités. Elle continua son examen minutieux du navire et réussi à ouvrir la cale avec un morceau de la coque du bateau. elle s'engouffra péniblement à l'intérieur, "Mais comment les humains réussissent-ils à vivre dans des endroits aussi étroits où l'on peut à peine étendre ses nageoires ?"pensa-t-elle. Elle ne trouva cependant rien d'intéressant, comme si le navire avait déjà été découvert et saccagé par quelqu'un d'autre.

Elle remonta alors sur le haut du bateau et ses yeux s'arrêtèrent sur un petit détail. Un petit détail qui la tétanisait pourtant sur place. Tous ses souvenirs revinrent de force en elle et elle avait l'impression de revivre cette même peur atroce, et d'entendre à nouveau tous ces bruits assourdissants venant à elle, elle revoyait alors le visage tétanisé de sa mère et le visage impassible de Stefan, qu'elle avait presque oublié jusqu'alors. Elle ne pouvait plus lutter contre ses souvenirs et sa douleur, si bien qu'elle manqua de s'évanouir.

Là, sous son nez, à quelques brasses de sa nageoire frigorifiée gisait un étendard de couleur noire avec un crâne brodé dessus. Ce pouvait-il que ce fut celui-là même qu'elle avait aperçut avant de tomber de son rocher ? Se pourrait-il que ce soit ce même bateau qui soit responsable de la mort de sa mère ? Ursula s'effondra contre la paroi du navire et pleura. Elle pleura comme elle n'avait jamais pleuré depuis des années. Elle resta des heures durant, paralysée par l'assaut de ses souvenirs douloureux et traumatisants pour la pauvre petite fille innocente qu'elle était à l'époque.

Le Chant de la SirèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant