Chapitre 10

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Meng.

Il nous dépose juste devant le perron et nous filons en vitesse après l'avoir remercié, ignorant les regards sur nous. J'aurai préféré me faire discret ici mais bon, avec le phénomène Issam ça n'aurait sûrement pas été possible de toute façon. Même les premiers mois ici, ses amis me connaissaient déjà, je venais dès que je pouvais alors j'avais déjà fait deux soirées avec eux et si j'ai bien suivi, il passait son temps à parler de son frère adoré.

Oui parce-que lui est moi c'est bien plus que de l'amitié, c'est de l'amour fraternel. On a grandi et vécu ensemble, ce n'est pas étonnant. Nous arrivons devant la porte et nous nous plantons devant celle-ci sans oser toquer. Nous avons été convoqués par l'administration et ce n'est jamais bon signe, ils ont dit que cela concernait Issam mais que ma présence était souhaitée, c'est encore plus mauvais signe. Nous serions déjà mis à jour ? Je n'espère pas.

« Tout va bien se passer, je suis sûr qu'on s'imagine juste des trucs, relativise Issam.

- T'as raison, allons-y. »

Nous toquons et on nous invite aussitôt à rentrer, nous obtempérons et avons la mauvaise surprise de tomber face à une belle tablée. Je reconnais deux membres du conseil d'administration qui m'ont aidé avec mon dossier, notre professeure d'option préférée madame Richemont et un autre professeur qui nous donne des cours magistraux. Il y a en tout sept personnes. Un peu stressés, nous nous triturons les mains debout, sans savoir quoi dire ou faire.

« Asseyez-vous les garçons, détendez-vous, nous ne sommes pas là pour vous ennuyer, nous rassure notre professeure d'une voix rassurante.

- Oui, réponds timidement Issam.

Nous nous asseyons face à eux, je déteste cette situation. Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre.

- Je pense que je vais être la porte-parole vue que je les connais mieux ? Du moins pour Issam puisque Meng est fraîchement arrivé.

- Oui, oui, vas-y, encourage un des conseillers.

- Vous savez que nous regardons soigneusement chaque dossier de nos étudiants ?

- Oui, confirme de nouveau Issam tandis que je reste muet.

- Puisque Meng est nouveau, nous avons étudié son dossier récemment et après vous avoir vu si proche ce jour-là, je me suis trouvée rassurer de voir qu'il avait déjà un ami ici. Nous pensions organiser des réunions avec vous deux et certains professeurs afin de remettre Issam à niveau, il semble avoir pris un peu de retard, et de permettre à Meng de combler son absence. Nous avons donc ressorti vos deux dossiers et tout ce que nous possédions sur vous.

Je sens le problème arriver. Dans notre dossier, il y a notre CV et nos occupations en dehors des cours, nous sommes obligés de les écrire et mentir reviendrait à prendre le risque de se faire virer si cela se sait. Ils savent donc qu'Issam possède un bar depuis ses seize ans, qu'il dirige depuis ses dix-huit, et que j'y suis employé officiellement. Prions pour qu'ils ne savent pas ce qu'il s'y trame.

- Nous avons donc appris que Issam possède un bar, dont il a hérité à la suite du décès de ses parents et que Meng l'aide à la gestion. Nous étions impressionnés et nous avons voulu en savoir plus... Ce fut ensuite une douche froide, je pense que vous savez pourquoi ?

Nous frissonnons. Son ton est amical, doux, on sent qu'elle veut notre bien et qu'elle refuse de nous brusquer. Les autres aussi ont plutôt l'air d'être là pour notre bien mais tout de même, je flippe. Et vu les tremblements du genou de Issam contre le mien, je ne suis pas le seul. Je pose une main apaisante sur sa cuisse bien que je sois aussi mal que lui.

- Nous savons, réplique-t-il simplement d'une petite voix.

- Nous aimerions en savoir plus, quelles sont vraiment vos activités, vos implications dans ces affaires ? Nous ne sommes pas la police, nous ne comptons pas vous faire arrêter ou vous renvoyer d'ici, nous voulons simplement aider.

Issam est bien trop crispé pour répondre, je m'éclaircis donc la voix et je décide de me lancer.

- Nous gérons le côté financier et administratif seulement, nous comptons vendre le bar, Issam ne voulait pas en hériter, il s'est retrouvé avec sans pouvoir rien y faire. Nous cherchons un bon acheteur et nous n'en trouvons pas pour l'instant c'est tout.

- Pourquoi ne pas tout simplement le fermer ? Avez-vous besoin de cet argent ?

- Si nous le fermons, les femmes et les hommes qui y vivent se retrouveront à la rue, ils n'ont nulle part où aller et la plupart ne sont pas là par choix. Nous les connaissons bien et depuis des années, nous ne pouvons pas les abandonner. Aussi, les parents d'Issam avaient emprunté de l'argent à la banque quand le bar traversait une mauvaise passe et nous avons donc besoin de rembourser avec les intérêts, ils sont assez élevés car les choses ont pris du retard après leur mort.

- Vous promettez que vous ne faîtes rien d'autre que de la gestion ?

- Il m'est arrivé d'exercer en tant que danseur remplaçant mais évidemment, seulement danseur, rien de plus et à de rares occasions. Issam, jamais. Nous ne faisons réellement que gérer les papiers.

- Je veux bien vous croire mais comment le prouver ?

- Si vous tenez vraiment à en être sûr, vous pouvez même venir voir par vous-mêmes, les clients habitués ne nous connaissent pas car nous sommes seulement dans les coulisses.

Mensonge, mensonge. Je m'épate moi-même de mon naturel.

- Nous n'irons pas vérifier, je crois en votre sincérité. Pouvez-vous tous les deux promettre que vous nous avez tout dit ?

- Je le promets.

- Je le promets.

Une promesse en l'air, une fois de plus. Je n'aime pas mentir mais il y a des moments où tu n'as pas le choix. Nous devons nous protéger. Protéger notre avenir.

- Ok, je vais vous demander de sortir, on va en parler un peu entre nous et puis on vous rappelle, d'accord ? Ne vous inquiétez pas.

- Oui, d'accord. »

Nous quittons la pièce, les jambes flageolantes et partons nous asseoir sur le banc le plus proche. Nous ne disons rien, trop ébranlés. Nous attendons juste de savoir. Ils avaient l'air à l'écoute et compréhensifs mais cela ne veut rien dire, on ne peut pas savoir s'ils nous croient. S'ils nous acceptent bien que nous puissions amener des troubles à la faculté. Car tout le monde le sait, dans le monde de la nuit, les choses dérapent très facilement et sans prévenir. 

Un amour entre deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant