I want it, I (don't) got it.

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Chères amies lectrices, chers amis lecteurs. Je vais vous conter ce soir l'histoire de Maya, une jeune fille fraîchement arrivée en classe de première, des étoiles pleins les yeux, commençant à s'assombrir...

Ce soir était un soir comme les autres, ou peut-être pire. Peut-être même était-ce l'un de ces soirs, ces fameux soirs où elle broyait du noir, se laissant aller au désespoir...

Maya était une personne joyeuse de nature, du moins, c'est ce qu'elle s'efforçait de montrer aux gens de son entourage. Se plaquer un sourire heureux sur le visage, et répondre systématiquement "ça va" à la question vide de sens et devenue bateau "comment vas-tu ?". Pour éviter les questions. Car après tout, avons-nous seulement déjà entendu quelqu'un répondre le plus honnêtement du monde "non, ça ne va pas" ?

Ce soir comme les autres, ou peut-être pas, Maya s'était assise à son bureau, et laissait ses pensées divaguer où le flot pouvait les emmener. Maya avait cruellement besoin de s'évader de cet étau qu'était devenu sa vie, mais comme il lui était impossible d'en parler à qui que ce soit, la seule solution qu'elle avait trouvé était de se libérer par l'écrit. Un carnet, un stylo, un premier mot, puis un déferlement incessant et indomptable. Quand elle reprenait son souffle et observait les pages recouvertes d'encre bleue et qu'elle semblait soulagée, satisfaite, elle refermait le carnet doré et le rangeait dans le dernier tiroir de son bureau.

Vous vous demandez sûrement ce que Maya traverse, pour être dans un état pareil -et quel état ! La réponse la plus sincère, la plus simple, et la plus vraie, assurément celle que vous donnerait Maya elle-même, serait "la vie". Connaissez-vous le dicton "la vie n'est pas un long fleuve tranquille" ? Et bien Maya en fait les frais... Elle m'a d'ailleurs confié avoir modifié ce proverbe, pour se l'approprier. Il serait donc devenu "la vie est un sacré tas de merde". Vous avez quatre heures.

Ce soir comme les autres, ou peut-être pas, Maya ruminait, assise sur sa chaise. Maya pestait, silencieusement, et se battait en son fort intérieur contre le pessimisme qui lui collait à la peau depuis un moment. Il s'était un jour, il y a déjà quelques années, infiltré en elle, s'était immiscé au plus profond d'elle-même, s'agrippant à chaque fibre de son être, chaque cellule de son corps. Et depuis, il n'avait pas bougé. Il avait grossi, grandi, s'était imposé, et prenait bientôt plus de place que son espoir dans ses pensées.

Maya souffrait. Chaque jour. Mais parfois, elle oubliait. Elle oubliait, car la vie semblait lui offrir un instant de répit. Comme une bouffée d'air frais dans une journée. Une discussion avec une amie proche, un message d'un ami fort apprécié, un rayon de soleil en plein hiver, un sujet intéressant étudié en classe. On nous le dit souvent, un petit rien peut vraiment changer la donne. Et ça, Maya l'avait très bien compris...

Ce soir comme les autres, ou peut-être pas, Maya écrivait. Les mots défilaient, sans qu'elle n'ait réellement le temps de réfléchir. Elle n'avait pas repris sa plume depuis quelques temps déjà, occupée entre les cours, ses différents projets, et son quotidien de lycéenne. Seulement, à force d'accumulation, la jeune fille était fatiguée. Fatiguée de porter sur ses épaules des responsabilités d'adultes qui lui avaient été confiées dès son plus jeune âge, par obligation. "parce que c'est la vie". Parce qu'on avait pas le choix...

Maya se retrouvait pour la première fois de sa vie face à un dilemme atroce. Ce dilemme, certains y ont déjà fait face, d'autre y feront face bientôt. Cette étape décisive, cette décision qu'on nous place entre les mains, alors que nous ne sommes âgés que de quinze ans. Cette grande question, souvent effrayante, "que veux-tu faire plus tard ?". La jeune fille avait dépassé depuis quelques années déjà le cap de l'incertitude. Décoratrice d'intérieur, écrivaine, police scientifique, professeure de langues, psychologie criminelle, bibliothécaire. Son conseiller d'orientation en avait vu de toutes les couleurs, mais avait décidé de ne pas lâcher la jeune fille. C'était le début d'une grande aventure, née dans un silence le plus complet...

Ce soir comme les autres, ou peut-être pas, Maya réfléchissait. Son cerveau marchait à toute allure, et en même temps au ralenti. La jeune fille était tiraillée entre espoir et abandon. Maya n'était pas le genre de personne à baisser les bras, c'était comme une force de la nature. Une adolescente qui avait surmonté trop d'obstacles pour son âge, mais qui s'accrochait coûte que coûte à la vie, qui lui demandait trop d'efforts. Maya allait craquer, épuisée de ce parcours si rempli en si peu de temps. Sa vie débutait à peine qu'elle ne lui donnait plus envie de continuer...

Maya était aussi du genre à se plaindre, en détestant le faire. C'est aussi pour cette raison qu'elle écrivait : le moyen par excellence de dire à quelqu'un et en même temps à personne notre ressenti. Et jusque là, ça fonctionnait plutôt bien. Seulement ce soir, il ne s'agissait pas seulement de maux du quotidien qu'elle avait besoin de coucher sur le papier pour passer à autre chose, non, loin de là. Cette problématique-ci nécessitait bien plus que quelques mots écrits, mais des actions concrètes. Et des actions nourries par la seule force du désespoir, poussant ainsi à la détermination. Le meilleur moteur pour parvenir à ses fins, utiliser à bon escient ses émotions.

Ce soir comme les autres, ou peut-être pas, Maya ne voyait justement pas quoi faire, pour atteindre son objectif. Il lui semblait qu'elle avait fait le tour de la question, et qu'elle en était revenue à son point de départ qu'elle ne pouvait que détester, le fameux "comment ?". Comment financer les études dont elle rêvait ? Grande question à laquelle elle avait voulu répondre par "bourses", mais qu'elle ne pouvait pas avoir en raison du pays qu'elle affectionnait tant où elle était (malheureusement) née, et qui, on ne sait comment avait décidé qu'au dessus de tant de revenu annuel, il serait impossible de toucher quoi que ce soit. Même si concrètement, genre vraiment concrètement, elle se rendait bien compte qu'il était presque impossible de payer quoi que ce soit en plus que la nourriture, les vêtements, les affaires solaires et tout ce dont un enfant a besoin.

Maya était à bout, telle une cocote minute qui ne demande qu'à exploser. Elle tentait de relativiser, se disant qu'elle n'était pas la plus à plaindre, puisqu'elle avait un toit au-dessus de la tête et de quoi manger à sa faim tous les jours, mais son cœur était remplit d'une tristesse que personne ne pouvait soulager. Maya devait regarder la réalité en face, et accepter de devoir dire adieu à son rêve, cette école prestigieuse de SciencesPo qui avait suscité en elle un fort intérêt, qui avait animé en elle cette flamme, qui faisait rêver Maya et lui donnait envie de faire du droit, pour défendre la population, rétablir la justice. Et ce, dans un pays qui l'accepterai : le Canada. Car Maya l'avait bien compris, sa place n'était pas ici. Son avenir se dessinait de l'autre côté de l'Atlantique, il n'attendait plus qu'elle. Mais soudain, tous ses plans et ses espoirs furent réduits à néant.

Ce soir comme les autres, ou peut-être pas, les yeux pétillants de Maya commençaient à s'éteindre. Cet éclair qui traversait son regard quand elle parlait d'étudier sur ce campus de Reims bercé par cette multiculturalité, ce mélange des langues qui constituent un réel lien entre les étudiants et non pas une barrière, commençait à disparaître, et ses yeux se teintaient de tristesse. Comment dire au-revoir à cette opportunité de s'engager dans des associations, faire des stages dans le cadre d'un parcours civique, découvrir des connaissances dans un cursus pluridisciplinaire très complet et personnalisé en anglais -langue qu'elle affectionnait particulièrement, vivre indépendamment et apprendre à apprécier sa propre compagnie, faire des rencontres et profiter à fond des meilleures années de sa vie... 

Maya, ce fameux soir, était vide. Tout simplement vide. Et même mettre sa douleur par écrit ne soulageait pas cette rage qui l'envahissait au fur et à mesure qu'elle digérait la nouvelle. Maya était impassible à l'extérieur, en pleine tempête à l'intérieur, si je reprends les mots de sa meilleure amie. Cette Maya, qui s'était battue depuis toute petite, s'apprêtait à baisser les bras pour la première fois de sa vie, impuissante, en souffrance. Cependant, dans un dernier instant d'espoir, Maya avait repris sa plume, et avait écrit ces mots que je vous écrit. Comme un appel à l'aide. Un appel au secours. "entendez ce message" hurlait-elle silencieusement à tous ceux qui pouvaient l'entendre, "il est temps de me rendre ce que j'ai donné. Il est temps que je vive", concluait-elle.

Chères amies lectrices, chers amis lecteurs, ceci est l'histoire de Maya, une jeune fille fraîchement arrivée en classe de première, des étoiles pleins les yeux, commençant à s'assombrir...

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