Destrier Mortel

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Alexandre avait fini par me lâcher, sans doute satisfait de ce qu'il avait réussi à obtenir du basané. 

Pourtant, ils n'avaient échangé que très peu de paroles entre eux, se contentant simplement d'un duel de regards silencieux mais si lourd de sens. 

Jamais encore il ne m'avait été permis de voir une telle froideur dans les iris de Zayn et ce que j'y découvris ensuite fut pire. 

Derrière ce bloc de marbre se cachait maintenant une peur irrationnelle, une peur que même lui et ses airs de gros dur n'arrivaient plus à ignorer. Et Zayn qui avait peur, c'était insensé, trop délirant pour être vrai, trop fou pour y croire. Parce que Zayn n'avait pas peur, il n'avait jamais peur, il jouait avec le feu, une main ainsi posée sur le briquet et l'autre sur la jarre d'essence, il était la flamme et le combustible et comme si ça ne suffisait pas encore, il emmerdait le monde et tout ce qu'il pouvait bien avoir à lui dire. 

Mais maintenant que lui avait peur, qu'est-ce qui pouvait encore bien tenir debout ici bas ? 

Quelle que fut la signification des derniers mots du blond, ils l'avaient heurté de plein fouet et de ce Zayn si fort que je ne connaissais, il ne restait qu'une ombre. 

Une ombre tracée au feutre, hachurée, striée de noirceurs et de secrets. Une ombre dans laquelle j'allais malgré moi m'engager et qui ne cessait de grandir par-dessus mon épaule. C'était le vent, c'était l'orage, c'était cette fièvre qui gangrénait l'esprit du basané et qui n'allait pas tarder à nous ravager. 

Lorsqu'ils en avaient eu assez du silence de leurs âmes qui rageaient,  Zayn avait pris ma main pour mieux m'attirer jusqu'à sa moto. L'engin rutilant attendait presque frénétiquement le prochain assaut. 

Il me tendait désormais son casque et je compris que dans la précipitation, il avait dû oublier de prendre le deuxième. 

Je l'enfilais sur ma tête avant d'enfourcher le destrier mortel. 

Zayn démarra sous le regard accusateur du blond, ce même regard qui nous suivit jusqu'à ce que le pavillon crème disparut derrière nous sous des traînées de fumée.  

Le basané n'avait toujours pas décoché un mot et je doutais qu'il le fasse.

C'était cette ombre, elle devait être en train de le dévorer de l'intérieur, de ronger chaque recoin, chaque parcelle de celui qu'il était et qu'il avait tenté d'être jusqu'à maintenant. 

Mais sa couverture venait de voler en éclats. 

J'entourais alors un peu plus fermement son torse, redoutant de le voir fuir comme il en avait l'habitude. Mais après tout, peut-être qu'il ne fuyait pas, peut-être juste qu'il essayait de gagner du temps parce qu'il savait que face aux ténèbres il ne gagnerait pas. Pas comme ça, du moins. 

Il emprunta la voie rapide et entreprit directement un dépassement. 

Sans prévenir, le moteur se mit à rugir. Le fracas fut monstrueux, l'écho, terrible et je manquais de perdre l'équilibre. Ce n'était plus l'adrénaline qui parlait, c'était le cœur du basané. Il se désagrégeait comme les pneus lisses de sa moto sur le bitume, il s'époumonait à chaque nouvelle impulsion. C'était ça que d'être une bombe à retardement, c'était prendre le risque d'exploser à tout moment. 

Ma gorge se serra. Je n'avais plus la force d'hurler, je ne m'entendais plus penser. 

Des larmes roulèrent sur mes joues, peut-être à cause du vent qui me fouettait ou peut-être juste parce que je ressentais toute la tristesse de Zayn se déverser graduellement en moi. 

Red Lightning Strike | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant