Coup du Sort

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Albert Espinosa disait qu'il y a des sentiments qui justifient qu'on vole en éclats et celui qui me parcourait en ce moment même était l'un d'entre eux. 

Assise sur la banquette arrière, j'écoutais le chuintement des pneus crissants de notre voiture en vrac glisser sur le bitume humide. 

Maman avait mis le chauffage au maximum pour couvrir le silence que même nos respirations n'auraient pas pu compenser. 

Dehors, toujours le même ciel étoilé, mais sous une autre perspective cette fois-ci. 

Ce paysage, qui quelques heures auparavant m'avait apportée réconfort et sérénité n'était plus qu'ombres et ténèbres et désormais, même les étoiles semblaient me juger. 

La nouvelle avait ébranlé ma mère quand aux alentours de vingt heures, son téléphone avait sonné. À l'autre bout du fil, un policier du commissariat le plus proche l'avait informé du méfait. 

Une fois sur place, tout ce qu'elle apprit de plus fut un condensé des paroles que j'avais servi aux agents ce soir-là. Un ramassis d'idioties bégayé sur l'instant sans savoir jusqu'où tout ça me mènerait. 

J'avais prétendue m'être retrouvée dans cette situation malgré moi. J'avais alors avoué ne pas me souvenir de ce qui s'était réellement passé au moment de l'annonce de la fermeture du bâtiment, sans doute m'étais-je évanouie avant de reprendre connaissance au mauvais endroit, au mauvais moment ? 

Qu'aurais-je bien pu dire d'autre à part jouer la carte de l'étonnement et  feindre la vérité ? Que Zayn m'avait entraînée dans ce merdier ? Qu'il m'avait abandonnée à mon sort alors qu'il était l'instigateur même de ce bazar ? 

Oui, j'aurais pu, j'aurais même été en droit de le dénoncer mais quelque chose m'en avait dissuadée. Et même si au fond de moi je savais de quoi il résultait, je n'étais pas prête à l'admettre. Pas maintenant. Pas ici. J'étais bien trop en colère après le basané pour ça. 

Mais de quoi au juste ? N'avais-je pas été assez prévenue ? Ne m'avait-on pas dit qu'à force de jouer avec la foudre, je finirais par m'électrocuter ? Au fond, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. 

J'aurais dû écouter Mindy, laisser le passé au passé et stopper la machine infernale quand les choses avaient commencé à dégénérer. J'aurais dû laissé son dossier bien au chaud là où il était et j'aurais surtout dû arrêter de jouer les Sherlock Holmes. 

Cette histoire était allée beaucoup trop loin, elle m'avait dépassée. J'avais oublié de lâcher la bombe quand la mèche s'était enflammée et désormais mon cœur n'était plus qu'un énorme gruyère, perforé de part et d'autre. 

Évidemment, les agents n'étaient pas dupes, ou du moins, ils n'avaient pas réussi à l'être suite à mes bobards. La sécurité du musée n'avaient pas rêvé le jeune homme qui s'était enfui de justesse alors qu'ils avaient réussi à me mettre le grappin dessus. Mais que pouvaient-ils faire de plus ? 

Mes explications étaient bancales et je continuais de nier tout ce que je pouvais à propos du basané, néanmoins, nous n'avions rien volé, rien endommagé et le fait qu'Eden était une petite ville avait alors clairement joué en ma faveur. Ici on préférait s'arranger à l'amiable. Et même si j'étais mineure et que j'aurais pu me retrouver en garde à vue, la procédure aurait été inutile étant donné que rien, excepté ma présence mystérieuse dans le bâtiment ne pouvait être retenue contre moi. 

Le directeur du musée, alors alerté de l'intrusion s'était vu soulagé d'avoir eu affaire à deux plaisantins plutôt qu'à deux voleurs forcenés et avait décidé de classer le dossier en se promettant de renforcer la sécurité des galeries. 

Red Lightning Strike | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant