Les Fleurs du Mal // DEEN [TOME 2]

10/ Une urgence

« Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d'une métropole crue moderne, parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l'extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. Ici vous ne signaleriez les traces d'aucun monument de superstition. » Ville, Arthur Rimbaud.

* *

Ken Samaras

Je m'inquiète. Enfin, c'est surtout que j'ai peur d'avoir fait quelque chose de mal. Je flippe un peu qu'elle m'en veuille. J'avoue que j'ai pas compris ce qu'il s'est passé hier soir. Je tirais une taffe de mon joint, je l'ai proposé à Clémence et j'ai vu une sorte de blocage dans ses yeux. Après ça, elle s'est levée en trombe et elle s'est réfugiée sur le balcon de Deen. Je l'ai observé et j'ai clairement vu que y avait un problème. Elle était pas dans son état normal. J'ai voulu me lever mais Iris a posé sa main sur mon bras pour m'en empêcher. Elle a dit que Clémence avait besoin d'être seule. Je l'ai écouté tout en me demandant comment elle pouvait être certaine de ça.

Moi, si je m'étais écouté, je me serais levé pour aller voir ce qui n'allait pas mais la voix de la raison m'en a dissuadé.

Après ça, je l'ai regardé discuté avec Deen. Ça avait l'air sérieux comme discussion. J'ai même eu l'impression que lui savait pourquoi elle était sur ce putain de balcon.

Tout ça pour dire que j'ai pas fermé l'œil de la nuit parce que cette histoire m'a tracassé.

C'est la raison pour laquelle en ce dimanche matin, 9h00, je suis devant la porte de l'appartement de Clémence. Je me suis dit qu'en venant à cette heure-là, je suis certain de la voir quitte à la réveiller. Je sonne.

Une fois.

Deux fois.

Je cogne à la porte.

Rien.

Puis la porte de l'appartement d'à côté s'ouvre sur une vieille femme.

-Vous cherchez la petite Clémence ? me demande-t-elle.

Je suis surpris de voir qu'elle la connait.

Elles sont voisines Ken, me souffle ma conscience.

J'acquiesce finalement.

-Elle doit dormir, dis-je résigné à repartir chez moi.

La petite dame sourit.

-Non, non, elle est partie en urgence il y a une heure. Elle m'a laissé son chien, dit-elle en désignant le magnifique chien à ses côtés.

Je fronce les sourcils.

Une urgence ? Un dimanche matin à 8h00 ?

Clémence ne connait personne à part nous à Paris, nan ?

-Vous savez où elle est ? je demande en jouant ma dernière carte et en espérant que cette femme soit une sorte de mégère qui ne sait pas tenir sa langue.

-Elle était très pressée et un peu sur les nerfs mais elle n'a pas dit où elle allait, m'explique-t-elle. Vous voulez que je lui laisse un message de votre part ?

-Dites-lui juste que Ken est passé pour s'excuser.

Elle hoche la tête tout en m'offrant un sourire bienveillant. Je me détourne pour me diriger vers l'ascenseur quand soudain une question me vient en tête.

-Vous connaissez bien Clémence ? je demande.

-Oui, elle vient souvent me voir. Parfois, elle me dépose Gibbs. Elle désigne le chien. Parfois, nous passons des soirées ensemble ou bien des après-midi. C'est une jeune femme en or. Vous avez de la chance de la connaitre. Avec tout ce qu'elle a traversé.