21/ Clémence

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« C'est un drôle de nom que tu portes, je voudrais pouvoir l'essayer
C'est un peu d'histoire que tu portes dans tes bras sans même y penser
Ton nom qui fait naître l'envie qu'on a toujours espérée
Est-ce que tu veux le partager? On nous l'a souvent refusé
Clémence, Clémence, pourras-tu un jour me donner
Clémence, Clémence, les pardons que j'avais demandés?
C'est un drôle de nom que tu as, lourd et léger à la fois
Je veux le crier sur les toits, en offrir tout autour de moi
Pense à tous ces destins brisés, ton nom pouvait les épargner
L'esprit des anciens condamnés repose enfin à tes cotés

* *

Mikael Castelle

Lorsque je me réveille, la même vision que la veille s'offre à moi. A une exception près.

Elle est réveillée.

Ses yeux bleus océans me fixent.

Elle esquisse un petit sourire. Magnifique sourire.

-Je vais commencer à m'habituer, je lâche.

-A quoi ?

-A voir ton visage au réveil, je réponds tandis que son sourire disparait.

Elle fronce les sourcils et demande :

-Comment ça ?

Ok, je sens la gêne s'installer entre nous et c'est bien la première fois. Plus que de la gêne, un malaise se crée lorsqu'elle fuit mon regard.

-Ben je couche jamais plusieurs fois avec la même fille. Et toi, ça fait trois fois, j'avoue bien que je ne pense que c'est la meilleure chose à dire. Je veux être honnête.

Son regard est posé sur la couette. On dirait qu'elle a peur. Ou quelque chose dans ce genre-là.

-J'ai peur Mikael, finit-elle par dire, ses yeux plantés dans les miens, après plusieurs minutes de silence.

-Peur de quoi ? je demande.

-De toi et moi. Je fronce les sourcils et l'invite à m'expliquer du regard.

A cet instant, si j'avais su ce qu'elle s'apprêtait à me dire, alors je ne l'aurai pas quasi-forcée. Elle se lance :

-Il y a trois ans, j'étais presque marié à celui que je pensais être l'homme de ma vie. C'était le mec parfait. Il m'a demandé en mariage et j'ai accepté. On était ensemble depuis deux ans et demi et pour moi c'était une évidence. Puis les jours suivants, il a commencé à se montrer possessif et par la suite j'étais devenue sa propriétaire étant donné que j'allais devenir sa femme. Il me disait ce que je devais faire et comment je devais m'habiller. Je devais rentrer directement après le travail. Il était jaloux de Saïd. Par la suite, la violence physique et verbale a commencé. Il m'a frappé plusieurs fois. Et puis un soir, trois mois plus tard, il a frappé trop fort, il a failli me tuer. Il m'a poignardé entre les deux seins. Je sais pas trop comment j'ai fait mais je suis partie et j'ai atterri dans un commissariat. Je me suis évanouie et à mon réveil à l'hôpital, j'ai porté plainte. Il est en prison. Elle fait une pause, les yeux baignés de larmes, avant de terminer. J'ai peur parce que t'es le premier homme avec qui je couche depuis 3 ans.

Au bout de son récit, bien trop chamboulé par ses révélations, j'arrive seulement à demander :

-Comment ça se fait que....fin, que tu sois...

-En vie ? demande-t-elle en me coupant.

J'acquiesce.

-Par chance, la lame n'a pas été profondément. Les médecins ont dit que quelques millimètres de plus et c'était le cœur.

Je secoue la tête, bouleversé par ce qu'elle vient de me raconter. Je ne sais pas vraiment quoi dire. J'ai peur de dire quelque chose qu'il ne faudrait pas. Je ne peux qu'imaginer le calvaire qu'elle a vécu et franchement, j'ai mal. Le cœur serré, les poings serrés, je souhaite à ce mec de ne jamais me rencontrer.

-Je sais pas comment en parler à Hakim, finit-elle par dire après un long silence.

C'est clair que là, le bresson va vriller. Heureusement pour le connard – ou pas – que ce mec est prison.

A cet instant, je ne sais pas si c'est son récit qui me donne le courage ou bien son regard qui me transperce, mais je décide de moi aussi lui parler. Je décide que c'est le moment pour lui raconter un bout de mon passé. C'est un peu comme si je lui rendais la pareille bien que mon histoire soit moins horrible que la sienne.

-Il y a un peu plus d'un an, j'étais en couple avec une fille, je commence. Ça faisait trois mois. J'étais pas amoureux d'elle mais je m'étais attaché bien qu'avec du recul je me demande comment j'ai pu poser mon regard sur elle. Elle était tellement différente de toi. Bref, au bout de trois mois, elle m'a annonce qu'elle était enceinte. La vérité, j'étais choqué et en même temps heureux parce que c'était ce que j'avais toujours voulu alors je me suis dit que mes sentiments pour elle viendraient probablement avec le temps. Sauf qu'à quatre mois de grossesse, elle m'a annoncé que j'étais pas le père et qu'elle ne m'avait jamais été fidèle. Elle était juste là pour coucher avec Deen Burbigo, le rappeur.

Ses yeux bleus m'ont fixé pendant tout le temps où j'ai parlé et c'est probablement ce qui m'a incité à continuer jusqu'au bout.

-Je suis désolée, dit-elle.

-C'est à ce moment-là que j'ai arrêté les coups d'un soir et que j'ai compris que fonder une famille c'était réellement ce que je voulais. Je l'ai compris au moment où je l'ai perdu.

Clémence attrape ma main et la serre. Ce petit geste me réchauffe le cœur.

-Je suis pas en train de dire que je veux me marier avec toi mais...

Elle cligne des yeux.

-J'ai compris, t'inquiète.

J'esquisse un sourire et lui demande alors la question qui pourrait tout faire flancher :

-Est-ce qu'on est ensemble ?

Elle sourit à son tour.

-Oui.

Je passe mon bras autour de sa taille et la rapproche de moi. Je pose mes lèvres sur les siennes et elle approfondit notre baiser. Lorsque nos lèvres se séparent, je pose les miennes sur son front.

-A notre rythme, je murmure.

-A notre rythme, répète-t-elle avant de se glisser dans mes bras.

* *

C'est toujours les mêmes, je crois, qui décident du prix de nos chances
C'est toujours ceux qui mènent la danse, seras-tu un jour avec moi?
Je voudrais un peu de ton nom
Oh, un peu de ton nom
Je voudrais un peu de ton nom, de ton nom
»

Clémence, Johnny Hallyday

Les Fleurs du Mal  // DEEN [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant