• chapitre 5 •

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Un petit plaisir simple de Namjoon, partagé par de nombreux Séoulites, était d'éviter l'heure de pointe du métro. Après des années à habiter dans la capitale ou ses alentours, il s'était naturellement habitué à cette parenthèse infernale quotidienne ; celle où étudiants ou écoliers, employés de bureau ou touristes fatigués, se bousculaient sans pitié dans les wagons exigus. Mais il éprouvait toujours une satisfaction indéniable quand il pouvait y échapper.

Ce jour-là, il avait fini les cours assez tôt dans l'après-midi, et avait décidé de rentrer directement chez lui au lieu de passer sa fin de journée à la bibliothèque. Il travaillait beaucoup ces derniers jours, et globalement mieux que d'habitude, alors il aimait se laisser profiter de quelques pauses de temps en temps. Il se surprenait à vouloir sortir, se promener dans les rues de son quartier ou dans des endroits inconnus, au lieu de rester chez lui. Cette envie d'air libre n'était pas nouvelle, mais il l'avait redécouverte depuis une semaine ou deux.

Il n'y avait pas de coïncidence. Namjoon était le premier à savoir où était l'origine de ce changement. Enfin, plutôt, qui. Car c'était bien le fait de parler à Seokjin qui ouvrait son esprit et lui donnait envie de faire toutes ces choses nouvelles. L'habitude que Seokjin avait pris de lui partager des événements à venir, ou de lui recommander telle expo ou tel quartier à visiter, lui faisait prendre conscience de la richesse de son environnement. Elle lui faisait aussi prendre conscience de combien de choses il ratait, en restant enfermé dans son boulot.

Par exemple, cette magnifique journée ensoleillée, de plus en plus rare alors que décembre approchait. Malgré l'air froid, Namjoon envisageait d'aller faire un tour dans le parc près de son appartement, quand il rentrerait. Ou peut-être qu'il pourrait aller au musée.

La tête pleine d'idées, bercé par le bruit monotone du train glissant sur les rails, Namjoon se laissa rêvasser.

Le train s'immobilisa, les portes s'ouvrirent dans un bruit mécanique. Puis, un éclat violacé entra dans la vision périphérique de Namjoon.

Presque instinctivement, il releva la tête, et son regard se posa sur Seokjin. Il venait d'entrer dans le wagon, se tenait à un petit mètre de lui seulement, et était absorbé par la consultation de son téléphone. Avec sa tête baissée, ses cheveux tombaient sur ses sourcils légèrement froncés, et presque sur ses paupières mi-closes. Ses longs cils battaient au rythme du clignement de ses yeux concentrés, ainsi qu'au rythme du cœur de Namjoon.

Il était paralysé. La présence de Seokjin, totalement imprévue, évidemment bienvenue, lui faisait perdre ses moyens. Là était sa chance de surmonter sa peur et d'entamer une discussion - mais que devait-il dire ? Pouvait-il le saluer, ou au moins lui faire un sourire ? C'était bien ce que faisaient les connaissances : et par définition, ils se connaissaient, ils se parlaient même presque quotidiennement par message, alors il pouvait...

"Ah, salut."

Namjoon ne s'était même pas rendu compte qu'il fixait Seokjin depuis quelques secondes. Celui-ci l'avait enfin remarqué. Il lui lança une salutation nonchalante et un sourire illumina son visage. Puis, avant même que Namjoon ne puisse lui rendre la pareille, il retourna son attention vers son écran. Son sourire ne disparut pas complètement, mais ses traits redevinrent neutres et las, et ses épaules s'affaissèrent, si vite que Namjoon s'en trouva désemparé.

"... Salut," se risqua-t-il à bredouiller en guise de réponse. Il y eut quelques secondes de silence, durant lesquelles il se prit à cogiter. Il cherchait quelque chose à lui dire, quelque chose de simple. Il ne l'avait jamais vu dans ce métro ; il pouvait peut-être lui demander s'il rentrait chez lui ? Non, c'était trop bizarre. Il allait passer pour un stalker. Et s'il lui demandait comment s'était passée sa journée ? C'était peut-être trop osé.

Reflets parfaits • namjinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant