Mon Père est Bûcheron

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Au fond de la forêt, sous la feuillée fragile,

Je vis avec mon Père et Ses muscles fiers,

Sa hache olympienne et Son talon agile :

Il a le dur aspect du gardien des Enfers !

Lorsqu'Il hausse la voix, on croirait un lion

Qui sous sa crinière admoneste le monde !

Alors chaque mortel tremble dans son sillon

Comme un petit enfant que le tonnerre gronde !


Il a les yeux pers sous son auguste front,

Le regard plus obscur que la Caverne ancienne,

Une barbe touffue qu'on dit « de bûcheron »

Et la bouche tapie sous Ses boucles d'ébène !

Soutenant ce visage : un corps des plus solides,

Large d'épaule autant qu'élevé de stature,

Du père condamné des belles Hespérides

Il a la fermeté et la noble carrure !


Quand Il s'en va nu-pied abattre notre bois,

Il n'a cure du givre ! Il n'a cure des ronces !

Et lors, dès qu'Il rencontre une meute aux abois,

Celle-là goûte vite à Ses poings pierres ponces !

En croisant Son parcours, tout serpent, si malin,

Se cache sous les fleurs, muet et immobile,

Et des heures durant, sous le ciel pétalin,

Tremble du grand retour de Ses pieds d'argile !


Cherchant le meilleur arbre au milieu des cyprès,

Il marche sans peiner ni la moindre relâche

Puis l'aperçoit enfin ! Il s'approche plus près

Et comme en un éclair le frappe de Sa hache !

Le tronc frémit déjà, presque sans coup férir,

Vaincu par l'Abatteur et Sa force tranquille

Il se laisse tomber, il se laisse mourir,

Quittant à tout jamais sa terre et l'aspergille !


Avant de transporter ce fardeau prodigieux,

De Son grand couperet Il taille le branchage,

Puis avec une force à supporter les cieux,

Sur Son épaule assied le cadavre sans âge !

Il le dépose au sol dès qu'Il est revenu

Avant de retourner découper la nature !

J'ôte ce que je peux du bel arbre chenu :

Mes bûches serviront à chauffer la masure !


Quand le soir est venu Il finit mon labeur,

Morcelant les rondins, qui sont encor bon nombre,

J'espère avoir un jour le quart de Sa vigueur

Mais aujourd'hui je suis et grandis dans Son ombre !

Lorsque j'ai de la chance Il m'emmène avec Lui,

Il m'enseigne Son art et je bois Ses paroles,

Nous jouons du tranchant sans connaître l'ennui :

Il supporte le tronc, moi je tiens les girolles !


Si une nuit funeste Il ne revient pas,

S'Il se couche, immobile, au milieu des pétales,

Si plus rien ne frissonne au fracas de Ses pas,

Si Sa chair est meurtrie par les dents animales,

Alors Je parcourrai les mondes forestiers,

Muni de cet outil qui lui servait d'emblème,

Je ferai s'effondrer les faîtes altiers,

Et Mon jeune apprenti finira le poème...


08/01/13

Avant la Pologne : Iter, itinerisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant